Des cités et des mâles

Quelle tristesse ce reportage de Rue89. Comment deux mondes aussi différents peuvent-ils exister dans le même pays ?

Je connais ce "deuxième monde", mais je sais aussi trois choses :
1) c'est très loin de refléter toute la banlieue parisienne, et puis d'une façon générale, c'est plus complexe que ça en a l'air (le lycée dans lequel je suis est constitué de ce "deuxième monde", si l'on veut, mais ce n'est pas pour autant qu'on me regarde bizarrement quand je me ramène avec mes jupettes et mes legging ; et les gens là-bas ne sont pas les plus intolérants, loin de là, quand je leur dis que [pourquoi y a autant d'énormes araignées par ici ???? c'est une malédiction] je refuse de me marier et d'avoir des enfants ; ensuite, je peux parler de toutes celles qui disent "fuck" à leurs frères quand ils veulent diriger leur vie, etc.) ;
2) on le rencontre ailleurs que dans cette banlieue ;
3) leurs préjugés ne sont pas si fermement ancrés ; avec un peu de volonté et d'audace, il est possible de les en "libérer", si je puis dire ; du moins, dans le cadre de l'école. Sûr, y a toujours des cas ; mais dans l'absolu, à l'école, ces jeunes-là marchent beaucoup à l'affectif ; à partir du moment où tu gagnes leur affection, c'est d'autant plus simple d'avoir une bonne influence sur eux.


Malgré les différences qui nous séparent, eux et moi (je mets des mini jupes et des décolletés ; je suis athée ; je ne suis pas du tout famille ; je n'aime pas être "en bande" ; etc.), je me sens beaucoup plus "chez moi" dans ce "deuxième monde" qu'au milieu de nos amis les bourgeois. x) Ah, la prépa, quel charmant souvenir... Je ne me suis jamais sentie aussi étrangère de ma vie qu'à cette période de mon existence !


Et si jamais vous avez un gros caïd qui vous fait peur, appelez donc... ma soeur !!!
Je me souviens d'un jour... Elle s'était débrouillée pour avoir l'adresse d'un élève de ma mère, un élève à la douce réputation de racaille. Il habitait dans une cité qui a une très mauvaise réputation : la cité des 4000. Elle est rentrée dedans sans aucune peur (elle qui sait pourtant jouer la méga trouillarde), est passée devant des bandes de loubards étonnés de voir cette fille, étrangère à leur territoire, avancer d'un pas aussi décidé, puis a sonné à la porte de l'élève, qui ne l'a même pas reconnu sur le coup, et là elle lui a lancé, avec une grande théâtralité : "Sors avec moi ou je me tue." Je vous laisse imaginer la panique du mec.

Je suis née en Seine Saint-Denis, j'ai fichu le camp dès que j'ai pu ! J'en avais marre d'avoir peur en rentrant chez moi et qu'on trouve des seringues et des bouts de verre dans la cour de la crèche de mes filles. Mais le milieu bourgeois ne me plairait pas non plus.
Dis donc, Kervinia, ta soeur a l'air du tonnerre !

En tous points d'accord avec toi, Kervinia.
A noter tout de même que le reportage La cité du mâle n'a pas pu être diffusé avant-hier soir, sur Arte, en raison du "risque encouru par certains protagonistes"...

IzaBzh a écrit:

Je suis née en Seine Saint-Denis, j'ai fichu le camp dès que j'ai pu ! J'en avais marre d'avoir peur en rentrant chez moi et qu'on trouve des seringues et des bouts de verre dans la cour de la crèche de mes filles. Mais le milieu bourgeois ne me plairait pas non plus.
Dis donc, Kervinia, ta soeur a l'air du tonnerre !

Je suis née en Seine-Saint-Denis également. Je n'ai pas peur en rentrant chez moi (et je rentre tard, en temps normal). En même temps, je suis inconsciente de nature (c'est une longue histoire ! [commentaire de mon copain, qui vient de jeter un oeil : oui, tu m'as même rencontré grâce à ça !]). Ça m'a plutôt réussi jusque là. En revanche, j'en connais de moins chanceux, surtout chez les mecs. On a beau dire "les filles, faites gaffe à vous quand vous sortez dans la rue", j'ai l'impression que c'est aux mecs qu'il arrive le plus d'emmerdes. Mon frère s'est fait racketté plus d'une fois, un de mes ex s'est fait poursuivre par un mec armé d'un flingue, les deux seules fois où ma sœur s'est retrouvée mêlée à une agression, c'était lorsqu'elle était avec son ex (à chaque fois, elle s'en est très bien tiré, mais pas lui), etc. Quand t'as l'air d'avoir peur ou quand t'as l'air faible, ça n'arrange rien. Mon ex dont je parle ici, par exemple, je lui disais de ne jamais changer de trottoir, mais il ne m'écoutait pas, ce con. [au tel avec mon pôpa] Youhou, il va me donner deux invit' pour la Fête de l'Huma. =D

Sinon concernant plus directement ma sœur, je ne sais pas comment fonctionne son cerveau, des fois ça m'intrigue. oO N'empêche, le jour où mon père m'a appris ça, j'ai éclaté de rire - ce qui n'était pas le cas de mes parents, angoissés au possible. C'était trop fort quand même. Je crois que l'un de nos rares points communs, c'est ce petit grain de folie. Mais comme moi-même, je ne sais pas très bien pourquoi j'agis quand j'ai mes coups de folie, je ne sais pas pourquoi elle-même agit ainsi.

Sylbao a écrit:

En tous points d'accord avec toi, Kervinia.
A noter tout de même que le reportage La cité du mâle n'a pas pu être diffusé avant-hier soir, sur Arte, en raison du "risque encouru par certains protagonistes"...

Arte compte reprogrammer le documentaire, après enquête sur la réalité des menaces rapportées. Une réunion avec les personnes qui se sont plaintes doit avoir lieu ce jeudi.

«La dimension essentielle du problème semble concerner la préservation de l'anonymat de ces témoignages, des questions de floutage, etc.», indique Emmanuel Suard.

Daniel Leconte dénonce un «précédent inadmissible» et regrette d'avoir dû céder face aux «pressions de caïds de banlieue». Arte souligne que ce phénomène est «très très rare». «Pour des documentaires d'investigation, il arrive qu'on rencontre des problèmes. Mais d'habitude, on arrive à les surmonter avant la diffusion», conclut Emmanuel Suard, directeur adjoint des programmes d'Arte

source telerama.

Un article un peu plus fourni ici :

Pourquoi Arte a déprogrammé un documentaire sur une cité de banlieue

Tu sais, Kervinia, je n'avais pas peur non plus de rentrer chez moi (et je ne changeais pas de trottoir, jusqu'à un certain jour, pourtant en pleine heure de pointe avec du monde autour. Depuis, mon assurance a baissé au moins d'un cran.
Maintenant, il y a certainement du travail à faire de part et d'autre pour que ça s'améliore, mais les progrès seront à mon avis nettement plus efficace si on ouvre le dialogue avec les jeunes que si on sort les cars de CRS et qu'on leur tape dessus.

Ah, ça, je dois dire qu'on ne m'embête jamais le soir, moment dont les gens se méfient pourtant en général ; donc quand tu dis "pourtant en pleine heure de pointe", je comprends très bien ce que tu veux dire. =/

Concernant les CRS... Un moment, j'étais dans le 92, chez mon père, dans un coin d'ordinaire toujours tranquille, et là d'un coup, petite émeute, alors que j'étais dans le bus. Dehors on voyait des CRS tabasser des jeunes, et là tu te dis : même si les jeunes ont peut-être fait quelque chose de mal, voir ce combat si inégal, avec des matraques d'un côté, et rien de l'autre, ça fait froid dans le dos. Et le chauffeur de bus, complètement hystérique : "Ne sortez pas ! Sinon je ne me porte plus garant de votre vie !" Ensuite, c'est devenu malheureusement tellement banal, que certains rient plus qu'autre chose à l'idée qu'on puisse appeler les flics. Et surtout, dès que tu les engueules, ils sont devenus tellement paranos qu'ils sont persuadés que tu vas les appeler, ce à quoi je réponds en général : "Comme si j'allais déranger les flics pour des petits merdeux comme vous."

Pour le dialogue, encore faut-il que ce soit un vrai dialogue et non un pseudo dialogue... Beaucoup de ces jeunes ont le sentiment qu'on se fiche totalement de leur existence et qu'on leur refuse le droit d'appartenir à part entière à ce fichu pays. Beaucoup sont fatigués et n'espèrent plus rien de cette société... Et ne plus rien espérer lorsqu'on est si jeune, je trouve cela tellement triste...

Oui, ne plus avoir d'espoir à cet âge-là, c'est triste en effet.

Je me suis trouvée prise dans une émeute, un soir, vers 20h. Dans le 91.

Jour de grève.

On attendait le bus, on était nombreux, de retour du boulot. On voit soudain arriver des jeunes, des ados cagoulés. Ils se postent en face de nous, sur le trottoir et ne disent rien. Ils étaient 25/30.

Une tension dans l'air était palpable.

Le bus arrive. Bombé à cause de la grève.

Et d'un coup, un déchaînement d'une violence inouïe : voilà les ados en train de frapper le bus, les gens, comme des fous.

Des sauvages, des guerriers.

Paniquée, j'ai couru comme tout le monde. Les femmes criaient. Et moi aussi !

Des gosses enragés.

Pourquoi cela ?


C'est de la violence gratuite.

Savent-ils eux-mêmes pourquoi ils font ça, à des inconnus, des innocents ???

2 ou 3 mecs ont tenté de s'interposer : ils ont fini à l'hosto. Les jeunes, eux, se sont très intelligemment égaillés (bien organisés, les mômes...et bien lâches aussi face aux keufs...)

Quand on a vécu une terreur pareille "en live" une fois dans sa vie, on a conscience que ce pays est une vraie bombe à retardement.

J'ai déjà traversé Aubervilliers, un dimanche après-midi en voiture, à côté d'un marché. Il n'y a pas que les jeunes qui lancent des regards noirs, mais au moins ils ne nous ont pas tapé !

Citation :

Savent-ils eux-mêmes pourquoi ils font ça, à des inconnus, des innocents ???

2 ou 3 mecs ont tenté de s'interposer : ils ont fini à l'hosto. Les jeunes, eux, se sont très intelligemment égaillés (bien organisés, les mômes...et bien lâches aussi face aux keufs...)

C'est ce qui s'appelle le phénomène de bande... Si je déteste les bandes, ce n'est pas sans raisons. "On est tous un peu cons dès qu'on est un peu plus de trois"...

Citation :

Quand on a vécu une terreur pareille "en live" une fois dans sa vie, on a conscience que ce pays est une vraie bombe à retardement.

Oh, oui... Si seulement, c'était les "bonnes" personnes qui se prenaient la bombe en pleine poire... Toujours cette manie de se tromper de cible... Je l'avoue, des fois, j'aimerais vraiment que ça pète, mais pas de cette façon... Car c'est totalement inutile et carrément nuisible, autant pour les victimes que pour les instigateurs. Ça n'a aucun sens...

IzaBzh a écrit:

J'ai déjà traversé Aubervilliers, un dimanche après-midi en voiture, à côté d'un marché. Il n'y a pas que les jeunes qui lancent des regards noirs, mais au moins ils ne nous ont pas tapé !

Ma ville chérie *.* Enfin, c'est là que j'ai grandi lol, et le lieu dont tu parles, c'est là que j'habitais grosso modo quand j'étais encore chez ma mère. C'est plutôt cool comme quartier, tout de même. oO Y a pire, à Aubervilliers.

C'était peut-être La Courneuve

Je crois que c'est ça, le vrai problème : les bandes.

Un petit caïd à leur tête.

Et les autres qui s'identifient.

Avec un code "d'héroïsme" : planter des mecs, frapper des femmes ou simplement terroriser un quartier, un lieu, des familles, etc...


Un seul but : la violence.


Et dans ce cas là, elle ne revendique rien qu'elle même.

IzaBzh a écrit:

C'était peut-être La Courneuve

Lol, alors dans ce cas, le marché de La Courneuve ne me dit rien.

Crevette > Ça me rappelle la primaire. Les garçons avaient un chef ; quand le premier a été viré, un deuxième l'a remplacé, mais une constante est resté : les autres obéissaient au chef au doigt et à l'œil. Fondamentalement, ils étaient bons, et si le chef n'était pas là, ils étaient tout gentils, de vrais agneaux, mais voilà : ils ne pouvaient s'empêcher d'obéir. Si le chef leur disait : "Va frapper ***", ils le faisaient. Sans animosité aucune pour ***, mais ils le faisaient. En primaire ! Alors, penses-tu, ça ne peut qu'empirer par la suite...

je crée un deuxième fil, puisqu'on on ne parle plus des femmes mais plutôt des cités et des mâles, titre que vous pouvez contester d'ailleurs.

je crois qu'au début de ce fil, vous faisiez mention d'une perte d'espoir, et d'une violence plus ou moins gratuite, sans doute née du ressentiment.

Avec des phenomènes de groupes, tels que la rumeur, une conception agressive de la virilité.

Penser aussi que les étiquettes infâmantes collées à certaines cités, ont aussi du retentissement, et qu'il est aussi cynique de pointer du doigt la petite delinquance de voyous qu'il faut réprimer violemment, pour détourner l'attention de la grande delinquance, qui s'exerce dans l'impunité, à quelques accrocs près dans certaines allées du pouvoir

Mais à part la violence parce que ça fait "viril", il y a aussi les conquêtes de pouvoir dans les cités.

Pour le contrôle de la came par exemple, ou des armes...


Différence avec les hommes politiques ?


La cagoule...


Au moins, les caïds des cités se cachent le visage...

Les autres paradent à visage bronzé à Neuilly ou sur les marchés.

l'article du Point fait entendre un son différent sur le documentaire suspendu :

Citation :

. "Les images du documentaire ont été manipulées. L'angle de départ et l'angle final n'ont rien à voir. Je n'ai pas signé pour ça", explique Nabila Laïb, la fixeuse en question, qui est également journaliste et collaboratrice du Point.

"Le documentaire devait parler des relations entre les filles et les garçons, on se retrouve avec un document où on ne voit que des jeunes dire "nique ta mère", des filles soumises et des mecs qui passent pour des grosses brutes. Loin de la réalité", estime Nabila Laïb, qui habite l'une des cités de Vitry-sur-Seine.

tout l'article du Point.

Arte diffusera finalement « La Cité du mâle » le 29 septembre à 21h35.

la dénonciation de ce documentaire par la journaliste Nabila Laïb, (fixeuse pour ce reportage) laisse planer un gros doute sur le travail de Cathy Sanchez.

C'estce que dit l'article de rue 89.

Je pense que ces accusations de manipulation vont un peu loin. La réalisatrice a voulu montrer le machisme en banlieue, elle l'a montré. Elle n'allait pas s'occuper de là où ça va bien.

Citation :

Elle n'allait pas s'occuper de là où ça va bien.

Lol, n'empêche que c'est dangereux, après ça pousse certaines personnes a faire des conclusions trop rapides...

Ça me fait penser à un sketch de Jamel...

*après avoir cherché désespérément*

Je galère à le trouver sur youtube lol mais en gros il caricature les journalistes qui viennent en banlieue, et il le fait tellement bien ! xD C'est à mourir de rire !

De mémoire (ce n'est pas au mot près et sans la voix de Jamel, c'est moins bien, mais je fais comme je peux) :

Citation :

Voix bien grave de Jamel, caché derrière un buisson [en fait, un tabouret lol] avec une longue vue : Dans cette cité anormalement calme... Trois dangereux caïds rôdent...
Voix normale : Ils sont toujours obligés de commencer par "cité anormalement calme", "dangereux caïds", tout ça. S'ils disaient : "Dans cette cité, trois jeunes jouaient à la marelle", on zapperait direct.
Voix bien grave : Et nous retrouvons nos trois dangereux caïds, dans leur marche illicite et dangereuse. Ils se dirigent vers une cabine téléphonique... probablement pour la... cambrioler ! ... Ah, non, ils téléphonent. (rire gêné) Mais c'est probablement pour appeler de dangereux dealers. Leur business leur rapporte chaque jour plus de 12000 euros.
Voix normale : Faut pas croire tout ce qu'on vous raconte à la télé. 12000 euros ! A ce prix-là, même Bernadette Chirac, elle vendrait du shit !

[soit dit en passant, ça me fait aussi penser à un passage de la BD Tendre Banlieue, dans lequel des journalistes se précipitent tout joyeux car une voiture est en train de cramer]

En attendant, j'ai mis la main sur le sketch sur Kadéra, qu'on pourrait réintituler : "Comment les femmes deviennent des hommes dans cette cité de mâles" lol (bon, ne prenez pas ça pour argent comptant, Jamel n'est pas en train de dire que toutes les filles des cités sont comme ça )

J'ai trouvé ce que je cherchais !



Le passage qui m'intéresse se déroule à partir de 6min50 jusqu'à la fin.