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| | Au sujet d'un aphorisme... | |
| | Auteur | Message |
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Harelde pilier
Nombre de messages : 7283 Age : 49 Localisation : Yvelines Date d'inscription : 18/09/2008
| Sujet: Au sujet d'un aphorisme... Mer 08 Juil 2009, 08:07 | |
| Salut les grains. Abonné à une liste de discussion ornithologique (à plusieurs, en fait), j'y ai posté récemment une citation de Victor Hugo : - Citation :
- « L'âme a des illusions comme l'oiseau a des ailes ; c'est ce qui la soutient. »
Je vous poste les commentaires qui ont découlé. Une personne me répond : - Spoiler:
ce "comme" a quelque chose d'abusif, même dans la langue de Victor Hugo,
Heureusement pour l'oiseau, il a autre chose que des "illusions" pour maîtriser le ciel.
Là où je suis d'accord avec VH, c'est qu'il n'y a guère que le terme "d'illusion" que l'on puisse accoler à "l'âme".
Merci de nous donner l'occasion de cet échange philosophique, toujours bienvenu dans une association ornithologique.
XXX
Ce qui m'a un peu chamboulé de la part de XXX, vieux monsieur, lui même écrivain à ses heures... Ce à quoi, je lui réponds : - Spoiler:
Le « comme » serait abusif ? Je ne trouve pas. Il marque le rapprochement, la comparaison directe. L'oiseau et l'âme sont mis sur un pied d'égalité. Les ailes sont aussi indispensables et aussi « naturelles » à l'oiseau que les illusions le sont à l'âme... Impossible d'imaginer un oiseau sans aile. Impossible d'imaginer une âme sans illusion. A moins de les voir, l'un et l'autre, s'écrouler.
Mais je n'ai pas été très assidu en cours de philo...
Il poursuit : - Spoiler:
Oui, c'est vrai, ce "comme" établit un rapprochement, mais justement, il établit un rapprochement entre des éléments de nature tout à fait différente, c'est en cela qu'il est "abusif".
L'oiseau a des ailes pour voler, c'est une réalité objective. C'est indéniable et incontournable; Elles lui servent de manière effective à s'appuyer sur l'air. Elles remplissent une fonction.
Mais à quoi peut bien servir une illusion ? Et en quoi cette illusion pourait-elle aider une "fiction" à s'élever dans un "quelque part" imaginaire.
Le "comme" va encore plus loin qu'un simple rapprochement, ou une comparaison. Le "comme" établit et sous-entend une "parenté", une "identité" de nature ; et quelle parenté de nature peut-on établir entre "l'âme" et un oiseau ?
On ne peut établir de parenté ou d'identité de nature, entre une création de l'imagination, une fiction (l'âme) et une créature en chair et en os.
Donc si, si, je maintiens, ce "comme" n'est vraiment pas à sa place (malgré tout le respect que je porte à l'auteur et son engagement exemplaire dans l'affaire Dreyfus).
Là, il me sidère tout à fait, et j'enchaine aussitôt : - Spoiler:
Hum... Je crois que nous ne sommes pas d'accord !
Nous sommes dans un registre poétique ou ton raisonnement rationnel est décalé. Victor Hugo place effectivement l'âme et l'oiseau sur un plan d'égalité. Rien de choquant. L'âme ne s'envole-t-elle pas à la mort de l'individu ? Je n'ai fait aucune étude littéraire. Ma démonstration risque donc d'être maladroite (dans le meilleur des cas), sinon légère, voire erronée. Tant pis, je fais parler mon moi, mes tripes, ce que je ressens intimement. Je n'ai pas d'autre choix.
Les ailes et les illusions sont deux moyens de s'élever. Les premières sont effectivement réelles. « Réelle » n'est pas le terme qui convient à transcrire ce que je sens. Mais le mot juste m'échappe pour le moment. Les illusions sont, quant à elles, immatérielles. C'est évident. Mais ne permettent-elles pas de s'arracher à la morosité, à la mélancolie d'une vie dénuée d'aspirations, de rêves ?
Pour moi, c'est justement cette juxtaposition de deux mots (aile et illusion) appartenant à deux registres différents qui constitue la beauté de cet aphorisme.
Attention XXX. Tu sembles confondre Victor Hugo et Emile Zola. Hugo est mort en 1885, soit 9 ans avant le déclenchement de l'affaire Dreyfus. Si vous avez une petite aide à nous apporter dans ce débat improvisé et qui nous dépasse un peu... | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Au sujet d'un aphorisme... Mer 08 Juil 2009, 11:31 | |
| Je crois comprendre que ton interlocuteur ne veut pas du mot âme et en reste au mot esprit. il refuserait le spirituel du mot âme, accepterait l'intellectuel du mot esprit, car il ya ambiguité entre mots de la même famille (spirituel, esprit). S'il s'égare parfois sur les chemins littéraires, tu peux lui rappeler que Paul Claudel faisait la différence entre animus (l'esprit logique qui travaille et ordonne) et anima (l'âme au sens du souffle, de la vie, de l'inspiration). animus/anima chez Paul Claudel. - Spoiler:
- Citation :
- Tout ne va pas bien dans le ménage d'Animus et d'Anima, l'esprit et l'âme. Le temps est loin, la lune de miel a été bientôt finie, pendant laquelle Anima avait le droit de parler tout à son aise et Animus l'écoutait avec ravissement. Après tout, n'est-ce pas Anima qui a apporté la dot et qui fait vivre le ménage ? Mais Animus ne s'est pas laissé longtemps réduire à cette position subalterne et bientôt il a révélé sa véritable nature, vaniteuse, pédantesque et tyrannique. Anima est une ignorante et une sotte, elle n'a jamais été à l'école, tandis qu'Animus sait un tas de choses, il a lu un tas de choses dans les livres, il s'est appris à parler avec un petit caillou dans la bouche, et maintenant, quand il parle, il parle si bien que tous ses amis disent qu'on ne peut parler mieux qu'il ne parle. On n'en finirait pas de l'écouter. Maintenant Anima n'a plus le droit de dire un mot, il lui ôte comme on dit les mots de la bouche, il sait mieux qu'elle ce qu'elle veut dire et au moyen de ses théories et réminiscences il roule tout ça, il arrange ça si bien que la pauvre simple n'y reconnaît plus rien. Animus n'est pas fidèle, mais cela ne l'empêche pas d'être jaloux, car dans le fond il sait bien que c'est Anima qui a toute la fortune, lui est un gueux et ne vit que de ce qu'elle lui donne. Aussi il ne cesse de l'exploiter et de la tourmenter pour lui tirer des sous, il la pince pour la faire crier, il combine des farces, il invente des choses pour lui faire de la peine et pour voir ce qu'elle dira, et le soir il raconte. tout cela au café à ses amis.
Pendant ce temps, elle reste en silence à la maison à faire la cuisine et à nettoyer tout comme elle peut après ses réunions littéraires qui empestent la vomissure et le tabac. Du reste, c'est exceptionnel ; dans le fond Animus est un bourgeois, il a des habitudes régulières, il aime qu'on lui serve toujours les mêmes plats. Mais il vient d'arriver quelque chose de drôle. Un jour qu'Animus rentrait à l'improviste, ou peut-être qu'il sommeillait après dîner, ou peut-être qu'il était absorbé dans son travail, il a entendu Anima qui chantait toute seule, derrière la porte fermée : une curieuse chanson, quelque chose qu'il ne connaissait pas, pas moyen de trouver les notes ou les paroles ou la clef ; une étrange et merveilleuse chanson. Depuis, il a essayé sournoisement de la lui faire répéter, mais Anima fait celle qui ne comprend pas. Elle se tait dès qu'il la regarde. L'âme se tait dès que l'esprit la regarde. Alors Animus a trouvé un truc, il va s'arranger pour lui faire croire qu'il n'y est pas. II va dehors, il cause bruyamment avec ses amis, il siffle, il touche du luth, il scie du bois, il chante des refrains idiots. Peu à peu Anima se rassure, elle regarde, elle écoute, elle respire, elle se croit seule, et sans bruit elle va ouvrir la porte à son amant divin. Mais Animus, comme on a dit, a les yeux derrière la tête.
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| | | Prince d'Aquitaine Animation
Nombre de messages : 2948 Age : 34 Localisation : Maromme, Seine-Maritime Date d'inscription : 29/05/2009
| Sujet: Re: Au sujet d'un aphorisme... Mer 08 Juil 2009, 12:51 | |
| A priori, XXX refuse le rapprochement entre âme et oiseau sous prétexte que la première est fictionnelle, alors que le second est réel. Il conteste le rapprochement entre métaphysique et physique en évoquant l'inadéquation entre essence de l'âme et essence de l'animal. Là où tu as raison, c'est que nous sommes dans un univers poétique qui s'oppose à la rationalité (cf. les symbolistes), et donc il faut prendre l'image au sens poétique. Il est clair que l'âme est portée par des illusions, elle l'est toujours, tout au long de notre vie; à moins bien sûr d'avoir levé, comme le disent les romantiques, le voile d'Isis et découvert les secrets du cosmos. Cependant, tu ne pourras faire entendre raison à quelqu'un qui voit dans l'âme des illusions, une chimère, et qui donc ne peut comprendre ce rapprochement. Il a aussi mal compris cette phrase, puisqu'il dit que l'oiseau a heureusement d'autres choses que des illusions pour fendre le ciel, ce que ne contredit pas Hugo et ses ailes. Sur le plan littéraire, ton correspondant a tout faux, quand bien même il serait lui-même écrivain. | |
| | | fontelle pilier
Nombre de messages : 2068 Age : 77 Localisation : Anjou Date d'inscription : 15/06/2006
| Sujet: Re: Au sujet d'un aphorisme... Mer 08 Juil 2009, 19:20 | |
| Je suis de l'avis de Rotko:
Vous confondez 'l'âme"-connotation spirituelle religieuse- et" l'esprit" philosophique.
Juste une querelle de termes , quoi! | |
| | | Lîlâ pilier
Nombre de messages : 1598 Date d'inscription : 08/01/2009
| Sujet: Re: Au sujet d'un aphorisme... Jeu 09 Juil 2009, 10:31 | |
| Tu te défends bien, Harelde, ne t'en fais pas ! Je pense, comme les autres, que ton interlocuteur ne parvient pas à élever son esprit à la réflexion littéraire. Il semble faire partie de ces personnes qui préfèrent considérer les choses de façon concrète et ne pas mélanger les genres (en l'occurrence, l'abstraction de l'image poétique et le caractère concret de la présence physique de l'oiseau). Tu risques d'avoir du mal à lui faire comprendre ton point de vue, car il en restera sans doute à ce blocage premier. Ceci étant, je trouve l'idée d'utiliser la distinction claudélienne très judicieuse. Pour enfoncer le clou, tu peux aussi lui citer "les mots sont des oiseaux tués", de Saint-John Perse. | |
| | | Harelde pilier
Nombre de messages : 7283 Age : 49 Localisation : Yvelines Date d'inscription : 18/09/2008
| Sujet: Re: Au sujet d'un aphorisme... Jeu 09 Juil 2009, 11:33 | |
| - Lîlâ a écrit:
- Tu te défends bien, Harelde, ne t'en fais pas !
Je pense, comme les autres, que ton interlocuteur ne parvient pas à élever son esprit à la réflexion littéraire. Il semble faire partie de ces personnes qui préfèrent considérer les choses de façon concrète et ne pas mélanger les genres (en l'occurrence, l'abstraction de l'image poétique et le caractère concret de la présence physique de l'oiseau). Tu risques d'avoir du mal à lui faire comprendre ton point de vue, car il en restera sans doute à ce blocage premier.
Ceci étant, je trouve l'idée d'utiliser la distinction claudélienne très judicieuse.
Pour enfoncer le clou, tu peux aussi lui citer "les mots sont des oiseaux tués", de Saint-John Perse. Lîlâ ! Bien content de te revoir sur GDS* Merci à tout le monde pour votre petit mot. Je me sens moins seul ! | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Au sujet d'un aphorisme... Jeu 09 Juil 2009, 11:36 | |
| Diszy-de-venir sur GDS* : on aime les échanges sans s'en prendre aux personnes | |
| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: au sujet d'un aphorisme Ven 10 Juil 2009, 23:19 | |
| Aujourd’hui, au sujet de l’aphorisme, mon âme s’est envolée avec les oiseaux d’Harelde à qui je donne la raison. L’explication de Prince d’Aquitaine est très raisonnable aussi, dans la littérature et dans la poésie les métaphores sont courantes et bien compréhensibles. Mon âme et mon esprit se sont enrichis en lisant tout les commentaires. Le fragment mis par Rotko de Paul Claudel m’a laissée surprise et avec envie de lire ce livre si je le trouve. Je remercie à tous ceux qui ont collaboré sur ce sujet J’ai appris beaucoup. Vous avez des connaissances encyclopédiques tandis que les miennes sont assez vagues sur ce sujet . | |
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| Sujet: Re: Au sujet d'un aphorisme... | |
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