François Cheng

Et nous n'échangerons pas
Le quartz d'ici
Contre les diamants du ciel

Ici la vie vécue
Ici le rêve perdu
Ici le chant enfoui
Ici le rythme rompu
Que nous avions jetés au vent
-à quel âge ingrat?

Que les cristaux de roche
Ont conservés intacts

A notre insu

(Double chant-A l'Orient de tout)

Frayeur bue
Douleur tue

Se livrer à la foudre
Est-ce déjà trahir

Toute fêlure semence
Toute fracture naissance

Frayeur bue
Douleur tue

Eternel premier cri

(Double chant-A l'Orient de tout)

Au creux de l'aveugle abandon
Conduis-nous
Le long des filons
Vers où jaillit un jour
l'irrépressible désir
Creuset originel où tout se rejoint
Les corps rompus
n'y toucheront nuls confins
Les coeurs brisés
y battront sans fin

La mort ne sera plus notre issue

(Double chant- A l'orient de tout)

Comme je vois que personne n'a vu, donc lu, ces poèmes de François Cheng, je continue:

"Jade lisse au toucher
Soumis aux mille caresses

A toi-même transparent
Tu caresses un seul rêve:

Seule lune sur seul étang
D'où s'envole l'oie sauvage

Vers l'infini ouvert
Au-dedansde toi-même"

Me voici
pure attente

Où es-tu
claire cascade

Il suffit que tu viennes
Pour que soit mélodie

De la terre mortelle
que pourrais-tu craindre?

Toi météorite
Ayant survécu
A la déflagration première
A la chute
sans fin...

Que pourrais-tu craindre
hormis ta propre énigme?

(Ces tros poèmes sont aussi extraits de "Double chant")

Merci Coline, comme çà je procède par petites touches, petites gorgées. avant de me lancer dans les romans de Cheng.

J'ai commencé aussi par les poèmes pour aborder le "maître" et j'en suis accro!

Fragment basaltique
Chu
d'un haut désastre

Chu du rêve lunaire
dont nous sommes longtemps
sevrés

Intact là
Tout le champ sidéral
Intacte la nuit originelle

Mille cristaux
Irradiant d'émeraude
Restituant un coeur qui bat

Nôtre

(Double chant)

Jusqu'à la fin
Vousserez témoins

Stèles érigées par les humains
Au bord des champs
Au coeur des ruines

Témoins de vaines gloires
De deuils inconsolés
De massacres sans fin
De l'immonde du monde

Jusqu'à la fin
Jusqu'au moment où nul
Ne sera là
Pour déchiffrer
Les signes gravés

(Double chant)

merci Coline, j'ai vu, nous avons vu, nous avons lu, et nous lirons. Ton insistance est stimulante, et gare à la bibliothécaire si je n'obtiens pas, sur cet auteur, satisfaction à mes demandes !

J'ai tellement enviede partager!

Coline :

Citation :

J'ai tellement envie de partager !

J'aime bien ta remarque. Sur les forums, comme dans les blogs, on manifeste de la générosité et du narcissisme, en doses variables. Mais les habitués font vite la part des ingrédients

Quand le lézard tracera la fissure
au coeur de la pierre
Le pavot du pré se rappellera
de nos noms emmêlés
Midi d'un été de pur échange
Un cri muet déchirant les reins les lèvres
A l'heure où toute vie, suspendue
en une grappe de fruits
Un jour, ici, midi d'un été
Sans ombre autre que la nôtre, trop humaine
pour prendre racine
Et trop tard pour établir pour établir demeure
(Double chant)

Il fait bon sur une margelle
S'asseoir quand arrive le soir
La pierre est tiède encore et fraîche
L'ombre-avant de puiser l'eau
Il fait bon sur une margelle
Aux tièdes mousses s'attarder
Uni à la fraîcheur de l'ombre
Contempler le dernier rayon
Du couchant qui tisse en images
-avec les aiguilles des pins
Sa brève légende dorée

(Double chant)

Nous avons longtemps suivi un sentier tortueux,
Et nous arrivons au sommet de cette colline.
Nous nous donnons au vaste pays qui s'offre.
Très loin, sur l'autre colline, perche un village
Brillant à travers ses fumées, subite apparition...
Soudain, nous nous écrions: "Mais c'est le nôtre!"

Familière, inconnue: toute présence aimée.

(Double Chant)

Midi le muet.
L'olivier mûrit son huile.
La vigne mûrit son vin.
Les fourmis transportent leurs vivres
Le long d'un muret herbeux.
La campagne à perte de vue

Tait sa joie d'être.

(Double Chant)

(Vinci)

Le chemin montant vers toi est brûlé
De soif, de faim. Puis, à travers oliviers
Jusqu'au lieu où tu es né. Mais qu'as-tu vu
De ton oeil d'aigle? Qu'as-tu touché, compris
Le long d'une vie? Maints de tes rêves seront
Réalisés. Face au mystère, tu demeures

Mystère. Regard-sourire-regard?

Connaissez-vous Vinci en Toscane, la ville natale de Leonardo?

Vers le soir
Abandonne-toi
à ton double destin:
Habiter le coeur du paysage
Et faire signe
aux filantes étoiles

L'arbre en nous a parlé

Entre ardeur et pénombre
Le fût
Par où monte la saveur de la sève
de l'originel désir
Jusqu'à la futaie
Jusqu'aux frondaisons
foisonnante profondeur
Portant fleurs et fruits
de la suprême saison

Entre élan
vers le libre
Et retour
vers l'abîme
Toute branche est brise
Et tout rameau rosée
Célébrant l'équilibre de l'instant
au nom désormais fidèle

Arbre

Feuilles de catalpa
Tendues vers l'au-delà
de soi

Se donner
Pour toutes une fois
Pour ne plus
se refermer

Toucher
plus aigu que gelée
Ouïr
plus délié que vent

Mains trouées d'éclairs
Gonflées de sang
Pour capter de soi
L'au-delà

J´adore :"Quand le lézard tracera la fissure
au coeur de la pierre"

Un vers que tu nous as cité Coline. On a vu l´image mille fois, mais il fallait Cheng pour la décrire enlaçant une fois pour toutes animal et paysage, ce qui bouge et ce qui est arrêté.

J'avoue faire quelques infidélités à Pessoa depuis que j'ai découvert la poésie de Cheng! ...Je " fais mes gammes" de lecture tous les matins avec ses merveilleux poèmes...
Ceux que j'ai postés jusque-là sont tous extraits de "Double Chant" ...Mais j'ai encore l'ensemble "Cantos toscans", puis "Le long d'un amour", "Qui dira notre nuit" et "Le livre du vide médian"

coline a écrit:

Ceux que j'ai postés jusque-là sont tous extraits de "Double Chant

Livre indisponible....

Livre épuisé ...

Livre actuellement indisponible...

Utopie a écrit:

coline a écrit:

Ceux que j'ai postés jusque-là sont tous extraits de "Double Chant

Livre indisponible....

Livre épuisé ...

Livre actuellement indisponible...

Ah! mince...Je vais tous les recopier sur GDS alors...

Tu as regardé chez Gallimard?
"A l'Orient de tout" regroupe la plupart de ses poèmes.