Anthony Horowitz

Je tiens à expliquer comment ces pages se sont trouvées incluses dans ce livre.
Environ deux semaines avant la publication, j'ai fait irruption dans les bureaux de l'éditeur car je voulais absolument mettre la main sur le manuscrit avant qu'il parte chez l'imprimeur. Vois-tu, cher lecteur, j'avais une idée en tête.
A mes yeux, les éditeurs sont généralement des gens stupides et paresseux. Imagine que celui-ci employait une vingtaine de personnes, et que pas une seule d'entre elles n'a remarqué que quelqu'un avait forcé une fenêtre pendant la nuit et inséré quelques feuillets supplémentaires dans le recueil d'histoires d'horreur prêt à être imprimé ! Si j'ai rajouté ces pages c'est que je voulais faire passer un message personnel, et si tu lis ces lignes c'est que mon plan a réussi. Tu vas donc découvrir bientôt ce qu'est la véritable horreur. Et tu dois t'y préparer, car c'est imminent.
Très jeune, déjà, je voulais désespérément devenir écrivain, et, il y a une dizaine d'années, j'ai écrit une nouvelle d'horreur (basée sur ma propre expérience), qui a été refusée par tous les éditeurs de Londres parce que, affirmaient-ils, elle n'était pas assez effrayante. Une absurdité, bien entendu, car aucun d'eux n'avait la moindre idée de ce qu'est véritablement l'horreur puisqu'ils n'ont jamais commis de meurtre alors que moi, cher lecteur, j'en ai commis plusieurs.
Eric, mon oncle, a été ma première victime, suivi par mon voisin (un désagréable petit bonhomme avec une moustache et un chat puant), deux étrangers, un acteur qui avait joué dans un feuilleton célèbre, et un témoin de Jehova qui avait eu la mauvaise idée de frapper à ma porte alors que je préparais le déjeuner. Rien ni personne ne semblait pouvoir me résister, jusqu'au jour où un crétin de policier a mis fin à mes aventures en arrêtant ma voiture au moment où j'allais me débarrasser du dernier cadavre.
Bien entendu, j'ai été condamné et envoyé dans un asile de fous où je devais rester enfermé jusqu'à la fin de mes jours, mais d'où je me suis évadé récemment. Il m'est aussitôt venu l'idée merveilleuse que tu es en train de découvrir, et que l'on peut résumer en quelques étapes simples. Entrer nuitamment dans les bureaux d'un de ces éditeurs londoniens snobinards, glisser deux ou trois pages dans le livre de quelqu'un d'autre (avec toutes mes excuses à Anthony Horowitz, que je ne connais pas), me cacher jusqu'à la sortie du livre, réapparaître une fois celui-ci en librairie, guetter le premier imbécile qui l'achètera et le suivre jusque chez lui...
Ne ris pas, cher lecteur, car à cette minute même, je suis peut-être devant ta porte, à la sortie de ton école, ou quel que soit l'endroit où tu te trouves. Tremble, car tu vas apprendre une leçon sur l'horreur que tu aurais sans doute préféré éviter, et l'éditeur va regretter d'avoir refusé de me publier autrefois. Oui, il va s'en mordre les doigts, surtout quand il commencera à perdre des lecteurs, de façon particulièrement atroce, l'un après l'autre.
Tu vas comprendre, mais pour cela tu dois relire à nouveau ces pages.
Je te conseille de commencer par le commencement. Examine attentivement le premier mot de chaque phrase ou, plus précisément, la première lettre de chaque premier mot de chaque phrase.
Subtil, non ? Unique. Imaginatif. Saisis-tu maintenant à quel point je peux être fantastiquement, génialement , affreusement fou ? L'heure a sonné - pour toi il est peut-être déjà trop tard.
A toi de jouer...