Cees Nooteboom [Pays-bas]

Pour revenir à un ancienne discussion sur les personnages et le rapport de l'auteur à ses "créaures", un petit livre que je vous conseille, d'un des contemporains majeurs des Pays-Bas, Cees Nooteboom (plusieurs ouvrages traduits en français, beaucoup parus chez Folio)

Le Chant de l'être et du paraître

Citation :

Sur la feuille de papier, l'écrivain n'avait écrit qu'une seule ligne: "Le colonel tombe amoureux de la femme du médecin."
La parfaite banalité de cette phrase lui donnait la nausée. "So what, grommela-t-il. Le colonel est amoureux de la femme du médecin."

"Aux prises avec ses doutes et ses interrogations, l'écrivain donne vie à quelques personnages qui prennent corps, s'aiment et se haïssent, se blessent et souffrent... jusqu'à s'affranchir de leur créateur.

Qui nourrit le roman, les personnages ou l'auteur ? Qui est réel ? La fiction se mêle à la réflexion du romancier fasciné par le pouvoir de la création."

J'ai beaucoup aimé Nokusei! de Cees Nooteboom. Quel plaisir de croiser quelqu'un qui a déjà lu cet auteur !

les trois premières pages de perdu le paradis chez Actes sud

A une exposition de peintres aborigènes d’Australie, une jeune Brésilienne découvre un tableau - et un artiste. Comment le comprendre, ce tableau - et cet artiste, s’il repose sur des concepts si différents des nôtres ?

Citation :

La plupart des Australiens blancs semblaient avoir pas mal de problèmes avec ces concepts métaphysiques, pour la simple raison que ce qu’ils percevaient du monde aborigène se présentait sous l’aspect d’épaves humaines, de gens qui avaient perdu le lien avec leur origine et qui n’avaient plus de place nulle part.

Quant à l’idée de lieux sacrés, de terre qui ne devait pas être foulée, elle n’était guère promise au succès, et surtout pas si cette terre recélait de l’or et de l’argent ou d’autres biens convoitables.

Cees Nooteboom, Perdu le paradis, Actes Sud.

Je doute que perdu le paradis de Cees Nooteboom fasse l’unanimité des lecteurs/lectrices.

Ce petit roman gigogne, fort bien construit, est fait de rencontres : celle de l’auteur et d’une passagère d’avion qui lit son livre, celle d’une Brésilienne avec un peintre aborigène australien, puis de la même Brésilienne avec un critique littéraire désenchanté.

En fait tout semble recommencer : puisque l’auteur retrouve en fin de livre la passagère qu’il guettait du coin de l’œil, comme le critique retrouve sa Brésilienne dans un contexte différent.

Le lecteur s’y retrouve-t-il ? Pas sûr !

perdu le paradis.

De la fantaisie, il y en a, du loufoque aussi, de l’humour assurément, et de l’autodérision, par le biais du critique littéraire qui parle des auteurs, et même de Cees Nooteboom.

Citation :

Certains auteurs vieillissaient mal, à la longue on connaissait toutes leurs obsessions et tous leurs maniérismes on ne mourait pas assez dans la littérature néerlandaise Reve, Mulisch, Claus, Wolkers, Nooteboom, tous ces gens là écrivaient quand lui-même « tait encore au berceau, et apparemment ils n’avaient pas l’intention de s’arrêter bientôt : à son avis, ils prenaient un peu trop à la lettre l’idée de leur immortalité.

Dans le même élan, on raille les critiques :

Citation :

Les livres dont il avait vraiment envie de faire la critique étaient généralement attribués à un collègue à la physionomie redoutablement jésuitique et au style de carton bouilli, ui eût mieux fait de devenir prof de collège dans une petite ville de province.

Ce sont donc ces passages malicieux qui m’ont le plus amusé.

Ravie de voir qu'un fil sur cet auteur existe. J'ai commencé Mokusei ! et il me plaît déjà beaucoup.

L'auteur nous parle du Japon mais de celui vu par les occidentaux, le Japon imaginaire, idéalisé, celui vu de l'extérieur même pour ceux qui le connaissent mais toujours qu'un peu, toujours de façon superficielle.
C'est très intéressant !

En attendant de vous en dire plus, je vous joins la couverture. On dirait un dessin, une encre, voire une gravure, je n'arrive pas à trouver l'auteur !