John Maxwell Coetzee [Afrique du Sud]

Je viens de terminer L'âge d'homme. Le livre apporte des éclaircissements très intéressants sur son auteur, d'une part parce qu'il s'agit d'un autoportrait, d'autre part parce que Coetzee a toujours été très discret sur lui-même. Sa soif de connaître la littérature, la musique, la peinture a quelque chose d'impressionnant. On sent aussi à quel point tout ce qui touche à l'Afrique du Sud le blesse profondément, avec une forme de désespoir face à ce qui semble sans issue dans une société déchirée.
Mais j'avoue que j'ai trouvé ce livre - pourtant court, 232 pages - bien long, un peu lassant pour tout dire.

disgrâce adapté à l'écran,

Un film de Steve Jacobs
avec John Malkovich, Jessica Haines, Eriq Ebouaney.

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Michael K, sa vie, son temps


Un livre fort, avec un personnage central inoubliable.

Il s'appelle Michael, est jardinier et vit chichement non loin du Cap.

De temps en temps, il visite sa mère, qui fait des ménages.

Pas de père.

Mais la guerre arrive, guerre curieusement atemporelle, du reste. L'auteur n'enracine pas son récit dans l'histoire, lui donnant ainsi une portée ô combien universelle.


C'est alors que le héros décide de ramener sa mère à la campagne, là où elle est née, espérant pouvoir manger décemment.

Elle meurt pendant le trajet et s'ensuit l'épopée solitaire de Michael, qui décide de continuer le voyage, atteint son but, disperse les cendres maternelles et se retrouve isolé dans la masure délabrée et ruinée.

Il se met alors à cultiver discrètement quelques légumes.

Ce travail de la terre est poursuivi avec passion, une passion quasi charnelle car elle seule peut lui assurer une survie corporelle, à une époque où les hommes s'entretuent.

Peut-on dire que ce mode de vie frugal symbolise un éden perdu ? Pour le héros, sans doute, même s'il est seul au monde et si son corps dépérit.

Il est LIBRE.


Malheureusement, la société humaine est ainsi faite que ces êtres simples, frustres et esseulés, gênent les "autres", ceux qui se battent. Michael est arraché de cet univers solide pour être amené en camp de "rééducation".

Admirablement décrit par l'auteur.

On passe à une seconde partie, celle où Michael est vu à travers les yeux d'un médecin militaire. Qui a du mal à comprendre ce simple d'esprit, qui ne dit rien, ne se plaint pas mais refuse de manger "leur" nourriture, préférant mourir.


C'est cela, être un homme ? En avoir le coeur et le courage ?


Ebranlé, le médecin regrettera de n'avoir pas suivi Michael dans sa fuite, car celui-ci, une nuit, disparaît pour aller se fondre dans la nature, dans l'univers, vers sa seule vraie patrie : la terre nourricière.

Un roman terrestre et céleste à la fois, lumineux, sur le destin d'une âme en quête de libération, loin des prosaïsmes humains.

Une allégorie de nos chemins de croix vers la Terre promise...

Crevette a écrit:

Mais la guerre arrive, guerre curieusement atemporelle, du reste. L'auteur n'enracine pas son récit dans l'histoire, lui donnant ainsi une portée ô combien universelle.

C'est la réflexion que je m'étais également faite après avoir lu En attendant les barbares.
Le thème du livre reste hors du temps : le lecteur ne peut se raccrocher directement à l'Histoire (avec un H majuscule). Allégorique effectivement.

L'Eté de la vie est l'un des très grands romans de cette rentrée, écrit Mediapart.

Coetzee imagine qu'il est mort... Il s'invente un biographe, M. Vincent, qui va raconter à sa place les années les plus décisives de son existence : celles de son retour d'exil, quand il fit ses premiers pas d'écrivain - entre 1972 et 1976 - dans une maison pouilleuse du Cap. A l'époque, le futur Nobel conduisait une camionnette aussi délabrée que lui, et vivotait en donnant des cours d'anglais. Il était solitaire, dépressif, totalement inadapté. Se sentait "souillé" par ce qu'il se passait dans sa patrie.

l'article de l'express voit L'Eté de la vie, comme les Mémoires d'outre-tombe de Coetzee :

Citation :

C'est son livre le plus poignant parce qu'il ne triche ni sur ses échecs, ni sur ses humiliations sentimentales, ni sur sa profonde amertume. Et, si l'auteur y prétend être "un éteignoir", il a su briser sa cuirasse pour se confesser à coeur ouvert. Avec une pudeur magnifique.

Coetzee vient de donner sa signature à la pétition des ecrivains adressée à L'ANC :

«Tout ce que l’Afrique du Sud compte comme auteurs», André Brink en tête, Nadine Gordimer, Deon Meyer, Breyten Breytenbach, Njabulo Ndebele, Zoe Wicomb, Damon Galgut, Zakes Mda, Marlene van Niekerk, Mike Nicol et Sindiwe Magona.

En gros, ils s'inquiètent d'une censure sur les medias et trouvent, selon l'expression d'André Brink, «très déprimant de devoir se battre aujourd’hui contre ce quoi nous nous sommes battus tout au long de l’ancien régime».

L'Eté de la vie, de JM Coztee, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Catherine Lauga du Plessis - éd. du Seuil

Citation :

Pendant des années, le prix Nobel de littérature d'origine sud-africaine J.M. Coetzee a été le plus discret des écrivains, évitant de parler de lui et même de parler tout court. Et puis il a commencé à se mettre en scène dans ses romans, pour mieux brouiller les pistes et dérouter ses lecteurs.

« L'Eté de la vie », son dernier roman traduit en français, est ainsi un modèle d'autodérision, mêlant délibérément le vrai et le faux. Mais qu'importe, le lecteur y trouve largement son compte.

J.M. (John Maxwell) Coetzee est le héros de son propre livre. Mais un héros mort, sur lequel un jeune chercheur britannique qui ne l'a pas connu enquête en allant voir cinq personnes qui ont compté dans sa vie, quatre femmes et un homme.

Pour mener son investigation, le jeune chercheur s'appuie sur des notes laissées par l'écrivain lui-même avant sa mort, et qu'il avait jetées sur des petits carnets, en vue de livres finalement jamais écrits.

Chaque rencontre est l'occasion d'une plongée dans un aspect de la vie de J.M. Coetzee, avec, à chaque fois, des coups bas assénés à l'image du grand homme défunt. On y apprend qu'il est d'un égoïsme sans bornes, nul au lit, incapable d'affection ou de tendresse, un « minable » et un « raté »…

L'article complet ici

L'Eté de la vie, un livre certainement déroutant mais dont la lecture me tente énormément.

I ya " En attendant les barbares" qui attend sur mon étagère...

Hexagone a écrit:

I ya " En attendant les barbares" qui attend sur mon étagère...

Et que je te conseille !

Le grand livre de Coetzee serait Disgrâce.

Michael K, sa vie, son temps

« Les nuits passée parmi les mourants dans les couloirs de l’hôpital Somerset lui avaient fait comprendre à quel point le monde pouvait être insensible au sort d’une vieille femme atteinte d’une maladie dégradante, en temps de guerre. Incapable de travailler, elle voyait bien qu’entre elle et le caniveau il n’y avait que la bienveillance précaire des Buhrmann, le sens du devoir d’un fils à l’esprit lent, et en dernier secours les économies qu’elle concernait sous son lit. » p16

Ces quelques lignes, au début du livre, donnent un aperçu de l’ambiance du pays dans lequel se situe ce roman, et de ses inégalités : l’Afrique du sud.

Michael K, est un homme un peu simplet, que la vie n’a pas gâté, jardinier à la ville du Cap ; il vit seul avec sa mère, malade, et domestique dans une riche famille. D’un naturel dévoué, et n’écoutant que son cœur, il entreprend, faisant fis de tous les périls, de ramener sa mère dans sa province natale om elle souhaite vivre ses derniers instants.
Dans un pays en guerre, il va vivre une vie spartiate, dans un profond dénouement. Rien n’y fera, il ne se pliera pas aux lois des hommes malgré l’emprisonnement, la cruauté, et la précarité. « Maintenant, dans sa caverne, il nouait parfois ses doigts derrière la tête, fermait les yeux et vidait son esprit, ne désirant rien, n’espérant rien. » p91

L’ambiance générale de roman est noire, reflet d’un pays plongé dans le chaos. Mais le plus déroutant, a été pour moi le caractère spartiate de l’écriture ; elle est sans fioriture, presque brute, rêche .Le texte est compact, sans aération. Trois parties le composent, mais la première, consacrée à sa vie avant son internement au camp de Kenilworth, occupe les 2/3 du roman, sans aucun chapitre, ni paragraphe clairement distincts. Cela a rendu ma lecture longue et laborieuse, parfois oppressante. Les deux autres parties, sont beaucoup plus courtes et, bien que compactes, m’ont paru plus faciles d’accès. L’auteur, change de narrateur entre les deux parties, pour revenir au premier dans la dernière………
Dans cet océan de malheur, de pessimisme, d’inhumanité, il y a tout de même une lueur de bonté, sous les traits d’un pharmacien devenu médecin militaire d’occasion qui va comprendre qui se cache derrière Michael.
Au final pour aussi déroutante que fut cette lecture, je ne regrette pas de l’avoir menée à son terme. Je ne connaissant pas son auteur, et puisque parait-il, il « n’applique jamais la même recette à deux ouvrages, ce qui contribue à la grande variété de son œuvre. », selon les termes du jury Nobel, je tenterai à nouveau une incursion dans son univers des mots.

Comme je ne connais pas cet auteur, je suis en train de lire tout le fil, passionnants les commentaires, pas fini encore et il me manquent les articles le concernant. J'apprends beaucoup de vous tous et mon univers littéraire s'enrichit.
Merci

Du point de vue de mon ignorance,ce n'est pas facile de parler d'un auteur que l'on n'a pas lu. Mais en lisant les commentaires, et un ou deux articles à son sujet, je vois que ce prix Nobel, je pense bien mérité pour ses nombreux livres, n'etait pas vraiment engagé aux problèmes Sudafricains et a quitté son pays pour vivre ailleurs. Ses livres sont tristes et sans espoir.
Néanmoins, si je le trouve en espagnol ,je lirai "Disgrâce"

Amadak a écrit:

Du point de vue de mon ignorance,ce n'est pas facile de parler d'un auteur que l'on n'a pas lu. Mais en lisant les commentaires, et un ou deux articles à son sujet, je vois que ce prix Nobel, je pense bien mérité pour ses nombreux livres, n'etait pas vraiment engagé aux problèmes Sudafricains et a quitté son pays pour vivre ailleurs. Ses livres sont tristes et sans espoir.
Néanmoins, si je le trouve en espagnol ,je lirai "Disgrâce"

Coetzee est cependant très concerné par les problèmes de son pays natal qui d'ailleurs sert de cadre à plusieurs de ses romans. Mais les problèmes sont abordés de façon subtile, souvent allégorique et surtout à travers les impacts sur la personne, et rien, jamais, n'est manichéen. C'est vrai, par contre, qu'il s'agit d'une oeuvre dure, très pessimiste.

J'ai pas mal pratiqué Coetzee ces derniers mois, et Michael K est pour l'instant mon préféré. Enormément de points communs avec "La route" de Mc Carthy : dépouillement de la forme, récits centrés sur les problématiques essentielles (à mes yeux, du moins), fondamentales, environnement apocalyptique qui impose de consacrer toute son énergie à la survie, bestialité, indifférence foncière à autrui, méfiance à l'égard de l'intelligence, négation de l'idée de progrès.

Coetzee est cependant moins misanthrope et manichéen (on comprend pourquoi les personnages agissent de la sorte, tandis que pour Mc Carthy, c'est une donnée de fait, un trait anthropologique) je trouve. Il montre également plus de compassion pour ses héros et ne s'embarrasse pas de considérations religieuses au sens strict.

marxou a écrit:

Michael K est pour l'instant mon préféré.

Oui, certainement un grand livre, et j'avais commencé par ce titre, pas si facile, avais-je trouvé, l'oeuvre de Coetzee. Je crois qu'il serait interessant de voir l'oeuvre en son ensemble, elle accompagne l'histoire de l'Afrique du Sud, bien déroutante.

Mon roman préféré serait Disgrâce dont certains passages, en apparence anodins si on les détache du contexte, sont marquants : je pense à l'élimination des chiens, et aux réflexions ou à l'attitude du jardinier. Qu'en as-tu pensé, Marxou ?

Ce Monsieur " J.M.Coetzee " est connu comme un grand écrivain (si j'en crois les critiques) mais je n'ai lu de lui que " Journal d'une année noire " et l'ouvrage ne m'a pas plu...


Pourquoi ?

L'auteur est dans son vieil âge et il a profité de ce roman pour se mettre en scène (il est à quelques détails près l'un des personnages principaux) et y nourrir ses fantasmes.


En deux mots l'histoire ?

Un vieil écrivain reconnu vit dans le même immeuble qu'un couple dont la jeune femme est l'archétype du fantasme masculin (grande, mince, fesses rebondies, poitrine épanouie, court vêtue, sensuelle et au désir charnel à fleur de peau...)

- Non Rotko, puisque je te te dis que les librairies sont fermées à cette heure ! Sacrebleu, trop tard, il vient d'enfourcher son vélo pour un tour des librairies de Bretagne... comme quoi la libido... ça donne un sacré coup de pédale... -

Hum...

Reprenons. Va alors se mettre en place un jeu à trois: le vieil écrivain qui la dévore des yeux, elle qui se laisse regarder tout en hésitant, son compagnon qui imagine un plan pour soutirer de l'argent à l'écrivain...
C'est convenu, ce qui gâche même le brin d'érotisme qui aurait pu exister.


Les points positifs ?

- Le "complot sexuel" partage le livre avec les avis de l'écrivain sur certaines questions de nos sociétés, encore une fois c'est convenu, on reste dans les poncifs mais c'est déjà un peu mieux.
- Un essai d'originalité avec une lecture à trois voix, c'est à dire que sur la même page, on a la narration de l'histoire mais en petit, en dessous (presque en notes) les pensées des personnages qui parfois confortent ou infirment ce que les personnages croient savoir les uns des autres.


Voilà, j'imagine que pour être aussi connu, cet écrivain a dû écrire des romans admirables mais celui-ci, en mon ressenti, n'en ai pas un.

Citation :

- " Journal d'une année noire ": Un essai d'originalité avec une lecture à trois voix, c'est à dire que sur la même page, on a la narration de l'histoire mais en petit, en dessous (presque en notes) les pensées des personnages qui parfois confortent ou infirment ce que les personnages croient savoir les uns des autres.

effectivement, c'est interessant. Sur ce fil tu trouveras des livres qui , j'espère, te plairont mieux. je conseille Disgrâce.

je pourrai me procurer " Journal d'une année noire " dans un (ou deux ou trois) mois.

au fond c'est un vieil écrivain qui la voit

Citation :

grande, mince, fesses rebondies, poitrine épanouie, court vêtue, sensuelle et au désir charnel à fleur de peau

, elle a donc effectivement tout du fantasme.

Ne serait-ce pas un regard d'imaginatif libidineux ?

Je périphrase sa description mais oui, c'est un peu ce que je me suis dit... Il se sert d'une scène où elle descend à la buanderie de l'immeuble en short court pour en commencer la description...