Ivo Andric [Yougoslavie]

Pour Le Pont sur la Drina, Ivo Andric a reçu le prix Nobel de littérature. La singularité de ce roman est que l'action court sur plusieurs siècles et qu'elle se situe toujours au même endroit : à Visegrad, une petite ville au bord de la Drina, en Bosnie, juste à la frontière de la Serbie. On découvre les habitants de Visegrad, vivant dans leurs communautés étanches. Les figures et les destins se succèdent. Le pont est à la fois décor et personnage.

Certaines scènes sont insoutenables et nous poursuivent plusieurs jours et l'on comprend alors ce que signifie la phrase "ils vécurent quatre siècles sous le joug ottoman". Les événements de la Serbie voisine nous arrivent en écho lointain (un haïduk qui tente de passer le pont et cet espoir qui grandit, cette liberté enfin envisageable : "Karageorges, Karageorges").

Mais de ce côté de la frontière, en Bosnie, les saisons passent et les colonisateurs changent. Les habitants de Visegrad tentent de vivre ou de survivre, s'adaptent au nouvel occupant ou résistent passivement. Ceci me rappelle la réponse de Sieyès à la question : "Qu'avez-vous fait pendant la terreur ?". Il répondit en effet : "J'ai vécu" pour rappeler que la première préoccupation des hommes en des temps troublés est tout simplement de vivre ou plutôt de survivre.

Le plus intéressant pour moi a justement été de comparer les différences de méthodes entre les colonisateurs turcs et autrichiens. Parfois, la résistance au changement prenait des formes assez surprenantes comme ce refus des habitants de Visegrad d'avoir un numéro sur la porte de leur maison comme l'avaient décidé les Autrichiens.

Le Pont sur la Drina est donc un roman instructif, dense et qui tient toutes ses promesses.

je ne le connais que de nom. Tu fais bien d'en parler.



As-tu vu le film de Xavier Lukomski ? il fait 18 minutes !

Plusieurs prix lui ont été attribués : le prix du meilleur film court au Festival Punto de Vista de Pampelune ainsi que le premier prix du film court du Festival Documenta Madrid, Espagne.

Non, je n'ai pas vu ce film mais je viens de trouver un site où on pouvait l'acheter. Je me demande bien comment on peut adapter un tel roman en faisant un film de dix-huit minutes.

Au temps d'Anika de Ivo Andric .Traduit par Anne Yelen.
chez L'Age d'Homme.

Dans la pesanteur des villages bosniaques, le désir des hommes couve en secret et soudain la tragédie éclate, violente voire meurtrière.. Que peut y faire l’ordre établi ?

Plusieurs coups de folie et crises meurtrières ont précédé l’affaire d’Anika. Une femme rebelle, si sûre de son pouvoir que la police n’y pouvait rien : tous les hommes, vieux comme jeunes, guettaient sous ses fenêtres.

L’atmosphère est lourde : le vin ou le tabac console les rabroués, et les popes pleurent, sans autorité sur les fils fugueurs.

Au temps d'Anika.

Le récit d’Andric relève de l’oralité : il sinue dans les généalogies et les faits précurseurs du drame, annonce les péripéties, traîne les pieds et accroît l’attente adu moment crucial.

Comme dans la vie traditionnelle, scandée par les battage et la période de frai, l’histoire locale connaît ces soubresauts violents et périodiques qui ponctuent son lourd sommeil.

Pendant les pauses, on rabâche la sagesse traditionnelle :

Citation :

- Toi tu es jeune, mais moi je te dis que les anciens avaient bien raison. Dans chaque femme, disaient-ils, il y a un diable qu’il faut tuer soit par le travail, soit par les accouchements soit par l’un et l’autre : si la femme s’ arrache à l’un et à l’autre, alors il faut tuer la femme.