Texte littéraire et témoignage face au voyeurisme

Petite Normande et Varda soulèvent un point interessant : un texte littéraire est-il moins "voyeuriste" qu'un témoignage ?

Si vous êtes inspirés, on en fera un fil à part.

Je crois que dans le texte littéraire il y a stylisation alors que dans le témoignage racoleur (tous ne le sont pas !), on insiste au contraire sur l'abject en décrivant autrui comme exterieur : on le montre, on le "monstre" comme disait un(e) grain(e).

Dans le texte littéraire, je me sens proche de la personne, j'éprouve certains de ses sentiments, je ressens ses épreuves, par empathie.

Ainsi, moi qui ne suis pas une ado anorexique, j'ai lu avec comprehension le récit de Petite. C'était d'ailleurs un récit polyphonique avec plusieurs personnages aux différentes époques de la vie.

Le témoignage, en revanche, est souvent linéaire, veut être exhaustif, et quand il racole, il insiste complaisamment sur tout ce qui peut révolter, révulser.

Je n'ai lu que 2 pages de Flash, récit d'un drogué. Cela commençait par la description calamiteuse d'une piqûre effectuée dans l'urgence, avec tous les détails complaisamment grossis.

Un bel exemple de voyeurisme pour le lecteur, - ce que je n'ai pas ressenti à lire les confessions d'un mangeur d'opium de Thomas de Quincey par exemple.

rotko a écrit:

Le témoignage, en revanche, est souvent linéaire, veut être exhaustif, et quand il racole, il insiste complaisamment sur tout ce qui peut révolter, révulser.

Dans ce genre-là, je me souviens d'un titre qui les cumulait tous: Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée.

Je crois que c'est effectivement un grand débat.
- l'exploitation du côté "monstrueux" pour vendre est assez scandaleuse et me gêne profondément. Il y a des éditeurs qui en ont fait leur fond de commerce. Il y a aussi la mode des "people" qui feignent de se mettre à nu en nous révélant des secrets de famille.
- d'un autre côté, ça pourrait paraître un peu élitiste de dire : n'ont droit de témoigner que ceux qui sont capable de styliser littérairement leur discours, et puis ça peut être un moyen d'éviter de parler frontalement des problèmes (comme à l'époque où on ne parlait du viol que par périphrase).
Bref, je suis partagé

bon ben voilà, je m'absente "5 minutes" pour réfléchir et quand je reviens, "tout" est dit...
moi je serai partante pour un fil sur ce sujet car effectivement, c'est un grand débat.
pour prolonger ce que dit Seb, j'ajouterai que toutes les personnes qui souhaitent participer à un débat, faire connaître un problème n'ont pas les capacités ou/et l'envie de passer par l'écrit. ces témoignages via la télévision ou le net ont leur place également. Mais pas"n'importe" comment. Tout comme il ne suffit pas que témoignage soit sous forme écrite pour qu'il ait un intérêt.
De toute façon, on empêchera jamais un lecteur ou un téléspectateur d'assouvir son voyeurisme. Et à partir du moment où l'on écrit sur son histoire, il y a toujours un fond, plus ou moins grand, d' exhibitionnisme non ?

C'est peut-être moins voyeurisme parce que mieux écrit ? ou parce que le fait que cela ne soit pas un témoignage direct, le lecteur garde un recul de protection ?

Le témoignage, c'est pour celui qui témoigne en premier, une thérapie, après que certains éditeurs soient friands et qu'il y ait des témoignages de tout et n'importe quoi c'est autre chose.

rotko a écrit:

Je n'ai lu que 2 pages de Flash, récit d'un drogué. Cela commençait par la description calamiteuse d'une piqûre effectuée dans l'urgence, avec tous les détails complaisamment grossis.

Je ne comprends pas le complaisamment, si c'est ainsi que la personne le voit, l'a vécu, ce qui aurait été complaisant c'est de tourner la description, pour que cela reste acceptable pour le lecteur.

La complaisance consiste à grossir le détail choquant, à ralentir sur le scabreux, à nourrir les yeux au détriment de l'intelligence.

Que penserais-tu d'une scène liminale de coït prolongé, avec X variations, pour présenter et illustrer une histoire d'amour ?

C'est la différence entre le sentiment (et la sensualité) face à la pornographie.

Mais il n'est pas facile à ta question, sinon en opposant des oeuvres précises.

Je suis d'accord avec SEB, le seul titre Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée est racoleur.

Le bon romancier prépare son lecteur à l'inadmissible qu'il lui fait entrevoir dans sa complexité, alors que d'autres accumulent les scènes brutales pour exclure, condamner ou racoler.

rotko a écrit:

La complaisance consiste à grossir le détail choquant, à ralentir sur le scabreux, à nourrir les yeux au détriment de l'intelligence.
Que penserais-tu d'une scène liminale de coït prolongé, avec X variations, pour présenter et illustrer une histoire d'amour ?

Je comprends bien, mais dans ton exemple "Flash", il n'est pas question d'une histoire d'amour, l'angle peut être de montrer le sordide

Citation :

Le bon romancier prépare son lecteur à l'inadmissible qu'il lui fait entrevoir dans sa complexité, alors que d'autres accumulent les scènes brutales pour exclure, condamner ou racoler.

Oui mais tu parles déjà de romancier voire bon, lorsque c'est un témoignage, la question ne se pose pas, c'est juste un témoignage. Les deux n'ont rien à voir si ce n'est le support.

Pour le reste, je l'ai déjà dit, bien sur qu'il y a des livres matuvus, des éditeurs du "sensationnel" comme la presse.