Edith Wharton

Le fils est la nouvelle la plus longue, celle qui clôt ce recueil. À mon gôut, j'ai trouvé cette dernière intéressante certes, mais tragique.

Le fils : C’est en direction de Cherbourg, sur un bateau que Mr Norcutt retrouve d'une manière inattendue Catherine Glenn qui vient de vivre un drame. En effet, son fils Philippe, qui était aviateur, est décédé pendant la guerre. Deux ans plus tard, c’est son mari Stephen qui décède. Mr Norcutt se remémore la vie du couple à New-York. Au cours de l’histoire, on apprend que ce couple avait une liaison avant leur mariage, néanmoins, Stephen étant marié, ils ne purent officialiser cet amour qu'à la mort de son épouse. Bien que des efforts aient été fournis et au-delà des connaissances , ils avaient vraiment peu d'amis. Leurs réceptions se déroulaient souvent dans une ambiance très froide. Quelques temps plus tard Catherine Glenn se présente au consulat où travaille Norcutt, car elle a besoin de l'aide de divers consulats de pays européens. C’est à ce moment là, qu’elle lui raconte précisément le but de son voyage en Europe. Ce faisant elle lui avoue le drame qu'elle a vécu, un drame caché que pratiquement personne ne connaît...

Trois nouvelles, trois personnages féminins différents : une femme abusive (le Pélican), une femme naïve (Les lettres), une femme portant un lourd secret (Le fils). Tantôt cruelle avec certaines, cynique avec d'autres ; quel parcours laborieux, triste, et dramatique au travers d'une plume agréable et fluide !

Je voudrais juste soulever quelque chose qui m'intrigue. S'il y a des spécialistes d'Edith Wharton pour m'éclairer ?

Je n'ai pas trouvé le rapport qu'il y avait entre l'histoire et le titre de la première nouvelle : Le pélican.

Alors j'ai cherché la signification. Je peu d'ores et déjà exprimer qu'il n'y a rien d'épistolaire dans cette nouvelle ! Sachant maintenant, que Le Pélican est l'histoire d'un symbole : Le plus ancien pélican porteur de sens est celui de la Bible, le pélican du désert, qui fut dévié de sa signification première par suite d'interférences avec les légendes d'autre origine, et ainsi utilisé par les Pères, les Docteurs, les prédicateurs, les auteurs mystiques. Les traductions des Psaumes par les Réformés reprirent et prolongèrent le symbole. (
Lu sur le guichet du savoir : http://www.guichetdusavoir.org/ipb/index.php?showtopic=14746)

Alors, je me demandais, si au travers du titre de cette nouvelle, on pourrait se dire que la symbolique du pélican par Edith Wharton, serait partie d'un élément réel en figeant la réalité d'une situation, d'une effigie, de moeurs pouvant frapper l'imagination afin d'attirer l'attention d'un auditoire..?

Le pélican

Rosie a écrit:

l'intrigue d'une veuve élevant seule son fils qui décide de travailler en donnant des conférences à travers le pays afin de subvenir au besoin de son enfant. C'est là que les années s'écoulent et Mrs Mayot ne rechigne pas à la tâche, clamant haut et fort que son fils doit poursuivre ses études et que cela coûte cher... Oui, mais je vous le dis, les années s'écoulent, le temps n'a pas d'âge, mais l'humain en a un...

la signification du titre ? je m'avance encore imprudemment, mais j'aime le danger

Pour toute nourriture il (=le pelican)apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur;

Musset

est ce que la mère se "saigne " pour son fils ? elle ferait comme le pelican de Musset qui donne sa vie pour ses enfants

je me pose aussi la question du titre pour le temps de l'innocence. Au début Archer, le jeune fiancé, trouve sa promise bien innocente. Par la suite, il verra qu'elle obeit plus ou moins consciemment aux lois de son clan. Mais d'autre part, lui aussi est un peu naïf, dans son genre. Donc la réponse n'est pas évidente.

rotko a écrit:

Le pélican

Rosie a écrit:

l'intrigue d'une veuve élevant seule son fils qui décide de travailler en donnant des conférences à travers le pays afin de subvenir au besoin de son enfant. C'est là que les années s'écoulent et Mrs Mayot ne rechigne pas à la tâche, clamant haut et fort que son fils doit poursuivre ses études et que cela coûte cher... Oui, mais je vous le dis, les années s'écoulent, le temps n'a pas d'âge, mais l'humain en a un...

la signification du titre ? je m'avance encore imprudemment, mais j'aime le danger

Pour toute nourriture il (=le pelican)apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur;

Musset

est ce que la mère se "saigne " pour son fils ? elle ferait comme le pelican de Musset qui donne sa vie pour ses enfants

Très intéressant ce que tu dis.
En effet, elle se saigne pour son fils, mais je ne suis pas vraiment d'accord avec cette interprétation. Parce que je veux bien qu'on se saigne en apportant de son coeur et de son amour (ce qui je crois est le cas, jusqu'à la chute finale de la nouvelle.). Mais ça va plus loin dans l'histoire du Pelican. On a vraiment affaire à une mère abusive qui aurait tendance à prendre son fils en pâture, un peu comme une excuse. Je voyais une sorte d'adulation pour son fils mais aussi un côté égocentrique de cette mère. Je pense qu'elle a maintenu l'imaginaire et l'illusion, mais en elle. Dans le fond, ça rejoint un peu ton avis dans le sens où je pense que c'est elle "Le pélican" - mais par le biais de son image à elle - ou bien, ce pélican serait sous-jacent, disont au détriment de son fils adoré et parce qu'elle était seule à l'élever. D'autant plus que ses conférences devenaient lassantes et décaties. Il n'y a qu'elle qui s'aveuglait, tout le monde savait, et depuis quelques années, qu'elle n'entretenait plus les études de celui-ci. Enfin voyons, faut pas prendre les gens pour des lanternes !
La chute fait vraiment mal ! Lis la nouvelle, peut-être que tu y verras la même chose que moi.

on verra ça.

je lance le temps de l'innocence 1/5

L'histoire débute sur les deux fils qui constituent par leurs interférences la charpente de l’histoire :

- la peinture du milieu de May, actuelle fiancée et sans doute future épouse d’Archer, le jeune protagoniste de l’histoire.

- la présence de la Comtesse Ollenska, dont la vie sentimentale (traduisez l’échec de son mariage car elle a quitté son mari) constitue un scandale, ce qui compromet la solidité du clan mondain new-yorkais.

le temps de l'innocence 2/5


A première vue, c’est la critique sociale de ce monde puritain, fortuné, et conservateur de New-York qui accapare toute l’attention d’Archer, et par ce biais, de l’auteur et du lecteur. Les descriptions acides des personnages, des vêtements, des décors, et des mœurs, témoignent d’une verve caustique assez plaisante : voici une tête du clan :

Citation :

« L’avalanche de graisse qui l’avait envahie dans son âge mûr, comme un flot de lave submergeant une ville, avait changé la petite femme potelée, au pied fin, à la cheville cambrée, en quelque chose d’aussi majestueux qu’un phénomène de la nature […] son miroir lui offrait l’agréable image d’une masse blanche et rose sans rides, d’où émergeaient les traits d’un visage mignon qui semblait attendre d’être dégagé de ce bloc de chair.

Une succession lisse de doubles mentons conduisait jusqu’aux profondeurs d’une poitrine encore nacrée, voilée de neigeuses mousseline sur lesquelles reposait la miniature de feu Mr Mingott, tandis qu’au-delà d’elle, et jusqu’à ses pieds débordant des bras d’un spacieux fauteuil, s’écroulaient des vagues et des vagues de gros grain noir, sur la crête desquelles deux petites mains blanches se balançaient comme des mouettes. »

Se glisse dans cette société choisie et repliée sur elle-même, à doses homéopathiques, une bourgeoisie d’argent qui professe la même apathie intellectuelle, mais qui veut percer en étalant son faste, avec Beaufort dont on reconnaît des traits « libéraux » :

Citation :

« il considérait les écrivains comme de pourvoyeurs salariés, préposés au plaisir des riches, et jamais son opinion n’avait jamais été mise en question par quelque un d’assez riche pour l’influencer. »

le temps de l'innocence 3/5

Toutefois l’analyse d’Edith Wharton va plus loin : elle décrit en anthropologue la stratégie et les sphères d’influence qui régissent ce milieu clos, dans l’épisode du retour de la comtesse Ollenska, finalement reconnue par cette micro-société sensible avant tout aux liens de parenté.

Par la suite, et à l’insu d’Archer, le clan peut adopter une stratégie d’ensemble, pour maintenir le bien-être matériel de ses membres et tenter de ressouder des couples instables.

Avec Edith Wharton, la micro-société avec ses codes, ses rites, ses valeurs, son « vol groupé », se conduit comme un organisme vivant, capable de tout pour préserver l’ unité des couples et des familles qui le composent.

Est-ce immuable ? Les changements viendront notamment d’un krach boursier, et de l’émergence d’une nouvelle génération, à la suite des mutations économiques de la société américaine.

le temps de l'innocence 4/5

Un autre intérêt de cette œuvre, à mes yeux, consiste dans l’analyse des sentiment amoureux qui agitent Archer.

- Ce dernier s’accommode d’un amour sans illusion pour son épouse, au moins a-t-il le don d’être lucide :

Citation :

« Archer se disait avec une sorte de découragement qu’il saurait toujours toutes les pensées que recelait ce front pur ; que jamais, au cours des années à venir, il ne la surprendrait par une fantaisie, une idée nouvelle, une faiblesse, une violence ou une émotion. Pendant leurs courtes fiançailles elle avait épuisé tout ce qu’il y avait en elle de poétique et de romanesque. Maintenant May mûrissait tranquillement, exacte reproduction de sa mère… »

On comprend à demi-mot ce que se dit et « se tait » le couple May-Archer. Il arrive d’ailleurs à Edith Wharton de commenter en un paragraphe une phrase d’apparence banale où figure un prénom devenu un enjeu du couple.

Citation :

« N’oubliez pas d’aller voir Ellen » Ce fut le seul mot prononcé entre eux sur ce sujet, mais dans leur code il signifiait : « vous comprenez bien entendu que je sais tout ce qui a été dit sur Ellen et que je suis de tout cœur avec ma famille dans l’effort tenté pour l’engager à retourner chez son mari… »

Désormais instruits, nous saurons décrypter les finesses de phrases anodines qui détrompent le partenaire sur le succès de ses mensonges, ou le mettent en garde contre un naufrage possible du couple.

- L’autre alternative est un amour possible qu’il nourrit d’hésitations, d’audaces, et de regrets. Au lecteur de le découvrir

le temps de l'innocence 5/5

Deux comparaisons surgissent quand on lit cette œuvre d’Edith Wharton :

- la première est celle d’ Henry James ; lire le temps de l’innocence permet de mieux comprendre Daisy Miller, victime innocente (mais calomniée) d’un milieu puritain et d’un soupirant sous l’emprise de cette société délétère. Exemple frappant d'un personnage discrédité par un narrateur ambigu.

- L’autre comparaison, les turbulences du cœur d’un Swann, qui pense souffrir tout seul alors que tout le monde le tient sous le regard.

Prix Pulitzer 1920, la nouvelliste et romancière américaine a été redécouverte (ou même découverte tout court) par le public français avec l'adaptation cinématographique du Temps de l'innocence par Martin Scorsese.


Dans la haute société new-yorkaise, Newland Archer (Daniel Day-Lewis) devrait renoncer à son amour pour la contesse Ellen Olenska (Michèle Pfeiffer), divorcée, enfermant ses illusions sous clé et mettant un mouchoir définitif sur ses sentiments pour ne pas déparer le décorum des apparences.

L'anthologie publiée par Flammarion reprend cette œuvre soyeuse et cruelle, ainsi que le roman Ethan Frome et le recueil de nouvelles Fièvre romaine, qui comptent parmi les textes les plus connus de l'écrivain.

source 20 minutes.




Ces fameux "heureux" sont ceux qui vivent "comme des mouches dans une carafe". La société new-yorkaise autarcique et corrompue du tournant du siècle dernier, est un théâtre quotidien. Les personnages y lisent les pages des décès du Times tout en admirant les rideaux du salon. Une orpheline - nulle au bridge et sans le sou, le monde est vraiment trop injuste ! - tente de soulager ses impayés grâce à un riche mariage. Mais, comme toute jeune-fille de bonne famille, la pauvre Lily Bart "ne réussira jamais à rien si elle n'est pas plus sérieuse !". Elle montre des penchants un peu trop romantiques...

441 pages, Le Livre de Poche