DE CRECY vs DAVID B

Entre le surréalisme de l'un et l'expressionnisme de l'autre mon coeur balance... Si le premier est un véritable explorateur graphique dont les dessins-tableaux aux frontières floues vont de pair avec une narration décalée et étrange, le deuxième se met en scène à travers un récit fantasmagorique empreint d'une mythologie personnelle très riche.
Leurs points communs ? Sans doute de refuser les lieux communs et les grosses ficelles narratives, et surtout, de puiser leur source d'inspiration dans une culture (littéraire, cinématographique, picturale...) abondante, et ainsi d'enrichir de références variées ces univers si étranges, aux confins du rêve et de cette "inquiétante étrangeté" dont parlait freud...

Nicolas de Crecy :



Bavid B :

Super Bibendumceleste
tu nous fais planer et découvrir - au moins pour moi, des champs inconnus. Bonne idée d'être venue te poser sur GDS*

alors courez vite vous procurer de david b "l'ascension du Haut Mal" ainsi que Babel et pour de crecy, prosopopus et le bibendum

De David B., la serie des "Incidents de la nuit" est une petite merveille d'onirisme et de mythologies revisitées.

Pour donner un aperçu de l'étrange univers dans lequel nous emmène l'auteur :

Le personnage principal (l'auteur) se met en quête d'une mystérieuse revue "les Incidents de la nuit" dont il a rêvé. Il se retrouve alors dans une librairie qui est en réalité un champs de fouille où les livres s'amoncèlent en tas indistincts. Ce qui rend la recherche bien difficile et nécessite parfois de rester des jours et des nuits pour enfin parvenir à trouver le trésor -le livre- tant désiré.
C'est sans compter sur le libraire qui, la nuit venue, se déguise en yéti pour faire peur à ses clients...

S'ensuivra la rencontre avec Travers, un activiste de l'époque de Napoléon caché dans un livre, de l'ange de la mort...

Prosopopus, de Nicolas de Crécy.

Sur le point de pénétrer dans sa limousine, un homme est abattu froidement. Ses gardes du corps, impuissants, ne rattrapent pas le meurtrier. Ce dernier, visiblement satisfait, retrouve une femme au lit. Alors qu'il rentre chez lui, d'étranges effluves flottent dans l'atmosphère, faites de sang, de sperme, de l'air vicié qui plane sur la ville. Et se matérialisent en un magma informe et grotesque : Prosopopus est né, monstre moderne au but implacable. Gare à ceux qui croisent son chemin.

Un vrai plaisir de lecture, sans cesse tiraillée entre effroi (l'expressionnisme du graphisme y est pour beaucoup) et fou rire, très déstabilisante.

Je crois que ce "monstre" érotomane n'est ni bon ni méchant mais qu'il confronte simplement les humains à leurs propres actes et leurs multiples ramifications. D'ailleurs, il semble naître d'un mélange de sang, de sperme et de fumée de cigarette : mort, vie et art ? mort vie et éphémérité (effets mérités) ? ou quelque chose comme ça...

Dans sa délectable introduction, Laetitia Bianchi cite un extrait du Tombeau pour New York d'Adonis :
Tombeau ou toute chose provenant du tombeau
Le soleil est funérailles
Et le jour un tambour noir à
New York sur Loire

J'ai beaucoup apprécié la non-chronologie du récit qui accentue l'effet "effet papillon".

Tiens ça m'intéresse bien.

Je verrai ce que la bibliothèque a en rayon

Natalia a écrit:

Tiens ça m'intéresse bien.

Je réalise que j'ai écrit "plaisir de lecture" mais il me faut quand même préciser que la BD est sans texte (hormis le texte d'introduction).

ça n'est pas grave ça

ma bib' ne l'a pas mais il y a la série des Salvatore et Le bibendum céleste

Noté dans ma LAL

je pourrai suivre sur ces deux auteurs, si vous proposez des titres précis pour la Bd du mois, par exemple, à moins qu'on fasse affaire entre nous, sans préméditation organisée, tout est possible.

David B est très demandé, d'où sorti ! et nicolas de Crecy, en revanche, disponible..

la balle est dans votre camp.

Je suis pour attendre la BD du mois prochain et en priorité sur Nicolas de Crecy.

J'ai beaucoup de lectures en attente et réservées déjà

Concernant Les incidents de la nuit de David B dont feralbuddleia nous parle un peu plus haut sur ce fil, L'association a édité l'intégrale ( 13 € )

Citation :

Précédemment paru sous la forme de trois courts volumes, cette oeuvre clé de David B. bénéficie désormais d’une jolie petite intégrale, qui ouvre la porte à une poursuite de la série. L’auteur y triture sa fascination pour les rues de Paris, la littérature populaire et les légendes antiques, tout comme son attrait pour les faits divers ou la culture juive. Démarrant par un rêve (réel), il se met en scène au milieu de livres magiques, de libraires intrigants, de criminels centenaires et de jolies femmes inaccessibles, à la recherche d’une étrange revue… Un récit onirique et lettré, sobrement porté par le noir et blanc si puissant et caractéristique de l’auteur.

( source Bodoi )

Des tableaux de Delacroix ou de Le Brun, en passant par les figurines d'exécration ou des poteries cyrénaïques, Nicolas de Crécy se fait le guide époustouflant d'une improbable visite au Louvre.
Cette malicieuse réflexion sur la culture donne envie de se précipiter dans le célèbre musée pour y découvrir ou re-découvrir, avec un regard nouveau, ses innombrables chefs-d'oeuvre
en fait avec cet album, c'est avec Enki Bilal qu'il faut comparer Nicolas de Crécy. (l'univers glacé, le Louvre etc.)

Période glaciaire est pour le lecteur novice que je suis, une bonne surprise. Le refroidissement (!) climatique a congelé notre civilisation, et on assiste à l’exploration de notre ancien continent, identifié par les archéologues sous le nom de EURO.

Un cochon, Hulk, participe à l’expédition et, malgré un rhume ponctuel et de relatifs déboires amoureux, il manifeste un flair que les autorités humaines de cette époque lui envient, avec raison.


Parfois surgit de la glace un ancien bâtiment culturel, et les archéologues se livrent à des conjonctures sur le passé culturel de notre époque. Le œuvres nous reflètent, plus ou moins, et Nicolas de Crécy réhabilite la BD et l’image dans le cadre des œuvres du Louvre. Un appendice permet d’ailleurs de bien identifier les références.


Le dessin est soigné, les couleurs douces, l’humour, présent, l’histoire, d’une tonalité fantastique posant de bonnes questions. Du bon travail, apprécié de tous, et notamment de Enki Bilal qui lui accorde publiquement son estime.