Michel Schneider, Marilyn...

Marilyn, dernières séances Michel Schneider

mona a écrit:

quelques jours d'absence mais pas sans lecture !

j'ai commencé l'année avec
Bleu de Chauffe de Nan Aurousseau (...)

J'ai fini l'année dernière avec Dernières séances, Marilyn de Schneider et cela m'a donné envie de lire et découvrir Truman Capote....

Bonne Année à tous

Mona , j'aimerais que tu nous dises ce que tu as pensé du Schneider ( je l'avais lu aussi et bien que l'écriture soit parfaite , j'avais eu du mal avec cette "totale immersion " dans le milieu psychanalytique ...)
... "Bleu de chauffe "devrait te détendre!!

aérial a écrit:

Mona , j'aimerais que tu nous dises ce que tu as pensé du Schneider ( je l'avais lu aussi et bien que l'écriture soit parfaite , j'avais eu du mal avec cette "totale immersion " dans le milieu psychanalytique ...)

le titre du livre laisse sous entendre que Marilyn a suivi une longue psychanalyse...il n'en est rien....si j'ai bien compris
Il fait référence aux quelques bandes enregistrées par Marilyn "selon la mèthode psychanalytique" peu avant sa mort...et auxquelles n'a pu réagir son psy à temps....
plusieurs psychanalystes et non des moindres (puisqu'Anna Freud, fille de Sigmund Freud, l'a eu comme patiente), ont essayé de traiter Marilyn.....dont le psychisme relevait de la psychothérapie voire de la psychiatrie...opposant trop de résistance à la méthode analytique....
De plus il est difficile de psychanalyser un patient encore médicamenté et à hautes doses....et alcoolique

en fait le livre s'efforce de mettre en lumière les relations entre l'actrice et son dernier psychanalyste qui est devenu son mentor. IL la savait très malade (perdue ?) et voulait la guérir (sauver ?) en rompant sa solitude en l'intégrant à sa famille...méthode qui est à l'encontre de la psychanalyse....

j'ai trouvé ce livre un peu labyrinthique et un peu trop long :
difficile d'éclairer a posteriori ce qui est resté dans l'ombre pendant plusieurs dizaines d'années, les flash-backs s'entremêlent ...

ce que j'ai préféré ce sont les relations de Marilyn avec ses amis et notamment Truman Capote (pas de fil, personne ne l'a lu ? Il est en couverture du Magazine littéraire de ce mois....)

mona a écrit:

j'ai trouvé ce livre un peu labyrinthique et un peu trop long :
difficile d'éclairer a posteriori ce qui est resté dans l'ombre pendant plusieurs dizaines d'années, les flash-backs s'entremêlent ...

ce que j'ai préféré ce sont les relations de Marilyn avec ses amis et notamment Truman Capote (pas de fil, personne ne l'a lu ? Il est en couverture du Magazine littéraire de ce mois....)

D'accord avec toi sur ces deux remarques , trop de répétitions ,de longueurs et de fash-backs nuisent à la compréhension du récit et à celles des rapports très spéciaux qu'entretenaient Marylin et son psy ,le Dr Greenson .
Dans leur cas ,ils n'ont pu éviter le" transfert ",en tout cas , leurs vies interférant beaucoup trop chacune entre elles pour qu'il puisse y avoir une véritable thérapie .
Il s'en dégage un climat malsain ,suffocant auquel on a du mal à adhérer ,entre ces deux êtres si différents mais qui se "révaient "en l'autre néanmoins .

Les rapports entre Marylin et Truman Capote , un des rares amis sur lesquels elles ait pû compter peut-être ,sont en rapport, plein de sincérité , de chaleur ,et de réel partage . Beaucoup de respect aussi .
Il y a de très beaux passages à ce propos ,pouvant nous éclairer sur ce grand auteur et qui donnent envie de le connaître , c'est vrai !

Je me rends compte ,en en parlant et aussi avec le recul nécessaire dû à ce genre de livre ,très "prenant " au sens fort ,mental du terme ,que j'ai encore pas mal de choses à dire finalement sur le sujet !...

Déjà le personnage de Marylin est très attachant . Elle n'est pas que l'icone adulée , un peu écervelée et capricieuse que l'image des médias rendait d'elle . On y découvre une personnalité très très complexe à multiples facettes , sur laquelle j'ai beaucoup appris .
Et ily aurait aussi pas mal de choses à dire sur le pouvoir de l'image ,le pouvoir des mots et leur interférences ,ce qui peut en découler ...

Marylin ,dernières séances . pourrait peut-être faire l'objet d'un fil là dessus? Je veux bien commencer ...
( enfin,je devrais être en train de préparer des affaires vu que je dois m'absenter quelques jours ,mais ...suis trop bavarde avec vous ! )

Un fil sur le sujet m'intéresse Aérial

Attendons que Rotko ou Nestor ouvre un lien avec ce qu'on a déjà dit ,je viendrai poster dès que possible !

J'ai lu "De sang froid", il y a fort longtemps, mais je n'ai pas "accroché" à son style, trop journalistique pour moi....
Du coup, pas lu autre chose de lui!!
F

Aérial a dit"

Citation :

Et ily aurait aussi pas mal de choses à dire sur le pouvoir de l'image ,le pouvoir des mots et leur interférences ,ce qui peut en découler

C´est dans ce sens très général que j´ai lu "Dernières seances".
Il n´y a pas que Marylin qui finisse par atrophier son image privée au point de n´être plus qu´une enveloppe vide, remplie de tout ce que les autres veulent bien y mettre : fantasmes, desirs, frustrations.
Elle devient ce qu´elle represente aux yeux des autres, elle n´a plus de personnalité propre. Elle est depassée et devorée par l´image que le public se fait d´elle.
Elle veut contenter les autres, leur faire plaisir et finit par mettre sa chair dans le moule piegé que lui tendent les medias, la societé.
Ce doit être un phénomène courant, chez tous ces gens connus ( artistes, et autres) qui se voient obligés à devenir celui ou celle qu´on voit à l´ecran, leur personnage public, parce qu´ils perdent les pédales et se laissent séduire en début de carrière par le glamour de la notorieté, et puis négligent leur moi-secret et finalement ne sont plus qu´un nom, une etiquette.
Çà ce voit aussi chez certains sportifs, completement saccagés par la popularité rapidement conquise, et puis quand on les oublie c´est la catastrophe.
C´est la conclusion à laquelle j´ai abouti à la lecture de ce livre. Un phenomène que nous connaissons tous dans notre societé, mais magistralement décrit au travers de l´exemple choisi par Schneider.
D´ailleurs, les petits enfants sont aussi quelquefois victimes de cet abus, quand ils ne se trouvent pas à la hauteur des projets, aspirations que font leurs parents ( frustrés) sur eux, et souffrent de ne pouvoir devenir celui ou celle que leurs parents ambitionnent.

Tout à fait, Swallow, et ce que tu dis sur les artistes et sportifs meriterait d'être bien compris par ceux qui, du jour au lendemain, s'acharnent, notamment dans la presse, dès qu'il y a une moins bonne prestation. Les sifflets et les attaques personnelles sont d'une impitoyable cruauté.

swallow a écrit:

Ce doit être un phénomène courant, chez tous ces gens connus

et aussi chez le vulgum pecus......
n'être qu'une enveloppe vide, vouloir être à tout pris aimé et correspondre à l'image que les autres se font de nous....
cela conduit souvent à une impasse .... avec symptômes physiques et/ ou psychiques
le plus bénin : la crise de la quarantaine.....

évidemment quand l'image est hyper médiatisée les dégâts ont des répercussions considérables.....
et l'attitude d'Hollywood et de la Fox n'est pas innocente dans le naufrage de Marilyn...

Un très bon « roman biographique » a été écrit sur Marilyn : Blonde de Joyce Carol Oates
Suivre le fil …
https://grain-de-sel.1fr1.net/FICTION-c1/Litterature-americaine-f2/Joyce-Carol-Oates-t550.htm

swallow a écrit:

Elle devient ce qu´elle represente aux yeux des autres, elle n´a plus de personnalité propre. Elle est depassée et devorée par l´image que le public se fait d´elle.(...)
Elle veut contenter les autres, leur faire plaisir et finit par mettre sa chair dans le moule piegé que lui tendent les medias, la societé.

C'est vrai Marylin qui avait souffert très tôt du sentiment d'abandon ,délaissée par une mère névrosée elle-même et emprisonnée rapidement dans une image qui la dévorait , était avant tout à la demande de celà: une reconnaissance , un respect , un amour qu'elle croyait trouver dans celui de son public ,bien qu'elle n'ait jamais été dupe.
Elle s'est retrouvée figée dans cette image de fille pulpeuse ,sexy ,de "ravissante idiote"qui ne lui ressemblait que partiellement , et elle s'est ainsi volontairement protégée dans ce reflet facile , mais toujours à la recherche de son identité propre .
Elle était fragilisée , tourmentée par son parcours , mais nullement idiote .
Peu cultivée ,mais curieuse de connaître , avide de savoir et amoureuse de tout ce qui représentait pour elle cette image .
Elle s'est donc raccrochée aux "mots" , ceux qu'elle a cru touver chez les psy et les artistes qui l'ont entourée ,écrivains pour la plupart , s'est même mariée avec un d'eux, Arthur Miller , mais cette fusion était basée sur un malentendu .

Dans le cas ,en tout cas du Dr Geenson et de Marylin , et Michel Schneider nous l'explique très bien , chacun se révait en l'autre .
Lui , brillant intellectuel ,reconnu mais narcissique et ambitieux lui enviait son" aura "et s'incrustait ainsi dangeureusement dans son univers professionnel.
Elle ,qui ne se supportait que dans la peau des autres , fascinée par sa connaissance , son gout des mots ,sa brillance intellectuelle , s'est retrouvée piégée dans le mécanisme du transfert , tout comme lui ...

Où devait se situer la vérité que recherchait Marylin ?
Il y a toujours un décalage entre ces deux reflets de la réalité: l'image et les mots . Elle s'y est perdue et c'est ce que nous révèle brillament l'auteur dans ce livre particulier qui nous montre une autre facette de cette très touchante actrice ...

J'ignorais que Schneider fût un fervent admirateur de Proust, dont il se réclame, avec un beau titre : Maman.



Entre maman et son petit Marcel se consommait l'insignifiance légère du langage. Par sa lecture, la mère devenait la loi intérieure, dépliant les mots comme des étoffes, chantant les noms si beaux et nus des personnages de roman, ouvrant des phrases pareilles à des chambres. Puis, un jour, elle mourut.
Il écrivit. [...]

" La Recherche est une longue lettre adressée par Marcel à maman pour lui dire que, finalement, elle n'était pas son genre.

Comme une ombre

Grasset-août2011-329 pages

Citation :

« Il y a des histoires qui veulent être racontées. J'écris celle de mon frère comme en un miroir. Mais on ne sépare pas d'un miroir l'image qui s'y reflète. »
M.S.
Comme une ombre, c'est l'histoire de deux frères, Michel et Bernard, de leur enfance, de leur rivalité secrète, de leur impossible amour. D'effrayantes symétries entre les objets, les noms, les guerres, les amours. Des images obsédantes : une piscine municipale au bord de la Seine, un dancing, une caserne à Blida, un été espagnol... Et la mystérieuse L.
Michel Schneider raconte ici l'enquête du narrateur sur les traces de son double perdu : la guerre d'Algérie et ses douleurs, la musique et ses consolations, les femmes partagées à commencer par la mère, le désir, la trahison. Il explore le plus intime et confie la difficulté de grandir privé de son ombre.
Cherchant les mots qu'il ne lui a pas dits, et qui lui auraient ouvert ses bras, le survivant adresse au frère disparu une lettre qui ne lui parviendra pas.

Lu pour le grand prix dur roman Fnac en juin 2011
« - Tu vas lui écrire cette histoire ? Pourquoi ton frère ? Et maintenant ? – Je ne sais pas bien. Pour lui rendre justice. Ou me faire pardonner quelque chose. Parfois j’ai l’impression ne n’être que son écho, son reflet, son ombre. »

Voilà un roman bien singulier, mais passionnant qu’il m’a été permis de lire presque malgré moi, si j’ose dire, tant j’ai jusque là eu tant d’appréhension à aborder le moindre ouvrage de Michel Schneider.

Mais au fond, est-ce vraiment un roman ? Peut-on parler uniquement de fiction ? Je n’ai que trop peu d’éléments de la vie de l’auteur, mais je ne peux m’empêcher de penser que ce que je viens de lire ne comporte pas une bonne part d’autobiographie …

La note de l’éditeur a, à mon sens, tendance à éloigner le lecteur de cette idée, mais…à postériori, j’ai tendance à penser que cette note peut jeter une certaine confusion.

Il n’empêche, dans une construction originale et méthodique, Michel Schneider emporte son lecteur dans son histoire familiale, et fraternelle.
Ils étaient plusieurs frères et sœurs, pas tous du même père. Mais il y avait surtout Bernard et Michel. Bernard est son ainé, a " fait " l’Algérie, en est revenu, est mort prématurément.
Michel, écrivain, a en commun le goût de la musique avec son frère, et par le biais de l’écrit part à sa recherche.
Dans les chapitres impairs, c’est Michel qui s’exprime sous forme d’enquête. Les chapitres pairs sont rédigés sous forme d’un récit, impersonnel.
Chacun des chapitres raconte l’histoire de ces deux frères, mais sous un mode différent, voir parfois antagoniste, comme si l’histoire n’était pas toujours la même selon l’endroit où l’on se place.
Cette quête n’est, en réalité, rien moins qu’un cri d’amour à un frère tant aimé, que la guerre d’Algérie a abimé profondément.
Les femmes, qu’ils ont parfois partagées, et la musique occupent une large place sans pour autant (pour la musique) que l’on puisse l’expliquer clairement.

« Jamais Michel ne saura s’il a aimé Bernard pour la musique, ou la musique pour Bernard. Jamais il ne saura ce que la musique lui disait, à lui. Son frère parlait peu de celle qu’ils partageaient. Il disait : Tais-toi, écoute ça ! »

Cette construction permet une lecture fluide et rapide, et permet de ne pas tomber dans l’écueil d’une narration linéaire qui retirait tout le charme de ce livre. Le sujet somme toute assez banal, prend, à mon sens, une tout autre dimension ; et de plus laisse toujours un doute quant à la possible note autobiographique. On referme le livre avec cette interrogation obsédante, mais absolument pas gênante. Ce livre est intrigant, et vaut au moins pour cela d’être lu.

Merci, Mimi54, Rotko et les autres qui m'ont fait connaitre Michel Schneider sur ce fil ! Il me semble que cet ecrivain me plairait -

Citation :

singulier et passionnant

qu'il est.

Comme une ombre, chez Grasset, parle d'un frère disparu, dont la ressemblance est grande avec un personnage de Mauvignier dans des hommes : revenu de la guerre d'Algérie, il connaît la dérive, et finit misérablement.

la famille de Schneider n'est pas banale : sept enfants de quatre hommes différents, tous reconnus par Laurent Schneider, père adoptif et non biologique. Pas étonnant d'une certaine façon que Michel Schneider soit devenu psychanalyste :

Citation :

" comme tous les psychanalystes, pour soigner ma mère. Ce à quoi nécessairement on échoue."

la présentation de ce "roman" dans l'article du Monde donne envie de le lire.