Max Jacob

"Déjà, à l'âge de trois ans, l'auteur de ces lignes était
remarquable : il avait fait le portrait de sa concierge en
passe-boule, couleur terre-cuite, au moment où celle-ci,
les yeux pleins de larmes, plumait un poulet. Le poulet
projetait un cou platonique. Or, ce n'était ce passe-boule,
qu'un passe-temps. En somme, il est remarquable qu'il
n'eut pas été remarqué: remarquable, mais non regret-
table, car s'il avait été remarqué, il ne serait pas devenu
remarquable; il aurait été arrêté dans sa carrière, ce qui
eût été regrettable. Il est remarquable qu'il eût été
regretté et regrettable qu'il eût été remarqué. Le poulet
du passe-boule était une oie."


(dans Le cornet à dés)

La rue Ravignan

Importuner mon fils
A l'heure où tout repose
Pour contempler un mal dont toi-même souris
L'incendie est comme une rose
Ouverte sur la queue d'un paon gris
Je vous dois tout
Mes douleurs et mes joies
J'ai tant pleuré pour être pardonné
Cassez le tourniquet où je suis mis en cage
Adieu barreaux
Nous partons vers le Nil
Nous profitons d'un sultan en voyage
Et des villas bâties avec du fil
L'orange et le citron tapisseraient la trame
Et les galériens ont des turbans au front
Je suis mourant
Mon souffle est sur les cimes
Des émigrants j'écoute les chansons
Port de Marseille
Ohé la jolie ville
Les jolies filles et les beaux amoureux
Chacun ici est chaussé d'espadrilles
La Tour de Pise et le marchand d'oignon
Je te regrette O ma rue Ravignan
De tes hauteurs qu'on appelle antipodes
Sur des pipeaux m'ont enseigné l'amour
Douces bergères et leurs riches atours
Venues ici pour nous montrer les modes
L'une était folle
Elle avait une bique
avec des fleurs sur ses cornes de paon
L'autre pour les refrains de nos fêtes bachiques
La vague et pure voix qu'eût rêvée Malibran
L'impasse de Guelma a ses corregidors
Et la rue Caulaincourt ses marchands de tableaux
Mais la rue Ravignan est celle que j'adore
Pour les coeurs enlacés de ses porte-drapeaux
Là taillant des dessins dans les perles que j'aime
Mes défauts les plus grands furent ceux de mes poèmes

(dans Laboratoire central)

Vie et marée

"Quelquefois, je ne sais quelle clarté nous faisait entrevoir le sommet d'une vague et parfois aussi le bruit de nos instruments ne couvrait pas le vacarme de l'Océan qui se rapprochait. La nuit de la villa était entourée de mer. Ta voix avait l'inflexion d'une voix d'enfer et le piano n'était plus qu'une ombre sonore. Alors toi, calme, dans ta vareuse rouge, tu me touchas l'épaule du bout de ton archet, comme l'émotion du Déluge m'arrêtait. "Reprenons!" dis-tu. O vie ! ô douleur ! ô souffrances d'éternels recommencements ! que de fois lorsque l'Océan des nécessités m'assiégeait ! que de fois ai-je dit, dominant des chagrins trop réels ! hélas ! " Reprenons! " et ma volonté était comme la villa si terrible cette nuit-là. Les nuits n'ont pour moi que des marées d'équinoxe."

(Le cornet à dés)

Passé et Présent

Poète et ténor
L'oriflamme au nord
Je chante la mort.

Poète et tambour
Natif de Colliour*
Je chante l'amour.

Poète et marin
Versez-moi du vin
Versez ! versez ! Je divulgue
Le secret des algues.

Poète et chrétien
Le Christ est mon bien
Je ne dis plus rien.

Max Jacob - Le Laboratoire central

* dans le texte

Mille regrets

J'ai retrouvé Quimper où sont nés mes quinze premiers ans
Et je n'ai pas retrouvé mes larmes
Jadis quand j'approchais les pauvres faubourgs blancs
Je pleurais jusqu'à me voiler les arbres.
Cette fois tout est laid, l'arbre est maigre et nain vert
Je viens en étranger parmi les pierres
Mes amis de Paris que j'aime, à qui je dois
D'avoir su faire des livres gâtent les bois
En entraînant ailleurs loin des pins maigres ma pensée
Heureuse et triste aussi d'être entraînée.
Plutôt je suis de marbre et rien ne rentre. C'est l'amour
de l'art qui m'a fait moi-même si lourd
Que je ne pleure plus, quand je traverse mon pays
Je suis un inconnu : j'ai peur d'être haï
Ces gens nouveaux qui m'ignorent, je crois qu'ils me haïssent
Et je n'ai plus d'amour pour eux : c'est un suplice.

Max Jacob - Le laboratoire central

Max Jacob, le peintre:


Paysage et vaches



Fête à Quimper

Tournage d'un téléfilm sur Max Jacob (pour ARTE)

"Arte a débuté la semaine dernière, en région parisienne, le tournage du téléfilm Max Jacob. Nous sommes en février 1944 et le poète Max Jacob, homosexuel, juif converti au catholicisme, a été arrêté et conduit à Drancy. Une femme qu'il a aidée dans sa jeunesse va tenter l'impossible pour le sauver… Le rôle principal de ce film écrit par Dan Frank et mis en scène par Gabriel Aghion (Pédale douce, Belle maman…), est tenu par Jean-Claude Brialy face à Dominique Blanc, Guillaume Galienne, Féodor Atkine et Jean Claude Dreyfuss. Diffusion prévue à l'automne 2007."
(Têtu)

RÉTROS à souhait, vêtus comme dans les années 1950, une femme et deux hommes déambulent sous les arcades du Palais-Royal à Paris, devant le restaurant le Véfour. Nous sommes en février 1944. Elle, Dominique Blanc, annonce à Jean Cocteau (Jean-Chrétien Siberton-Blanc) et Jean Marais (Alexis Michalik) que Max Jacob vient d'être arrêté et transféré à Drancy. Elle tente l'impossible pour le sauver. En vain. Abandonné de tous, le poète succombera à une pneumonie quelques jours après son arrestation, dans ce camp de triste mémoire.

C'est l'histoire d'un écrivain hors du commun, pétri de contradictions, que raconte le film Max Jacob, en tournage jusqu'au 31 octobre à Paris et en région parisienne – les images sur le camp n'ont pas été filmées à Drancy, mais dans un décor militaire de Cormeilles-en-Parisis – pour Arte et France 3. Un projet qui résulte d'une alchimie de talents : Dominique Blanc et Jean-Claude Brialy côté comédiens, Dan Franck pour le scénario, Daniel Leconte pour la production, Gabriel Aghion pour la réalisation.


«Il y a trois ans, nous avons développé un scénario sur Picasso pour France 2 qui l'a refusé parce que le peintre n'était pas montré sous un jour assez sympathique, se souvient Daniel Leconte, producteur délégué. Après une rencontre avec Jérôme Clément, président d'Arte, nous avons déplacé le curseur sur Max Jacob, personnage généreux et torturé, à l'image de cette première moitié du XXe siècle. Un sujet d'autant plus intéressant que le comportement des artistes pendant la Collaboration n'a jamais été abordé à la télévision.»


Le comble de l'ironie


Homosexuel, juif converti au catholicisme, Max Jacob, qui a fréquenté le Bateau-Lavoir à Montmartre, est un personnage romanesque, un beau sujet d'inspiration, comme l'explique l'écrivain Dan Franck : «C'est un clown tragique. Un homme à l'incroyable destin qui, bien que converti au catholicisme, est mort en juif au camp de Drancy. Quelle ironie !»


Le personnage d'Alice, interprété par Dominique Blanc, Dan Franck l'a en partie inventé. «Picasso et sa femme ont adopté une petite fille qu'ils n'ont gardée que quelques mois. Lorsqu'ils en ont eu assez, ils ont chargé Max Jacob de la ramener à l'orphelinat de la rue Caulaincourt. On n'a jamais su ce qu'elle était devenue, mais je l'ai imaginée, une fois adulte, contactant tous les amis de Max pour essayer de lui sauver la vie.»


Le destin de ces deux êtres rejetés de tous a ému aux larmes Dominique Blanc qui avoue connaître peu Max Jacob. «J'ignorais l'incroyable amour qu'il vouait à Picasso, confesse la comédienne. Je ne savais pas non plus qu'il était mort à Drancy d'une maladie. Je me sens assez proche de cet être solitaire. Le monde est difficile pour ceux qui ont une grande sensibilité.» «C'est un film sur les gens qui ne trouvent pas leur place, confirme Gabriel Aghion, lui aussi bouleversé à la lecture du scénario. La fin du film résume la vie de Max Jacob : il est dans son lit à Drancy, en train de mourir. Il porte la Légion d'honneur, l'étoile juive et réclame son chapelet pour prier.»
(Le Figaro)

Si ça vous intéresse, je connais personnellement un spécialiste de Max jacob. Il est docteur és Lettres, conférencier etc . Je pourrais essayer de retrouver les coordonnées de son site.

Voici :
http://maxjacob.free.fr/

Je connais aussi une conférencière spécialiste de Max Jacob ...Je dois d'ailleurs assister à une conférence le 3 décembre.
Je la crois trop occupée pour nous apporter des infos ici sur GDS.
Mais je prendrai des notes...

http://www.max-jacob.com/accueil.html

-"maman, je m'ennuie."
-"mon enfant, il n'y a que les imbéciles qui s'ennuient"

Ennuyez-vous. Car ce jour-là vous prendrez un porte-plumec et un
Papier et vous ferez peut-être un chef-d'oeuvre. Tout est dans la
Qualité de l'ennui.

Quand j'étais jeune, je croyais que les génies et les fées s'étaient dérangés pour me guider et quelle que fut l'injure qu'on m'adressât, je croyais qu'on soufflait aux autres des mots qui n'avaient en but que mon bien et le mien seul. La réalité et le désastre qui m'ont fait chanteur sur cette place m'apprennent que j'ai toujours été abandonné des dieux. O génies, ô fées, rendez-moi aujourd'hui mon illusion.

coline a écrit:

-"maman, je m'ennuie."
-"mon enfant, il n'y a que les imbéciles qui s'ennuient"

Ennuyez-vous. Car ce jour-là vous prendrez un porte-plumec et un
Papier et vous ferez peut-être un chef-d'oeuvre. Tout est dans la
Qualité de l'ennui.

Moi, je crois que ceux qui ne se sont jamais ennuyés ne peuvent que l’être… imbéciles.

Parents, surtout laissez quelques instants à vos enfants pour s’ennuyer…comment stimuler l’imaginaire autrement ???
Et si le réaliste gère le présent, l’utopiste crée le futur.

Je pense que tu es sur la même longueur d'ondes que Max Jacob.

Oui, l'ennui laisse place à l'imaginaire, à l'imagination et favorise la création...Mais dans ce cas, est-ce vraiment de l'ennui?

Avenue du Maine

Les manèges déménagent.
Manèges, ménageries, où?. . . et pour quels voyages?
Moi qui suis en ménage
Depuis . . . ah! il y a bel âge!
De vous goûter, manèges,
Je n’ai plus . . . que n’ai-je?. . .
L’âge.
Les manèges déménagent.
Ménager manager
De l’avenue du Maine
Qui ton ménage mène
Pour mener ton ménage!
Ménage ton ménage
Manège ton manège.
Manège ton ménage.
Manège ton ménage.
Mets des ménagements
Au déménagement.
Les manèges déménagent,
Ah! vers quels mirages?
Dites pour quels voyages
Les manèges déménagent.

22 septembre 1909. Le Christ apparaît à Max Jacob en train de chercher ses chaussons sous son lit.

"Le jour où il a raconté que le Christ lui était apparu pendant qu'il était à genoux en train de chercher ses pantoufles sous le lit, tout le monde a cru à une mystification, à commencer par le vicaire de Saint-Jean-l'Évangéliste... Le pauvre juif dut attendre des années et une seconde vision - celle au cinéma où le Christ en robe blanche, raconta-t-il, s'assit près de lui - pour trouver un prêtre qui le juge sincère et prépare sa conversion."

selon Roland Dorgelès.

le Point raconte à sa façon la conversion du Poète.

en juin 1921, Max se retire à Saint-Benoît-sur-Loire, à l'ombre de l'abbaye bénédictine. C'est là qu'il sera arrêté par la Gestapo en février 1944, avant d'être déporté au camp de Drancy où il meurt le 5 mars 1944.