Fabienne Jacob

144 pages chez Buchet Chastel

y-a-t-il une histoire dans ce livre ? sans doute pas, mais je le lis avec intérêt car il est bien écrit et abonde en développements intéressants :

la narratrice travaille dans un institut de beauté, elle écoute ce que les femmes lui disent.

"Presque aucune des femmes qui viennent ici n'aime son corps. Les magazines qu'elles lisent à l'entrée sont remplis de corps de femmes qui n'existent pas. Elles veulent avoir le même, elles aussi, un corps qui n'existe pas. Leur corps à elle existe, c'est ça le problème. Trop à leur goût. Il se rappelle à elles tout le temps elles ne peuvent l'oublier une seconde. Il leur sort de partout leur corps, par le ventre, par leurs cuisses. Elles paient pour oublier qu'elles en ont un."

j'ai bien aimé le corps de la bouchère, tout blanc et comme statufié derrière le tiroir caisse, tandis que le boucher s'active, et plonge ses doigts dans la viande rouge.

On entend un homme un peu ivre qui téléphone à une femme qui l'a largué, pour lui dire qu'il regrette son odeur, "une odeur qui le rend dingue".

Il y est question de l'allure aussi, pas de la marche "qui meut seulement les pieds et les jambes"...

j'y reviendrai, patience !

Le corps

Dans ce livre, chacun sera sensible aux différents épisodes racontés par Fabienne Jacob : la jeune fille qui s’est donnée à un Allemand pendant la guerre et qui ne supporte pas l’approche de son actuel mari, ou la curiosité des fillettes qui ouvrent les tiroirs de la commode pour examiner, voire revêtir, les pièces de lingerie de la mère.

D’autres apprécieront cette légère moquerie des femmes enceintes :

« Elles allèguent leur protubérance comme un papier d’identité à croire qu’auparavant elles n’avaient pas d’identité. Elles se mettent à tout montrer de leur corps alors qu’avant elles le maintenaient caché le col bien boutonné jusqu’au dernier elles en deviennent obscènes fières comme des paonnes elles arborent leur utérus. Elles ont leurs expressions à elles qu’elles se murmurent entre elles, elles ne se fréquentent plus que celles de leur confrérie les autres ne peuvent pas comprendre. »

J’ai été sensible à ce passage où la narratrice parle de sa mère âgée;

Citation :

Un jour j’ai demandé à la laver, l’infirmière a dit « oui, pourquoi pas ». J’ai moi aussi plongé le gant de toilette dans l’eau savonneuse de la bassine violette, je l’ai essoré avant de le passer sur le corps. Au début je n’avais pas osé poser mes mains sur elle […] j’ai commencé par les bras, d’abord l’extérieur puis l’intérieur, les beaux bras blancs sur lesquels le gant humide glissait facile. Je l’ai fait descendre des aisselles jusqu’aux poignets. Les bras étaient devenus légers la mère ne pesait plus rien.

Très beau texte d’amour.