Sangati de Bama, traduction de Josiane Racine, éditions de l’Aube 2002, a été publié en Inde en 1994.
Le livre est présenté comme un roman mais, à vrai dire, ce n’en est pas un. On a parfois l’impression de lire un
Journal tenu par la narratrice qui se confond visiblement avec l’auteur mais le livre tient aussi du documentaire par bien des côtés et c’est là que réside son intérêt.
Sangati signifie « l’assemblée » et renvoie à l’assemblée de pseudo-justice uniquement composée d’hommes et présidée par le chef coutumier ; on y juge les femmes, systématiquement reconnues coupables même contre l’évidence la plus criante.
Tout au long du livre, se succèdent, de façon parfois un peu décousue, des scènes de la vie quotidienne ou des récits qui, tous, dénoncent la condition insupportable des femmes
dalit (mot qui signifie « les écrasés » et est devenu politiquement correct pour désigner les ex-intouchables, ces êtres hors castes qui n’ont aucun droit). En ressort nettement que naître
dalit est une malédiction mais que naître
femme dalit est pire encore.
La violence est constamment présente, violence physique et morale infligée aux femmes par des maris qui ont droit de vie ou de mort sans que personne trouve à y redire, violence verbale ensuite et c’est là que le lecteur est surpris car ces femmes ne cessent de s’insulter mutuellement au travers de dialogues quasi orduriers ; elles sont perpétuellement agressives et ne manifestent aucune solidarité entre elles. La narratrice elle-même commente :
- Citation :
- Dès qu’elles ouvrent la bouche, ce sont des mots en « con », en « cul », en « dard », qui sortent. Elles ne trouvent aucune jouissance dans la vie conjugale et elles assouvissent peut-être un désir lascif en nommant ainsi chaque organe, en guise d’injures.
Elle ajoute que crier, se battre chacune pour soi est la seule façon de « survivre coûte que coûte."
La narratrice-auteur manifeste à plusieurs reprises sa révolte : née en 1958, elle a été à l’école, elle est devenue enseignante et elle est restée célibataire ce qui a suscité pour elle des difficultés supplémentaires, par exemple pour trouver à se loger. Elle mène un combat et, dans les dernières pages, elle exprime un espoir d’autant plus émouvant : celui que les femmes parviendront à changer leur sort car personne ne le fera pour elles ; elle croit en l’éducation des petites filles.
"Tout se fera et se défera par les femmes" affirme-t-elle et ses derniers mots sont :
- Citation :
- Naîtra alors le temps où l’on pourra vivre avec les mêmes droits, sans aucune différence, en gommant toute injustice, toute cruauté, toute inégalité entre hommes et femmes. J’ai le sentiment que ce temps va apparaître très vite.
Pas si vite que cela car, d’après ce que j’ai lu par ailleurs, 18 ans après l’écriture de ce livre, le sort des
dalit en général et des
femmes dalit en particulier n’a guère évolué qu’en théorie et peu dans la pratique du moins dans les villages de l’Inde qui reste relativement peu urbanisée.
En conclusion, je dirais que ce livre n'a pas d'intérêt littéraire, il est d'ailleurs maladroit dans sa structure comme dans son écriture mais il constitue un témoignage très intéressant.
-> Désolée mais je ne suis pas parvenue à insérer l'image de couverture de ce livre