Forum littérature, roman, polar, poésie, théâtre, BD, SF, auteurs et livres du monde entier sur le forum littéraire et tous les arts, cinéma, peinture ...
Une table conviviale pour parler des livres, des spectacles, et goûter aux plaisirs des mots. |
| | jean fanchette | |
| | Auteur | Message |
---|
rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: jean fanchette Dim 28 Déc 2008, 14:43 | |
| C'est en écoutant Le Clezio parler de l'île Maurice que j'ai rencontré Jean Fanchette, poète et psychanalyste mauricien. Son site comprend de nombreux poèmes, Venus de mer - Citation :
- Toute partance est douloureuse à la mémoire de ces hommes
Venus de mer qui se perdirent parmi les lianes de leurs pas Dans une ville sans oiseaux aux neiges sales de l’exil. La cape de vent dur encore brûle le sel de leurs visages Et dans leurs yeux des navires brisent l’ordre des archipels. Toute partance est douloureuse. Ecume et sculpture de vagues Et dérive blanche de voiles sous les dessins très lourds du ciel.
Métamorphose au jour de mer, les essaims de lumière bruissent ; Les navires du retour croisent au large de la mémoire heureuse Et les fleurs d’ombre s’ouvrent aux vergers de la mer sommeilleuse. La mer. Et ses tresses se dénouant devant l’or fin de nos regards Et ces étoiles démarrées, un soir du Sud, parmi les vergues. - Spoiler:
II
Les ailes du moulin apprennent le silence au bief d’eau sombre ; La mémoire voudrait, à peine dessinés, des gestes rares, Des gestes ombreux de nageurs sur les fonds scellés de corail. Ici l’architecture est dans l’ordre du givre et ses rosaces ; Là-bas le vent taille le roc en forme de gisants mal-morts Et les chemins d’herbe incendiée se brisent à l’assaut des mornes. Ce n’est pas tant l’exil que le mépris de la terre femelle, Du résidu mouvant et traître de la débâcle des basaltes ! Leur terre enceinte de sanglots dont la mer rouvre les blessures Jette ses salves de violence au ciel charbonneux de l’Europe ; Et les seuls Rois Mages qu’ils aiment sont ceux du retour sans étoile.
III
Mer, l’absence de mer commence après le dernier boulevard De cette ville-ossuaire. Les fresques du brouillard s’estompent dans la nuit qui n’est plus temps. Mais un navire appareillera cette aube sur les eaux calmes du sommeil, Un navire gréé de vent portant les oiseaux de retour.
IV
Terre. D’ici la terre est la colline à l’horizon de l’aube. Les constellations du Sud dorment sur les lagons d’eau morte. Venues d’une saison ancienne des feuilles dérivant leur portent Le salut de la terre rauque où leurs racines s’emmêlèrent : Emeraudes du matin vierge et ciel en friche de fougères. Et pour les guider dans la passe, parmi les algues en voyage Une mouette suspendue blanche oriflamme au vent de terre.
Et ce fut chant de fête alors de la cale noire aux misaines Et ce fut chant comme au départ longtemps-longtemps Mais les seuls Rois Mages qu’ils aiment sont ceux du retour sans offrandes.
V
Le matin sur la Ville vit pleurer des hommes qui avaient Erré jusqu’au bout de la nuit, perdu jusqu’au sel de leurs larmes.
| |
| | | Solweig pilier
Nombre de messages : 477 Date d'inscription : 14/07/2007
| Sujet: Re: jean fanchette Dim 28 Déc 2008, 18:29 | |
| J'aime bien certaines images comme "Les essaims de lumière bruissent" qui crée un phénomène de synesthésie. J'aime aussi la clausule qui synthétise bien les thèmes de la mer et de l'exil. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: jean fanchette Dim 28 Déc 2008, 18:44 | |
| Le Clezio qui a beaucoup d'admiration pour cet écrivain le compare au sujet du voyage à Rimbaud, mais avec un trajet inverse : tous deux ont tenté l'aventure poétique et l'aventure des voyages. Rimbaud a commencé par la première pour finir par la seconde, tandis que Jean Fanchette a d'abord voyagé pour finir en Europe par l'aventure poétique. un extrait de "l'ambivalence du lieu". - Citation :
- Sur le pays muet le vent mon allégeance
Chasse les copeaux d’étincelles Hier saisies aux forges de l’hiver
Je rame dans l’océan des seigles
La demeure d’enfance fuit sous l’horizon Le vent capitaine de course Relégué aux terres de l’intérieur Laboure les dunes en rêve Le vent arrache enfin le jour au fond du jour
De quelle mémoire jailli ce ciel cuivré Là-bas au finisterre d’enfance Il est toujours six heures du soir Dans cette ville côtière Prise aux feux du dernier soleil
J’entends les meutes qui s’éloignent vers la mer
Sur les pays muets le vent mon allégeance Réveille l’aube la friche le réel La maison d’ici navigue dans la clarté trouble Les rumeurs de l’enfance se brisent et meurent
J’ai perdu Tout vaincu et promis au feu Je brûle avec toi femme nue torche inverse Dans le fleuve encore nocturne du lit le poème ambivalence du lieu. On y retrouve l'univers de Le Clezio, je pense en particulier au début d' Etoile errante, l'adolescente fuit dans les champs de blé, la guerre marque déja la cité. | |
| | | Solweig pilier
Nombre de messages : 477 Date d'inscription : 14/07/2007
| Sujet: Re: jean fanchette Dim 28 Déc 2008, 20:14 | |
| Oui, on peut effectivement comparer les trajectoires de Rimbaud et de Fanchette mais il me semble que Rimbaud s'est livré à un commerce douteux à la fin de sa vie. Je suppose que Fanchette n'a pas commencé par là.
En général, on dit que Rimbaud et Rousseau sont les deux dromomanes de la littérature française (ou plutôt de la littérature francophone).
Si je reviens au vers que j'ai cité ("Les essaims de lumière bruissent"), Rimbaud avait la même relation sensorielle avec la nature que Fanchette avec une confusion des sensations aussi dans certaines de ses métaphores. Chez Rimbaud, la "rivière chante" et la "lumière pleut". | |
| | | Utopie pilier
Nombre de messages : 11113 Date d'inscription : 12/06/2006
| Sujet: Jean Fanchette Lun 29 Déc 2008, 17:47 | |
| C'est en écoutant Le Clézio parler de l'île Maurice que j'ai rencontré Jean Fanchette, poète et psychanalyste mauricien. Son site comprend de nombreux poèmes. Ces lignes ...
Ces lignes Qui ne cernent aucune forme Situent l’origine et son pouvoir obscur
Le minéral poisson dur Nage dans la marnière nocturne
Réel possible aliénation Ne sont plus que des mots prenant de la distance
Le silex lève les étincelles D’un nom qui n’a pas de pays
Toute parole avant moi se renoue A l’arbre où se résument mes écorces.
| |
| | | Solweig pilier
Nombre de messages : 477 Date d'inscription : 14/07/2007
| Sujet: Re: jean fanchette Dim 11 Jan 2009, 14:26 | |
| Lors du troisième volet de l'émission consacrée à Le Clézio et l'île Maurice sur France culture, un Mauricien dont je n'ai pas retenu le nom revient justement sur l'aspect sensoriel de la poésie de Fanchette. Il a lu le journal de Fanchette écrit l'année de ses dix-huit ans et ce qu'il en a retenu notamment est ce côté sensuel, dans tous les sens du terme. Il précise enfin que Fanchette était hanté par l'île Maurice et que son exil constituait une blessure, d'ailleurs Fanchette a beaucoup écrit sur l'enfance perdue. Il termine par cette citation de Fanchette : "Je ne suis pas d'ici, je ne suis plus d'ailleurs".
On entend ensuite la voix un peu sourde de Le Clézio. Lors d'un discours, il évoque également Fanchette. Pour Le Clézio, ce qu'il y a de plus émouvant dans la poésie de Fanchette, comme dans celle de Rimbaud, c'est que la parole a été interrompue, qu'elle n'est pas allée jusqu'au bout, ce qui finalement est propre à la parole poétique, toujours ouverte, toujours en suspens. Le Clézio revient également sur l'interrogation sensorielle du monde que l'on trouve dans la poésie de Fanchette et évoque son refus des compromissions, son refus de participer à de faux débats. Le Clézio conclut en nous disant que Fanchette ne donnait pas un message facile à comprendre. | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: jean fanchette | |
| |
| | | | jean fanchette | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|