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| | John Kennedy Toole | |
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+10Edgar Mint musanostra Bennett Bridget Jones Amadak maïa Provence aérial queenieinlove rotko 14 participants | Auteur | Message |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: John Kennedy Toole Jeu 15 Juin 2006, 06:39 | |
| John Kennedy Toole, La conjuration des imbéciles, Robert Laffont. Un Don Quichotte moderne. Ignatius, le protagoniste essentiel de ce récit, part en guerre contre les tares du monde moderne : la télévision et les films débiles, le travail aliénant, la mercantilisation à outrance, la frivolité des occupations d'un monde sans idéal. L'Amérique maccarthiste apparaît donc comme une cible de premier plan, avec sa paranoia anticommuniste, son conformisme ambiant, et la dégénérescence de ses moeurs. Ce jeu de massacre hilarant - on pense à Boris Vian, est opéré par des personnages décalés, grand guignolesques, aux marges du rôle social qui leur est dévolu, si bien que le récit allégre pratique une subversion roborative à laquelle participe le lecteur. Même quand on voudrait le désapprouver, Ignatius nous amuse et fait de nous ses complices. .Nous assistons en effet à une immense comédie qui repose certes sur les personnages, l'intrigue et ses rebondissements, mais aussi sur l'utilisation de la langue : aux périodes oratoires et au style grandiloquent d' Ignatius répondent en contrepoint les clichés de langue et les paroles estropiées de ses partenaires. La verve de JKT s'en donne à coeur joie : répliques en cascades, jeux de mots (mesdames et Vicieux), déformations diverses, multiples appellations drolatiques d'Ignatius. On jubile au royaume de la parodie : " - Citation :
- Abusé par une catin du Troisième Reich dissimulant son visage dépravé derrière mon propre livre, le fondement même de ma vision du monde ! Oh, ma mère, si seulement tu savais combien j'ai été cruellement trompé et roulé par un complot de sous-hommes. Suprême ironie - le livre même de la Fortune m'a porté malheur. O Fortune, Fortune, ribaude dégénérée !"
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Jeu 15 Juin 2006, 06:40 | |
| Accents shakespeariens contre verve populaire, parler quotidien incongru dans des situations cocasses, gags visuels issus des comic strips, on voit le détournement farcesque opéré par l'auteur. Il manifeste une ardeur juvénile à mettre en pièces l'ordre établi - qu'il soit familial, politique, économique ou social, et il tourne en dérision les valeurs admises. Ajoutez-y le plaisir de la provocation gratuite qui pousse Ignatius, marchand de hot-dogs à afficher ce slogan : - Citation :
- Tâtez de mes saucisses, 20 cm de Paradis
(1) sous le nez de dames artistes "bien vêtues portant de vastes capelines" (1) Paradis est le nom de la firme produisant les hot-dogs. | |
| | | queenieinlove pilier
Nombre de messages : 682 Localisation : Black Hole Date d'inscription : 30/05/2006
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mer 04 Oct 2006, 07:38 | |
| alors je voulais refaire une pitite fiche de lecture, histoire de me bouger les fesses, parce que ça fait un petit moment que je n'ai pas parlé de ce que pourquoi je suis venue ici au départ (les livres - même si maintenant je viens aussi beaucoup pour votre compagnie !) Je me suis dit, je vais parler d'un livre que j'ai adoré, qui a éblouit mes lectures lorsque je l'ai découvert, et m'a fait me dire : waaouuu c'est géniallissime (ça m'arrive rarement d'être hyper extra enthousiaste). Et evidemment, le Rotko cultivé et culturiste était déjà passé à l'action. Qu'à celà ne tienne je fais remonter ce topic ! Alors que dire... j'adore ce personnage cynique, haineux, qui se la pète plus haut que son c.. qui n'aime personne et ai persuadé que tous devraient l'admiré pour son intelligence et sa culture. Il "rêve" de changer le monde, se lance dans des aventures plus incoryables les unes que les autres, et finit toujours par se mettre dans un pétrin hallucinant. Monsieur vit toujours chez sa maman, en parasite misanthrope. L'humour éclate dans ce livre, une ironie à couper au couteau. J'aime le ton décalé et la déformation des choses qui l'entourent. Vraiment dommage que l'auteur se soit suicidé si vite... ne produisant que deux livres (le deuxième précédent celui-ci de quelques années, et étant, vraisemblablement, d'après les rumeurs glânées ici ou là, de bien plus mauvaise qualité... mais bon il était bien jeune à l'époque) pour moi c'est un chef d'oeuvre | |
| | | aérial pilier
Nombre de messages : 582 Date d'inscription : 11/10/2006
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mer 25 Oct 2006, 08:38 | |
| ..Un peu pour les mêmes raisons ,je me suis baladée sur le site et y ai découvert que seulement rotko et queenieinlove avaient posté sur "la conjuration des imbéciles " ... Alors ,je viens remettre un peu mon grain de sel ,histoire que ceux qui ne l'ont pas encore lu se le procure d'urgence!..Cela serait dommage de passer à côté d'un tel chef d-oeuvre ! A lire absolument ,pour son humour complètement délirant ,son style hors du commun ,tantôt familier ,tantôt raffiné ,suivant la situation ,mais toujours brillant! On suit les péripéties de ce pauvre Ignatius ,complètement loufoque aux yeux de son entourage ,mais qui reste persuadé d'être un génie incompris. Un décalé souvent acerbe ,cruel ou tyrannique ,mais qu'on se prend à aimer ou à plaindre ,et qui finit par nous toucher !Un Don Quichotte ,comme le dit rotko ,mais en beaucoup plus obèse ! J'ai vraiment ri et même de très bon coeur ,et le plus fort c'est que cette oeuvre nous laisse un drôle de sentiment ,en tout cas de belles réflexions sur l'homme et la société qui l' entoure! ...Comme l'en-tête au début du livre :"lorsqu'un génie apparaît en ce bas monde ,on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont toujours ligués contre lui " . (Swift ) :idea: | |
| | | Provence pilier
Nombre de messages : 2166 Age : 63 Localisation : Au bord de la mer... Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mer 25 Oct 2006, 09:00 | |
| Commencé et repris plusieurs fois, je n'en ai jamais achevé la lecture.... Je n'arrive pas à définir ce qui me bloque. Mais forte de vos remarques et analyses, je le ressors de ma bibliothèque un de ces jours, promis ! | |
| | | aérial pilier
Nombre de messages : 582 Date d'inscription : 11/10/2006
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mer 25 Oct 2006, 14:45 | |
| Si tu l'as commencé ...et repris ,c'est que tu n'as peut-être pas passé le cap un peu dérangeant du début ,mais qu'il t'a tout de même interpellée! C'est vrai qu'il faut s'habituer à cette écriture un peu spéciale ,et qu'on met parfois un certain temps à rentrer dans les personnages ,tellement ils sont tous "affreux ,sales et méchants "..Mais une fois le côté déroutant passé,( et hormis quelques passages un peu long ,normal sur plus de 5oo pages )on se prend au jeu et c'est carrément jubilatoire !! Vrai aussi qu'il en met une sacrée couche pour bien nous les rendre convaicants . Mais c'est un peu comme un sketch de Desproges ou Coluche ...Derrière la caricature ,le côté sombre et pervers de l'âme humaine! On y revient toujours avec plus de plaisir !! :arrow: | |
| | | Provence pilier
Nombre de messages : 2166 Age : 63 Localisation : Au bord de la mer... Date d'inscription : 04/01/2006
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mer 25 Oct 2006, 14:58 | |
| Oui Aérial, je crois que c'est exactement ce que j'ai ressenti ! Tu m'as réellement donné envie d'essayer à nouveau, merci | |
| | | aérial pilier
Nombre de messages : 582 Date d'inscription : 11/10/2006
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mer 25 Oct 2006, 15:25 | |
| ..Eh bien ,c'est tout l'intêret du forum (et ça me fait encore plus plaisir ,Provence !) ..pouvoir partager! | |
| | | maïa pilier
Nombre de messages : 3761 Date d'inscription : 05/01/2006
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mer 25 Oct 2006, 16:53 | |
| Oui, Provence, je pense aussi qu'il faut essayer une nouvelle fois ! J'ai dévoré ce livre "hénaurme" J'avais découvert John Kennedy Toole en lisant son autre roman, La Bible de néon.Il l'a écrit à seize ans... et le livre n'a été publié que vingt ans après la mort de Toole, le succès de La Conjuration ayant produit des querelles d'héritiers... Un tout autre registre. Récit tendre et poignant d'enfance déshéritée, d'exclusion, dans une petite ville de l'Amérique profonde éclairée par une énorme bible de néon. La Conjuration m'a forcément surprise, il est difficile de croire que les deux romans sont du même auteur. Mais les deux sont remarquables. | |
| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: john kennedy Toole Lun 04 Mai 2009, 13:30 | |
| " La conjuration des imbéciles" Quelques lignes sur ce livre Un livre genial, sans égal dans ce genre.Il ne ressemble à aucun d’autre. Le début ,très original, face au supermarché, déclenche toute l’histoire, avec tous les personnages enchevêtrés, qui deviennent à leur insu, protagonistes de la narration. On les retrouve dans diverses situations qui font l’essence du livre. Pour le qualifier on devrait dire que sa lecture est fascinante. Tout s’y trouve : humour noir, la vie du Noir, bon à tout, la chasse aux communistes. Il se plonge dans la description amère de la ville de « Nouvelle Orléans » source de misère et de corruption. Lui, le héros « Ignatius », un type grossier, paresseux, intellectuel, illustré , tout à la fois. On parvient à le comprendre et à le justifier. Un Don Quichotte de nos temps, qui déteste la société dans laquelle il vit, et rêve de tout changer. Son irruption dans la vie du travail, le pousse à des réflexions philosophiques sur le monde, qu¡il écrit dans des cahiers d’école ; et les lettres qu’il échange avec Myrna une sorte de hippie extravagante, sont hilarantes, orageuses, elle aussi à sa manière veut changer le monde. Il faut remarquer les dialogues exorbitants avec sa mère, les dialogues à couteaux tirés du couple Levy, les situations originales et imprévues, qui font de ce livre une lecture réjouissante qui semble écrite par un fou. Mais ici j’ose mettre une citation de Maupassant que j’avais lue : - Citation :
- « Mais sait-on quels sont les sages et quels sont les fous, dans cette vie, oú la raison devrait s’appeler sottise et la folie, s’appeler génie. »
Un livre à dévorer d’une seule traite. | |
| | | Bridget Jones pilier
Nombre de messages : 806 Age : 63 Localisation : Genève Date d'inscription : 09/03/2009
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Lun 04 Mai 2009, 16:43 | |
| Un roman que j'ai absolument adoré, moi aussi Je l'ai lu deux fois et pourrais très bien le lire une 3ème fois, car ça remonte à quelques années. Un roman foisonnant, drôle, original, en effet dans l'esprit de Coluche, de Desproges, des Deschiens.. L'auteur a remporté le prix Pulitzer en 1981, à titre posthume, après son suicide à 31 ans, en 1969. Le livre a été publié grâce à l'opiniâtreté de sa mère, qui a retrouvé des copies carbones du manuscrit, après le suicide de son fils. Plusieurs tentatives d'adaptation au cinéma ont avorté pour des causes diverses: décès d'acteurs pressentis et, plus récemment, l'ouragan Katrina qui a dévasté la Nouvelle-Orléans, décor du récit. Du coup, le roman/film a la réputation d'être maudit. La statue d'Ignatius J. Reilly, à la Nouvelle-Orléans: Toute cette information n'est pas due à mon infinie érudition, c'est plutôt grâce à un petit coup de pouce de mon ami wikipedia (en anglais, of course...) wiki EN La page en français est bien plus succincte: wiki FR | |
| | | Bennett pilier
Nombre de messages : 866 Date d'inscription : 08/03/2009
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Lun 04 Mai 2009, 19:09 | |
| Alors, celui là je l'avais choisi pour le titre. La conjuration des imbéciles: GENIAL!!! En plus le format 500 page n'était pas pour me déplaire. Et quelle claque, je l'ai dévoré il y a bien quinze ans et c'est comme si je l'avais lu hier. Il est toujours présent et frais dans ma tête alors que certains polars sont oubliés la semaine suivante. J'ai aussi beaucoup aimé la bible de néon certes différent mais où la critique sociale est aussi acerbe. Mais voilà JK Toole est passé comme une étoile filante... On aurait aimé d'autres textes! Et donc l'autre jour sur FCulture j'entends un débat concernant un livre de Steve Toltz "Une partie du tout" où la référence de comparaison était le chef d'œuvre de Toole. J'ai couru chez le libraire pour me procurer le dit ouvrage qui maintenant se bonifie dans ma bibliothèque le temps que mon appétit soit à point. A suivre... | |
| | | musanostra neophyte
Nombre de messages : 3 Date d'inscription : 17/05/2009
| Sujet: la conjuration des imbécilles Lun 18 Mai 2009, 19:21 | |
| j'ai beaucoup aimé ce personnage, sa mère et les autres, santa, mancuso...On rit et on grince des dents parce que c'est pas tendre a lire absolument , ne serait-ce que pour découvrir quel avatar de Dom quichotte on peut encore inventer aujourd'hui il mène de ces combats ; quelle épopée ! | |
| | | Edgar Mint habitué(e)
Nombre de messages : 10 Age : 34 Localisation : Suisse Date d'inscription : 17/05/2009
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mar 19 Mai 2009, 21:53 | |
| J'ai également commencé John Kennedy Toole par son roman La Bible de néon. Et c'est peut-être plus judicieux de commencer par celui-là si l'intention est de lire les deux romans de Toole, tant ils sont différents. La Conjuration des Imbéciles est quand même son oeuvre phare. J'ai vraiment aimé. C'est bien écrit, c'est drôle... il y a des passages "délicieux". Mais ça me laisse des craintes. Je suis actuellement plongé dans "Le seigneur des porcheries" de Tristan Egolf et je constate que ces deux auteurs ont connu le même sort, suicide. J'espère qu'un autre sort m'attend, car ces deux écrivains sont vraiment des coup-de-coeur pour moi. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mer 20 Mai 2009, 05:55 | |
| - Edgar Mint a écrit:
- . Je suis actuellement plongé dans "Le seigneur des porcheries" de Tristan Egolf et je constate que ces deux auteurs [Egolf et Toole] ont connu le même sort,
tui pourras parler de cette lecture et de leurs points communs sur le fil Egolf... | |
| | | Alli habitué(e)
Nombre de messages : 29 Date d'inscription : 08/05/2009
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Ven 22 Mai 2009, 19:18 | |
| Aaaaah...J'ai adoré ce bouquin ! Cette verve ignatiusienne..."Vous sentirez le fouet de notre courroux en travers de vos pitoyables épaules." Dès lors un des plus grands anti-héros de la littérature. Et la Myrna: "Qu'est-ce que c'est que cet en-tête sur les Pantalons Levy ? Sans doute l'idée que tu te fais d'une bonne blague antisémite..." Qu'est-ce que j'ai ri...°x°
*Pour le coup des "20 centimètres de paradis", les Griffin (Family Guy) ont repris l'idée avec le "Vous voulez goûter à ma grosse saucisse fumante ?"...Mais cette phrase n'aura jamais le sel d'une réplique prononcée par un Reilly. | |
| | | Rat de cave pilier
Nombre de messages : 38 Age : 124 Localisation : Décontracté du gland Date d'inscription : 24/03/2009
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Mar 30 Juin 2009, 17:58 | |
| Sacré Ignatius! Citation (dans une lettre adressée à son ancien prof): "Votre totale ignorance de ce que vous faites profession d'enseigner mérite la peine de mort". Je crois que je n'ai jamais autant ri à la lecture d'un roman!... | |
| | | ignatius pilier
Nombre de messages : 416 Localisation : Sud est Date d'inscription : 18/12/2010
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Sam 18 Déc 2010, 16:54 | |
| - rotko a écrit:
- Edgar Mint a écrit:
- . Je suis actuellement plongé dans "Le seigneur des porcheries" de Tristan Egolf et je constate que ces deux auteurs [Egolf et Toole] ont connu le même sort,
tui pourras parler de cette lecture et de leurs points communs sur le fil Egolf... C'est drôle, je porte dans un même recoin de mon "coeur" la même affection à ces deux romans, la "conjuration..." et le "seigneur...". Quoique "le Seigneur des porcheries" soit peut-être un peu plus difficile à terminer. Les styles sont différents, mais les deux personnages sont animés d'une identique misanthropie. Bon puisque on peut poster ce que l'on pense de ce roman, je vais vous mettre ci-dessous l'article que j'avais écrit l'année dernière sur la "Conjuration des imbéciles". Tant pis pour vous.
Dernière édition par ignatius le Sam 18 Déc 2010, 16:57, édité 1 fois | |
| | | ignatius pilier
Nombre de messages : 416 Localisation : Sud est Date d'inscription : 18/12/2010
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Sam 18 Déc 2010, 16:57 | |
| (Ecrit le 25 mars 2009) Conjurons ensemble les imbéciles
Demain, j'irai fleurir la tombe de Kennedy. Ho bien sûr, c'est moins classe que d'aller serrer la main d'Obama -on a tellement de respect pour Obama ici, que j'allais mettre une majuscule au d' de "D'Obama"- c'est moins classe donc, mais que voulez-vous les morts sont plus abordables que les vivants pour les petites gens. Et même chez les petits Présidents Européens, y'en a qui galèrent.
J'irai donc fleurir la tombe de Kennedy. Mais certainement pas celui auquel vous pensez, bande d'ignares sursaturés de télé-réalité visqueuse et de lectures impropres (et pour une fois je ne citerai pas de noms), Fitzgerald Kennedy, le satyre précurseur des Simpsons, est mort un 22 Novembre -ça même un Américain le sait- selon la CIA, la tête explosée par un tir extra-terrestre . Non, le mien -enfin le mien! John Kennedy Tool, lui, à force de désespérer de lui-même d'abord, de l'Amérique ensuite, de sa mère et des éditeurs enfin, décida un 26 mars 1969, il y a tout juste quarante ans, d'inhaler un volume suffisant de gaz carbonique afin que son corps cessât aussitôt de vivre, habitude qui lui était devenue franchement incommodante.
Hélas, oui hélas. ho, je sais je ne tirerai pas de vous le millième de l'océan lacrymal qui s'épendra à la mort de johnny ou de Marc Levy -on peut rêver!- mais pensez un peu ce qu'il serait advenu si Simon And Schuster par exemple avait accepté le manuscrit maudit de "La conjuration des imbéciles". Quand on compare le progrés qui a été accompli depuis la "Bible de Néon", écrit à seize ans s'il vous plaît, on ne peut que subodorer dans un vertige littéraire virtuel ce qu'aurait pu donner une troisième oeuvre.
Mais ce n'est qu'un vertige mental, un fantasme que je mets à votre disposition librement, car Simon and Schuster n'ont pas acheté le roman. Ils le rejetèrent poliment, car certains éditeurs sont polis, arguant de cette critique futée et perspicace, et dans la langue de Shakespeare, comme quoi y'en a qui ont pas honte, en parlant du livre: (it)"is'nt really about anything".
Pour ceux qui parlent anglais comme un ministre français, je traduis: "ce livre ne traite d'aucun sujet précis".
Ôôôôôôôôôô insondable abysse de la stupidité humaine, où sur les parois étanches de son insensibilité abjecte se répercute, inlassable, l'écho de ce jugement inaudible. Oui c'est une oxymore, je vous remercie. Mieux vaut lire ça que d'être sourd, mais quand même.
"isn't really about anything". Ô toi, engeance indécise née de l'union fautive d'un bacille de l'esprit et d'un métazoaire analphabète, toi qui osas porter ton regard péremptoire et chitineux de scarabée coprophile sur l'œuvre admirable d'un authentique génie, je te félicite de cette sentence qui, aujourd'hui encore quand j'y pense, me coupe la chique et le sentiment d'appartenir à la race humaine.
C'est pas parce que t'as rien compris au livre qu'il faut en priver l'humanité, hé, patate!
Bon, pour la postérité, je vais te dire moi de quoi il retourne dans ce bouquin, petit con probablement décédé.
C'est l'histoire d'un monsieur un peu bizarre et très très gros. Il met des casquettes vertes si mes souvenirs sont bons. Ca se passe à l'époque où l'Amérique était l'Amérique, tonitruante de jazz, de paranoïa anti "communis" et de méfiance à peine polie vis-à-vis des nègres. Le monsieur y parle étrangement, avec des phrases ouille ouille ouille qu'elles sont longues, un peu comme moi quand je ne m'adresse pas à un idiot trépassé. Le gros monsieur, qui lutte tout autant contre son estomac, gâce à un anneau pylorique, que contre le monde moderne, en se réfugiant dans des livres d'un autre temps, n'a pas beaucoup d'amis. Il ne trouve ou ne conserve aucun travail à cause de patrons obtus qui ne voient en lui qu'un génie propre à semer le chaos dans l'entreprise. Quant à sa sexualité, un peu de pudeur, nous passerons là-dessus.
Bien voilà pour les bases." Ce livre n'a pas de sujet précis". Un être humain a-t-il un sujet précis? Picasso traite-t-il de cubisme dans ses peintures? De quoi Céline parle-t-il, précisément? Miller? Rabelais? Précisément? encore faut-il un peu de phosphore dans les circonvolutions pour aborder la question. Vous n'en eûtes pas de votre vivant, vous n'en aurez pas plus dans la mort. Je vais donc vous éclairer afin que vous passiez une bonne fois pour toutes dans l'outre-monde.
Ignatius est l'expression emphatique d'une singularité touchante dans l'univers creux, inculte, violent et dégénéré de l'Amérique triomphante. C'est le cri incarné du philosophe: il hurle pour haranguer son monde. Comme un faux-prophète parachuté à la Nouvelle-Orléans, ou sur sa colonne, un anachorète fiché en plein New-York. La "Conjuration" est un pamphlet d'amour sincère, une histoire de tumulte absurde dans le génie de l'existence.
Demain donc, j'irai fleurir la tombe de Kennedy, le vrai, et je lui apporterai ma modeste contribution au monde pour le rendre "plus géométrique, plus théologique et plus convenable", et en son honneur je continuerai à brocarder les demi-mongoliens qui le peuplent. Attention, je n'ai rien contre nos amis mongoliens, ce sont les demi-mongoliens qui sont dangereux.
Et vous, monsieur l'employé de Simon and Machin, régression génétique de l'espèce sapiens, je vous donne rendez-vous dans l'au-delà, où je compte bien vous infliger l'expression de mon fou rire éternel.
******************
Cet article est, avec beaucoup d'autres, consultable sur mon blog, dont l'url est dans ma signature. Merci d'avoir lu.
Dernière édition par ignatius le Sam 18 Déc 2010, 17:40, édité 1 fois | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Sam 18 Déc 2010, 17:16 | |
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beau morceau d'eloquence, je te souhaite d'avoir à prononcer cette harangue, et si c'est pas trop loin de chez moi, j'irai t'écouter avec plaisir !
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| | | ignatius pilier
Nombre de messages : 416 Localisation : Sud est Date d'inscription : 18/12/2010
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Sam 18 Déc 2010, 17:39 | |
| - rotko a écrit:
beau morceau d'eloquence, je te souhaite d'avoir à prononcer cette harangue, et si c'est pas trop loin de chez moi, j'irai t'écouter avec plaisir ! Bah je suis d'Avignon l'ami, où sévit le célèbre festival éponyme. J'envisage d'ailleurs cette année un petit quelque chose sur "Les chants de Maldoror"... | |
| | | Ernst pilier
Nombre de messages : 256 Localisation : Paris Date d'inscription : 06/04/2010
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Dim 19 Déc 2010, 17:57 | |
| - ignatius a écrit:
"isn't really about anything". Ô toi, engeance indécise née de l'union fautive d'un bacille de l'esprit et d'un métazoaire analphabète, toi qui osas porter ton regard péremptoire et chitineux de scarabée coprophile sur l'œuvre admirable d'un authentique génie, je te félicite de cette sentence qui, aujourd'hui encore quand j'y pense, me coupe la chique et le sentiment d'appartenir à la race humaine.
. Ah !! "Les Chants de Maldoror", on y pense aussitôt en lisant ces trois lignes, excellent pastiche (sauf "coupe la chique", un "coq-à-l'âne" burlesque mais pas conforme à la solennelle déclamation de Lautréamont : bien sûr parce que tu voulais cette distanciation). Bravo pour cet article très drôle et remarquablement composé, Ignatius ! J'irai faire un tour sur ton blog dans cinq minutes. Un roman extraordinaire, "La Conjuration...", hélas peut-être en avance sur son temps ? | |
| | | ignatius pilier
Nombre de messages : 416 Localisation : Sud est Date d'inscription : 18/12/2010
| Sujet: Re: John Kennedy Toole Dim 19 Déc 2010, 18:45 | |
| je ne sais que dire, si ce n'est déjà que je lui trouve beaucoup d'imperfections à cet article, dans la mesure et la construction des phrases, je serais plus exigeant aujourd'hui si je devais le reécrire, peut-être l'expurgerais je de quelques maladresses stylistiques; cela dit, sincèrement: merci.
En avance sur son temps la "Conjuration"? Je ne sais pas si c'est ce qui coûta la vie à son auteur... Tu sais bien que la publication est une alchimie qui se joue à rien: Egolf jouait de la gratte sur le pont des Arts à Paris et la fille Gallimard passait par là, elle s'est arrêtée pour parler à ce clodo... | |
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| | | | John Kennedy Toole | |
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