L’amantUn livre d’une force émotionnelle et d’une grande intelligence, qui évoque les rapports entre les Juifs et les Arabes dans l’Israël des années 70.
Un couple et leur fille. Juifs.
La jeune fille est rebelle, insomniaque et tourmentée. La mère est professeur, ne jure que par ses livres, qui l’aident à survivre à la mort accidentelle de son premier enfant : un garçon de 5 ans.
Le père possède un garage. Il exerce un métier manuel mais rentable.
Un couple donc curieux, comme déséquilibré dans ses aspirations divergentes. Mais congelé dans sa commune douleur de deuil.
Il n’y a plus de désir. De la tendresse encore et comme de l’apathie.
Jusqu’au jour où arrive au garage du père un homme. Dans une vieille voiture. Il est étrange, son discours même est incohérent. Il vient de Paris, attend l’héritage de sa grand-mère moribonde… Il tombe même d’inanition.
Bref, le garagiste, ému, l’emmène chez lui. On lui propose de travailler, d’aider la mère dans ses recherches. Il deviendra, fatalement, son amant.
Puis cet homme disparaît. C’est la guerre du Kippour. Il a été mobilisé, avec la plus grande hostilité d’ailleurs car l’armée lui reproche d’avoir vécu loin d’Israël. Il est un traître qui a abandonné sa sainte patrie !
A partir de là, le garagiste entame une recherche désespérée pour retrouver…l’amant de sa femme.
Il sillonne le pays avec sa dépanneuse pour retrouver sa trace. Intuitivement, il ne croit pas à sa mort.
Il se lie d’amitié avec un petit Arabe, employé dans son garage. Qui l’aide. Et tombe amoureux de sa fille, la rebelle.
L’occasion pour l’auteur de démonter les rouages d’une haine basée sur des différences culturelles, sociales, etc…
Les Juifs sont citadins et riches. Les Arabes vivent dans leur bled et travaillent au service des riches. Je ne sais pas si cette réalité économique est encore valable aujourd’hui mais elle exacerbe la hargne entre ces deux cultures qui revendiquent le même morceau de terre.
Yehoshua est très nuancé dans ses portraits. Chacun évolue. Non, les Arabes ne sont pas tous des terroristes, non les Juifs ne sont pas tous cupides, mais un peu quand même. Il se permet d’ironiser sur son peuple, trop âpre au gain selon lui. Radical aussi.
Mais il rectifie. Car l’amant a pu fuir l’enfer de la guerre grâce…à des rabbins ! L’autre versant de la judéité. Pacifiques, tranquilles et fatalistes : «
aucun homme n’est libre ».
«
Jamais »
Le récit est pourtant imbibé d’amour. Amour qui transcende les préjugés. Il y a le professeur et « l’amant ». La jeune fille et l’Arabe, qui déflorent le mystère d’une première union…
C’est très touchant. Sans doute réaliste. La souffrance est partout. Une minorité fait la guerre, une majorité la subit.
Ce livre a été écrit en 1977.
En 2011, rien n’a bougé.