Juliette Benzoni

En juillet, j'ai lu le premier tome de son diptyque Le Bal des poignards, intitulé La Dague au lys rouge.

Quatrième de couverture
Orpheline élevée au couvent, Lorenza Davanzati est l'héritière d'une grande fortune et filleule de la reine de France, Marie de Médicis. Son destin bascule lorsque son charmant fiancé, Vittorio Strozzi, est assassiné la veille du mariage au moyen d'une dague accompagnée d'un billet : quiconque prétendra épouser la jeune fille mourra de la même façon...
Lorsque la reine de France est menacée d'être répudiée par Henri IV, elle demande à Lorenza de séduire Antoine, le fils d'un fidèle conseiller du roi, pour gagner ses faveurs. Hélas, il la repousse. Elle va donc épouser le père...
Les passions, les intrigues et les meurtres vont alors se déchaîner.

Mon avis
Dès que j'ai vu ce roman en librairie, il m'a beaucoup attirée. Je n'ai pas été déçue ! Et au diable, ceux qui me disent que ce n'est pas de la grande littérature ; je m'en fous. C'est un roman passionnant qui possède d'emblée un triple avantage. En effet, il peut intéresser aussi bien les mordus de romans historiques que les adeptes de romans d'amour et les accros de romans policiers. Le cocktail est parfaitement réussi, d'autant qu'il est extrêmement vivant et bien écrit. Tout respire la subtilité, notamment la peinture des personnages : une véritable fresque ! D'ailleurs, êtes-vous plutôt Antoine ou Thomas ? Pour ma part, je vote Thomas, et donc le lion plutôt que le loup. Sur ce, je souhaite une excellente lecture à ceux qui tenteront l'aventure... mais attention ! prévoyez le tome 2 ! car la fin du tome 1 laisse le lecteur en haleine...

Extrait
La journée était froide et grise. Le temps, hier encore clément, avait changé pendant la nuit. Au vent violent qui s'était soudain levé avait succédé une pluie fine et pénétrante qui détrempa tout autant et mieux qu'un gros orage parce qu'elle s'installa. Gris et bas, le ciel avait l'air de pleurer et Lorenza n'était pas loin d'en faire autant lorsque l'on atteignit la capitale du royaume de France.
Enfermée dans sa noire ceinture de murailles médiévales qui portaient encore les traces du dernier siège - celui que son maître actuel avait dû lui imposer pour la conquérir -, Paris ressemblait à une grosse femme étouffant dans son corset trop serré et sur le point d'exploser : des fumées lui sortaient par les naseaux et aussi une rumeur faite de tant de bruits divers qu'il était difficile d'un distinguer un seul... Tout autour, des collines étaient piquées de moulins, de bois, de vignes, de villages et, à leur pied, les faubourgs étaient comme un trop-plein débordant.

Cette personnification de Paris en femme ne vous rappelle personne ?

Kervinia a écrit:

Cette personnification de Paris en femme ne vous rappelle personne ?

euh ? dans un roman ? à part Zola et Hugo, je ne vois pas trop.

Benzoni, ce n'est pas trop sentimental ? c'est l'image non fondée que j'aurais d'elle.

Moi aussi, j'ai tendance à fuir.
Mais s'il y a de quoi apprendre, ça le fait !

C'est Balzac qui personnifie souvent Paris en femme. Mais bon, on s'en fout, je disais ça comme ça, sur un coup de tête.

Le tome 1 est un peu sentimental, mais ça va, sinon j'aurais fui moi aussi.
Le tome 2, dont il faudra que je parle aussi, est moins sentimental.
Je dirais que l'intérêt réside avant tout, pour moi, dans l'énigme qui unit les deux romans (à savoir : "Qui s'acharne ainsi à vouloir tuer les fiancés de Lorenza ?") et dans la dimension historique.

Bon, je pense que je vais poster dès à présent sur le tome 2, comme ça, je serai plus claire. ^^

Kervinia a écrit:

C'est Balzac qui personnifie souvent Paris en femme. Mais bon, on s'en fout, je disais ça comme ça, sur un coup de tête.

pendant que tu y es, si tu peux donner les références, je suis preneur

Donc voilà, j'ai lu le deuxième tome il y a peu.

Quatrième de couverture
Attention ! elle spoile ! donc ne la lisez que si ça ne vous fait rien d'être spoilé.

Spoiler:

Mon avis
J'avais dévoré le premier volet de ce diptyque... et j'ai dévoré le second ! Cette suite n'a vraiment pas déçu mes attentes. Juliette Benzoni nous perd dans un labyrinthe de questions et d'incertitudes pour mieux nous ravir. Elle peint ses personnages avec beaucoup d'art et de subtilité, notamment, et cela me frappe, les personnages historiques. Car c'est un exercice extrêmement difficile que de mettre en scène des personnages ayant réellement existé, et qui, pour beaucoup, sont extrêmement connus : Henri IV, Marie de Médicis, Richelieu,... J'ai par ailleurs beaucoup aimé voir représenter les Concini. Je m'explique. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais j'ai lu Les Histoires tragiques de François de Rosset cette année, et l'une de ces histoires évoque la montée et la chute de ces deux personnages. Je n'en avais alors jamais entendu parler, et ça avait piqué ma curiosité. Or, ils ont une place de choix dans ce diptyque, ce qui n'était pas pour me déplaire. Dans le premier tome, ils sont dans une situation assez compliquée : ce sont les favoris de la reine, mais qui est menacée de répudiation. Puis peu à peu, et d'une telle façon que cela influe sur l'intrigue (ce n'est pas simplement un arrière-plan qui vise à faire preuve d'érudition, quoi), on les voit monter vers le sommet... jusqu'à leur chute fracassante. Renversement de fortune qui témoigne, en fait, de la chronologie du diptyque : il commence sur la fin du règne de Henri IV, se poursuit avec la régence de Marie de Médicis (qui s'en prend plein la figure, je dois dire ; ce n'est pas comme chez l'aimable Rosset ) et s'achève sur l'avènement d'un nouveau roi : Louis XIII.

rotko a écrit:

Kervinia a écrit:

C'est Balzac qui personnifie souvent Paris en femme. Mais bon, on s'en fout, je disais ça comme ça, sur un coup de tête.

pendant que tu y es, si tu peux donner les références, je suis preneur

Je n'ai pas toutes les références en tête, mais la première qui me vient à l'esprit est la fin du Père Goriot :

Citation :

Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses: "A nous deux maintenant!"

Pour les deux "dômes", c'est un peu tordu, mais on peut y voir les deux seins de Paris. xD

moi j'y voyais surtout un serpent, : pénétrer ne me fait pas uniquement penser à une femme (mais à des palais ou au paradis )

Un serpent, pourquoi pas ^^ rien n'interdit cette interprétation. Je dois être une perverse. xD Après, je sais que d'autres sont d'accord, donc au pire, ouf, je ne suis pas la seule perverse. Rastignac apparaît ici, pour moi, comme un homme conquérant (la volonté de conquête se traduisant par tout un champ lexical de la vue), et ce qu'il souhaite conquérir, c'est une femme, qui a tout d'une courtisane. La "pénétration" serait pour moi une métaphore sexuelle. En fait, j'ai vraiment le sentiment que la conquête de Paris et la conquête des femmes sont si intimement liées qu'elles en viennent à se confondre.

Je crois que dans l'incipit de Ferragus, Balzac compare aussi Paris, et explicitement cette fois, à une "jolie femme" et à "une courtisane".

des pistes interessantes dans ce que tu dis.

oui les portraits de Paris dans 'l'histoire des treize, les rues, les cercles de l'enfer, les étages humains avec les cerveaux dans les combles, des pages inoubliables.