Charles Juliet

La nuit

invisibles les chaînes et les murs
qu'il faudra pourtant briser et abattre

si loin est la vie

interminable ce tempsd'exil
dans la morsure de l'arrachement

sanssavoir sans but
tu t'es mis en chemin

les terresdésertiques
de l'ennui la peur
la fatigue le dégoût

des milliersde fois
tu t'égares t'effondres
renonces repars abandonnes

si loin est la vie

comment l'atteindre
comment s'y prendre

par où passer pour rejoindre
ce qui pourra t'assouvir

des milliersde fois

mais un jour s'ouvre
le vrai chemin
le jour où ton regard s'inverse
se résout à fouiller
la nuit dont il naît

tu endures les souffrances sans nom
de l'oeil qui taille en lui-même

de l'oeil qui fore
tranche abat dissout

si loin est la vie

tu te dérobes renonces repars

des millierse fois

blessures détresse épuisement

mais si violente est la soif
alors tu continues
par refusd'admettre
que tu t'es fourvoyé

puisdes terres moins arides

tu soupçonnes enfin
que seule la connaissance
peut établir cet ordre
faire jaillir cette lumière
dont tu as un vital besoin

sansque tu l'aies remarqué
la ténèbre a fait place au jour

un jour pâle gris inerte

mais la peur est tombée
les doutes ont lâché prise
et des forces te viennent
une confiance quelque chose
qui ressemble à de la joie

désormais tu marchesd'un pas ferme

immense est la distance
qu'il te reste à franchir
mais la certitude te saisit
que rien ne pourra plus t'égarer

tu sais maintenant que le chemin
conduit à la source

(L'autre chemin)

Très dur mais pourtant porteur d'espoir...
Pour mieux comprendre, lisez les commentaires de coline sur la prose de Charles Juliet.

Merci du coup de main Seugh...

blessures erreurs
fourvoiements
décombres

et quelle direction
prendre
quand ce qu'il vous faut
vivre
va au rebours
de ce qui
jusqu'alors
avait guidé
vos pas

(L'autre chemin)

jours vides
interminables
écrasés d'ennui

rien ne se propose
de ce qui pourrait
m'apporter
ce dont l'attente
me consume

une région de ténèbres
où tout m'est retiré
de ce qui habituellement
me fait vivre

certes le temps va
mais si lentement
si lentement
et chaque seconde
ronge lancine accable

ce qui me fait
défaut
je l'ignore

je ne le connais
que par ce besoin
que j'en ai
un âpre désir
une torturante
nostalgie

alors
replié dans mes limbes
sourd et aveugle
à ce qui me hèle
voué souvent
à des heures
lasses et cendreuses
j'attends

j'attends
que sourde
la lumière

que meure
le temps

que jaillisse l'eau
dont j'ai soif

(L'autre chemin)

Très intéressant: la postface de l'auteur.

"Quelques vingt ans ont passé depuis que j'ai écrit ces poèmes et, au coursde ces années, j'ai beaucoup évolué. Auparavant, je ne concevais l'aventure intérieure qu'en termesde combat, étant admis que l'une des deux forces en conflit devait tendre à annihiler l'autre. Je pense maintenant tout autrement. Avec un retard que je déplore, j'ai fini par comprendre que l'instance qui nous pousse à rechercher le plus vaste et le plus intense doit non pas etouffer ce qu'on peut appeler notre part terrestre, mais se la concilier, tenter de vivre avec elle en bonne intelligence. Ce n'est qu'en accordant les uns aux autres ces besoins contradictoires qu'un être a chance de trouver son juste équilibre."
(Janvier 1998)

romps tes liens
m'ordonnait-elle
prends la route
prends la route

j'ai pris la route
me suis laissé conduire
de rencontres en rencontres
là où me poussait
ma faim

et pour vivre plus
j'ai trahi
ce qui donnait sens
à ma vie

jamais la voie
n'est droite

et toujours
ce vers quoi l'on marche
se situe au-delà
de ce qui fut atteint

Certains poètes sont difficiles à mettre dans un forum parce que leurs poèmes sont trop longs : Saint John Perse par exemple ou Charles Juliet.

On doit alors citer un extrait, ce que je vais faire avec le recueil "A voix basse" de charles Juliet chez POL

Suivent deux pages d'enumération de visages, je donne seulement le début :

j'en isole quelques uns :