Balzac IV, l'Auberge Rouge et autres.

nicyrle a écrit:

l’auteur narquois, je veux parler de « L’honnête homme, cet espèce de puritain [anglais] » à qui revient le mot de la fin : « Imbécile, pourquoi lui as-tu demandé s’il était de Beauvais ! »

Entièrement d'accord avec toi, et cette "remarque narquoise" que je signalais comme une "vision sarcastique" (on est bien dans le ton) est la réponse réelle au cas de conscience (et non "les boules rouges et blanches").
Balzac aime bien ces remarques finales, en apparence banales, qui terminent ses textes cf.

Citation :

« elle est morte de la poitrine ».

dans la fille aux yeux d'or.

Madame Firmiani

Une superbe introduction, un vrai plaisir à lire ces lignes, ce langage si cher aux écrivains classiques, la vraie langue Française qui a séduit les lecteurs du monde entier.
Ce conte est une histoire très petite, pas de pathos, de scènes troublantes dont le charme consiste dans la manière de Balzac de tisser la trame. Les différents regards sur une même femme Madame de Firmiani, d’après nombreux personnages, hommes ou femmes, selon leur point de vue positif ou négatif.

« Les gens du monde, les gens de lettres, les honnêtes gens,
et les gens de tout genre répandaient, au mois de janvier 1824,
tant d’opinions différentes sur madame Firmiani qu’il serait
fastidieux de les consigner toutes ici. Nous avons seulement
voulu constater qu’un homme intéressé à la connaître, sans vouloir
ou pouvoir aller chez elle, aurait eu raison de la croire également
veuve ou mariée, sotte ou spirituelle, vertueuse ou sans
moeurs, riche ou pauvre, sensible ou sans âme, belle ou laide ; il
y avait enfin autant de madame Firmiani que de classes dans la
société »

à suivre

suite
Beaucoup de commérages circulaient sur son compte, on disait qu’elle avait ruiné un jeune amoureux, qui était le neveu et seul héritier de Monsieur de Bourbonne, de Touraine. Lui qui plantait des peupliers pour son cher neveu ! un soir lors d’un copieux dîner, un envieux cousin vient lui apprendre, qu’une femme, madame Firmiani, est la cause du malheur d’Octave de Camps, le neveu. Pour survivre ce dernier donne des cours de mathématiques et habite dans une chaumière.

Ici on va trouver un peu de l’humour Balzacien. Une telle nouvelle peut coûter la vie à quelqu’un de plus faible que Monsieur de Bourbonne.

Citation :

« Certains coups portent sur le coeur, d’autres
sur la tête ; le coup porté par l’arrière-cousin tomba sur les entrailles et produisit peu d’effet, parce que le bonhomme avait un excellent estomac. »

Sous un faux nom il va se présenter au salon de Madame Firmiani en ancien gentilhomme, courtois, qui ne manquait de bonnes manières,et savait tenir sa place où il devait.

Lui aussi tomba sous le charme de la maîtresse de son neveu, qui ce soir était de toute beauté et féminité.

Citation :

Comme les descriptions de Balzac sont hautes en couleurs et inoubliables.

Madame de Firmiani subira des reproches de l’oncle, et pourtant elle est innocente et aime Octave d’un amour réciproque, qui après des événements que je ne dévoilerai pas va se terminer par une fin heureuse.
Ce qui suscite l’intérêt du conte, c’est la vie et les mœurs de l’époque, les salons fréquentés par toute sorte de gens, que Balzac énumère « les Pontifs, les Flâneurs, les Personnels, le Fat, l’Amateur de tableaux, l’Original, les Ducs, les femmes envieuses, et d’autres encore, même des fripons s’ils sont de Qualité.
Je trouve que Balzac fait une critique à peine voilée de cette société qu’il a dévisagée avec un certain mépris.

Parfait, Amadak. Tu as bien su montrer l'humour de Balzac, pas plus tendre pour ses personnages que pour ses contemporains.

Albert Béguin, un critique littéraire moins bienveillant que notre amie Amadak, n’est pas tendre pour cette oeuvre dans sa préface de Madame Firmiani, mais le lecteur de Balzac suit son auteur, pour le meilleur et pour le pire.

A vrai dire, ce n’est pas si mauvais, mais c’est « convenable » au sens d‘ « édifiant » , et bien ressemblant à Balzac !

En effet 4 points :

- L’auteur aborde, comme souvent, son personnage (Madame de Firmiani) de l’ extérieur, mais en disciple de Geoffroy Saint-Hilaire et de Cuvier, ie en adepte de la classification des espèces, ici humaines, il la montre par les yeux et la voix d’un Flâneur, d’un Positif etc, ce qui sert moins à la peinture du modèle qu’à la caricature du regardeur. Ensuite on aura la vraie nature du personnage.

- Le jeune protagoniste de l’histoire a un oncle bienveillant comme dans le Contrat de mariage, et ce dernier mène l’enquête sur les affaires financières de son neveu, devenu bien pauvre.

- La problématique de Madame Firmiani répond directement à la question posée dans l’Auberge Rouge : « peut-on jouir d’une fortune dont on sait qu’elle est mal acquise ? »

- Enfin, comme dans le contrat de mariage, le fin mot de l’histoire sera donné par une lettre, procédé qu’aime bien Balzac, mais que ses lecteurs ont tendance à bouder.

Je pense que c'est souvent le regard de l'autre qui marque une personne, sans la connaître en profondeur. L'admiration, la jalousie, les idée politiques différentes jouent aussi un rôle. On peut aimer ou détester une personne pour maintes raisons, justes ou pas.
C'est vrai que dans cette nouvelle il y a aussi un problème de conscience qui ronge l'âme de l'amoureux, comme dans lÂuberge rouge" et je n'avais pas fait attention à
l'importance de la lettre qui achève l'histoire.
J'aime Balzac et tout ce qui vient de sa plume, me semble ravissant.
je serais une mauvaise critique littéraire, puisque je ne vois pas les défauts chez les auteurs que j'aime.

je suis assez d'accord avec toi. Quand on connaît bien un auteur comme Balzac, on le reconnaît jusque dans ses travers : des théories cocasses sur l'apparence exterieure qui révèle la personnalité profonde, ou bien ses développements sur la forme du crâne indiquant des capacités specifiques :

il ne nous reste pas grand chose des considérations phrénologiques de l'époque, sauf quelques expressions comme "la bosse des mathématiques". On voit dans certains romans des individus (ou même Balzac) tâtant le crâne d'autrui ou mesurant l'angle facial (du nez au front etc..)

Balzac est capable de déduire des "pattes d'oie" (les rides qui partent en éventail du coin des yeux ) de quelqu'un, sa vie amoureuse ou son goût des plaisirs.

Autant il peut être rigoureux dans certaines constructions de romans, autant parfois dans d'autres oeuvres il nous sert un bric à brac de théories ou faits bizarres qu'il déclare indispensables "à la bonne compréhension de l'histoire qu'il va suivre".

On en parle librement ici, mais ses portraits de "crétins discoureurs"sont très amusants, comme tu l'as remarqué. Au début de Madame Firmiani, on a l'impression de parcourir un zoo humain où chaque cage renferme un specimen cocasse (et pourtant reconnaissable !).

Balzac n'avait pas prévu la chirurgie esthétique avec laquelle on peut effacer les "pattes- d'oie",alors s'il vivait à notre époque ses observations auront été fausses.
mais comme minutieux observateur, il peut consacrer une page entière sur la description d'un habit, couleur, tissu, boutons etc.. et ensuite le personnage qui le porte.C'est son style.

Contrairement à ce que laisse entendre le titre, l’élixir de longue vie est une nouvelle macabre, effrayante. Elle débute sur une orgie, interrompue lorsque Dieu, déguisé en vieillard aux cheveux blancs, vient chercher Don Juan pour le mener près du cadavre de son père.

Spectacle !

« Les trait étaient décomposés, la peau collée fermement sur les os avec des teintes verdâtres que la blancheur de l’oreiller, sur lequel le vieillard reposait, rendait encore plus horribles ; contractées par la douleur, la bouche ouverte et dénuée de dents laissait passer quelques soupirs dont l’énergie lugubre était soutenue par les hurlements de la tempête […]

les yeux, creusés par la maladie gardait une fixité singulière. Il semblait que Bartolomeo cherchât à tuer par son regard de mourant, un ennemi assis au pied de son lit. Ce regard, fixe et froid, était d’autant plus effrayant que la tête restait dans une immobilité semblable à celle des crânes posés sur une table chez les médecins. »

Ont lieu alors des confidences post mortem et des pratiques qu’on verrait bien chez Bunuel avec los olvidados , notamment dans la scène de l’œil !

On retrouvera cette même scène de confrontation entre un fils et son père moribond à la fin de la nouvelle, mais dans une église : les hymnes à la gloire de Dieu se heurtent à des rires démoniaques et sarcastiques, dans une ambiance d’horreur sacrilège !!

Un petit extrait de l’élixir de longue vie (1)

- Te deum laudamus ! disait l’assemblée.

- Allez à tous les diables, bêtes brutes que vous êtes ! Dieu, Dieu ! Carajos demonios, animaux, êtes-vous stupides avec votre Dieu vieillard !

Et un torrent d’imprécations se déroula comme un ruisseau de laves brûlantes par une irruption du Vésuve […]

Au moment où l’abbé prosterné devant l’autel, chantait :

- Sancte Johannes, ora pro nobis !

Il entendit assez distinctement

- O coglione.

(1) l'élixir est dans une fiole qu'il faut secouer avant l'emploi. Il secoue aussi le lecteur

rotko a écrit:

je suis assez d'accord avec toi. Quand on connaît bien un auteur comme Balzac, on le reconnaît jusque dans ses travers : des théories cocasses sur l'apparence extérieure qui révèle la personnalité profonde, ou bien ses développements sur la forme du crâne indiquant des capacités spécifiques :

il ne nous reste pas grand chose des considérations phrénologiques de l'époque, sauf quelques expressions comme "la bosse des mathématiques". On voit dans certains romans des individus (ou même Balzac) tâtant le crâne d'autrui ou mesurant l'angle facial (du nez au front etc..)

Balzac est capable de déduire des "pattes d'oie" (les rides qui partent en éventail du coin des yeux ) de quelqu'un, sa vie amoureuse ou son goût des plaisirs.

Autant il peut être rigoureux dans certaines constructions de romans, autant parfois dans d'autres œuvres il nous sert un bric à brac de théories ou faits bizarres qu'il déclare indispensables "à la bonne compréhension de l'histoire qu'il va suivre".

La phrénologie et la physiognomonie ont eu une influence très grande au XIXe s., et notamment chez Balzac, qui voulait faire de son œuvre un essai quasi scientifique sur l'homme et la société. Sa dédicace du Père Goriot à Geoffroy Saint-Hilaire symbolise cette volonté. GSH était en effet naturaliste, spécialiste de l'influence des milieux sur les espèces animales. L'homme devient ainsi un reflet de son milieu, et le physique un reflet de la personnalité. Il faudra attendre l'époque de Flaubert pour détruire ce pseudo-savoir scientifique (auquel on peut ajouter, par exemple, le magnétisme dans la conception de Mesmer), comme on le voit dans Bouvard et Pécuchet.

Il faut aussi ajouter que Balzac était très intéressé par les sciences occultes, le mysticisme... Il est l'un des auteurs à être le plus influencé par Swedenborg, philosophe mystique suédois (cf. Louis Lambert). Balzac est une mine d'or pour qui s'intéresse à l'histoire des idées et des mœurs dans la première moitié du XIXe s.

j'adore vous lire sur ces sujets , j'apprends plein de choses

mise en route de La peau de chagrin de Honoré de Balzac, dernier texte du tome 4 de l'intégrale...

La Peau de chagrin est un roman d’Honoré de Balzac publié en 1831 par Gosselin et Canel dans les Romans et contes philosophiques, puis aux éditions Werdet en 1834 dans les Études philosophiques. Une édition illustrée de 1837 chez Delloye et Lecou fait appel, avant Furne, à 124 artistes. L’édition Furne de 1845 place la Peau de chagrin en tête des Études philosophiques.
Le texte a connu diverses pré-publications dans les journaux de l’époque sous forme d’extraits dans la Revue des Deux Mondes en mai 1831, sous le titre Une débauche publié un mois plus tard dans le Cabinet de lecture et le Voleur. La Revue de Paris publie à son tour une version du texte sous le titre le Suicide d’un poète.
Ces pré-publications provoquèrent un engouement tel que l'ouvrage fut rapidement épuisé peu après sa publication définitive, bien que Balzac délivrât son manuscrit avec cinq mois de retard.
Ne voir que du réalisme dans ce texte pourrait être un contresens si l'on en croit les balzaciens français :
« Dans Les Martyrs ignorés Balzac semble, par la maladie de poitrine, (déjà évoquée dans Le Lys dans la vallée à propos du fils de Madame de Mortsauf, avoir voulu réduire le destin fantastique du personnage de Raphaël à une simple mort par tuberculose, comme il le faisait déjà partiellement dans La Peau de chagrin. Pour faire rentrer Raphaël dans la Comédie humaine, sans doute faillait-il rendre le personnage à un monde plus réaliste. Balzac n'y est jamais parvenu(...). S'obstiner à ne voir en Balzac qu'un auteur réaliste et s'indigner du fantastique dans ce roman serait faire une grave erreur de perspective historique et témoignerait d'une vision (heureusement de moins en moins partagée) myope et positiviste de l'ensemble de la production balzacienne. »
Cette œuvre peut être considérée comme le premier vrai roman de Balzac.
Le thème central de ce roman est le conflit entre désir et longévité. La peau de chagrin magique représente la force vitale de son propriétaire, et se racornit à chaque satisfaction de son désir d'autant plus s'il vise à l'accroissement de puissance. Faisant fi de la mise en garde de l'antiquaire qui lui offre cette peau, le héros s'entoure de richesses pour se retrouver misérable et décrépit à la fin du roman.
L'expression « peau de chagrin » est entrée dans le langage commun pour désigner tout ce qui se réduit invinciblement à l'usage. - wikipédia


en août, j'ouvre le tome 3... :

El verdugo, la paix des ménages, la maison du chat qui pelote, le bal de Sceaux, un épisode sous la terreur, la vendetta, une double famille, étude de femme, adieu, l'elixir de longue vie, sarrazine, une passion dans le désert.

L'Élixir de longue vie est un conte fantastique d’Honoré de Balzac. Cette version du mythe de Don Juan, parut en pré-publication dans la Revue de Paris, en 1830, sous le titre de Festin1 et Fin, puis en 1846 dans l’édition Furne. Elle figure dans les Études philosophiques.
Un des premiers textes signés du nom de l’auteur : Honoré de Balzac, cette version du mythe de Don Juan est parmi les moins connues du grand public comme le regrette Bernard Guyon2. Le texte semble artificiellement rattaché aux Études philosophiques par un « avis au lecteur » un peu plaqué3. On y voit très nettement l'influence d’Ernst Theodor Amadeus Hoffmann et de ses Élixirs du diable que Balzac a certainement lus.-wikipédia