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| | Marcel Martinet | |
| | Auteur | Message |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Marcel Martinet Sam 19 Fév 2011, 16:15 | |
| Non seulement Gérard Pierron est l'interprète des chansons de Gaston Couté, mais cet homme chaleureux, veritable anthologie vivante de la poésie populaire, généreuse et contestataire, ouvre les yeux sur des ecrivains méconnus, pacifistes et anarchistes, aux véritables accents d'humanité. Civils
À vous encore, ennemis de demain, Vrais ennemis d’hier, d’aujourd’hui, de toujours, Vous qui luttez si bien, la plume en main, Héros cachés, cachés derrière ceux qui meurent, Derrière ceux que vous jetez à la mort, vous,
À vous des journaux, Des boutiques de honte où tout se maquignonne, Des salles de rédaction sordides Où les ricanements blasphèment Toute beauté et tout honneur Pendant que la plume expédie Les grands mots, les mots doctes, les nobles mots, les mots sonores,
À vous des harangues publiques Et des racontars imbéciles Dans les salons, chez les bistrots,
Jeunes gens débiles, jeunes gens habiles, Les hommes mûrs avec leurs maux d’estomac (Ça n’est que ça qui les retient de partir) Et les bons vieux, les bons vieux gâteux et féroces Réclamant un petit ruisseau de sang supplémentaire Et y barbotant de leur mieux Pour réchauffer leurs rhumatismes,
À vous les gens d’église, De toutes les églises, Temples et synagogues, Trempant vos crucifix, Vos talmuds et vos bibles Dans les plaies de vos frères,
À vous les tribuns, les prophètes, Les penseurs et meneurs du peuple, À vous tous les vendeurs du temple,
À vous tous, mesurant à votre taille La loyauté et la pudeur, À vous qui avez cru pouvoir à votre aise Et sans risque mentir, trahir,
À vous, fiers de nous rentrer dans la gorge Avec vos poings gantés de fer Nos cris de rage et de douleur, À vous qui vous distribuez des éloges,
À vous qui pensez maintenir notre âme Écrasée sous votre talon Et qui n’entendez pas les râles Mordre déjà vos pas félons,
À vous qui riez. Nous sommes drôles, Nous les naïfs, nous les bernés, Nous qui parlons de « boucherie », De « carnage », d’« horreur de la guerre », Nous sommes drôles. Et ces jocrisses couverts de sang, Avec un petit sourire supérieur Et un petit haussement d’épaules, Nous guillemetant ces mots-là, Minaudent : — Bon ! Évidemment… Vocabulaire humanitaire… Phraséologie… Bah ! des mots…
À vous les gens aux forts sarcasmes : Horreurs de la guerre — des mots, des bêlements… Autour de ces civils au cœur solide, Autour de leur table à écrire, Autour de leur table à manger, Approchez avec vos mains tendues, Soldats aux yeux brûlés, aux yeux crevés, Approchez, les hommes au nez arraché, aux plaies purulentes, Les monstres sans lèvres, sans mâchoires, Dont le visage est une plaie dégoûtante, Et vous avançant et vous pressant tout autour, Regardez-les avec vos trous affreux, Ces gens qui se défient d’une pitié facile. - Spoiler:
Boucherie — Carnage. — Quelle emphase ! Avec les culs-de-jatte et les manchots, Avec ceux aux reins troués, pliés en deux, Avec ceux que l’horreur a rendus fous, Avec les fantômes des enterrés vivants, Avec les spectres épouvantés des blessés sans armes Qui furent achevés par des ivrognes dociles, Entourez ces civils au cœur viril, Veuves dans vos voiles de crêpe, Vieux parents qui n’avez plus de larmes à vos yeux rougis, Petits enfants orphelins et orphelines Sérieux dans vos vêtements noirs, Entourez-les bien, ces guerriers intrépides, Ces sages qui disent que ça n’est pas la question, Veuves des pauvres, exploitées plus durement, Orphelins des pauvres, qui grelottez dans vos haillons minces, Vieilles mamans des pauvres, chassées des logis impayés.
Entourez-les, pressez-vous tous autour d’eux. Armée des morts, des larves, de tous les vaincus, Armée de toutes les victimes, Armée innombrable, armée invincible, Tout contre les tables où ils claironnent leurs chants de guerre Pressez-vous, amoncelez-vous, penchez-vous sur eux, Regardez-les dans leurs bons yeux satisfaits Avec tous vos yeux de misère et d’angoisse, Avec ces yeux-là, avec ces plaies-là, Regardez-les bien, ces civils qui tiennent, Ces réalistes, ces civils qui ne se paient pas de mots, Ô victimes innocentes, ô victimes coupables, Mais vous tous, ô fantômes, témoins irrécusables, Dressez-vous donc devant ces hommes Qui ont renié leur âme Et renfoncez-leur donc leurs cris sauvages dans la gorge, Dans leurs gorges de lâches. | |
| | | Natalia pilier
Nombre de messages : 9409 Age : 58 Localisation : Nantes Date d'inscription : 10/01/2011
| Sujet: Re: Marcel Martinet Sam 19 Fév 2011, 21:53 | |
| c'est dans quel recueil ? Les temps maudits ? | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Marcel Martinet Dim 20 Fév 2011, 08:02 | |
| Marcel Martinet, Les Temps maudits, Genève, Éditions Demain, 1917. Existe aussi la publication de 1975 dans la collection 10/18. Les éditions Agone ont publié en 2003 Les Temps maudits, Culture prolétarienneMédailles
Infirmes, Avec sur vos poitrines des rubans et des croix, Vous êtes des héros, aujourd’hui.
Infirmes, Avec sur vos poitrines vos rubans et vos croix, Demain, chez vos patrons, Vous serez des ouvriers plus malhabiles, Plus mal payés, Vos petits auront faim.
Et si demain, même demain, Nous vous disons Que votre sang vous l’avez versé Pour que vos maîtres soient plus durement vos maîtres, Vous lèverez contre nous vos moignons, Vos béquilles de gloire et de douleur, Infirmes, avec vos rubans et vos croix, Qui n’accepterez pas d’avoir pour rien souffert. | |
| | | Natalia pilier
Nombre de messages : 9409 Age : 58 Localisation : Nantes Date d'inscription : 10/01/2011
| Sujet: Re: Marcel Martinet Dim 20 Fév 2011, 09:57 | |
| Les temps maudits fera forcément partie de ma bibliothèque un jour ou l'autre. J'aime qu'Agone publie autant de textes issus de la littérature prolétarienne ...en plus la jaquette Des temps maudits est superbe, vous ne trouvez pas ? Quelle écriture que celle de Marcel Martinet. Il faut que ces voix se fassent entendre à travers les époques. Rotko tu devrais apprécier Harry Martinson Ici avec La société des vagabonds | |
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| Sujet: Re: Marcel Martinet | |
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| | | | Marcel Martinet | |
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