Michel Tremblay (Quebec)

Michel Tremblay, Hotel Bristol New York,N.Y. Lemeac/Actes Sud.

Un appel au secours.

De New York où il s'est réfugié, le protagoniste écrit à un ami, par ailleurs psychanalyste, un courrier pour lui confier son problème. Une image furtive dans une vitrine lui a révélé qu'il ressemble à son frère, ce qu'il refuse et lui procure un mal-être généralisé. Après quelques digressions, il remonte à la source de son expérience de la "nausée".

Ce récit court, - 100 pages, bien mené, touchant dans sa sincérité apparente, - on ne peut être insensible à la souffrance d'un homme, discrètement évoquée, est aussi, mais pas seulement, celui d'une génération désenchantée :

Citation :

"Nous voulions tout bouleverser, nous voulions un pays, nous voulions la reconnaissance du monde entier, sa reconnaissance officielle, et nous n'avons trouvé que désillusion, amertume et cynisme. Le cynisme est l'apanage des ratés. Ai-je besoin d'en ajouter plus ?"

Lecture facile où des expressions québecoises relativement nombreuses, mais claires dans le contexte, donnent une allure spontanée à une parole qui se libère.

Michel Tremblay, Des nouvelles d'Edouard, Bibliothèque Québecoise.

Un belle variété de tons.

1er mouvement : le monde de la nuit, au Coconut Inn (!), avec ses travestis, ses artifices, sa gouaille. Surprenant, voire irritant pour le lecteur bien étranger à ce milieu.

Mais j'ai été conquis par le deuxième mouvement : la mort d'Edouard, "la duchesse". Très belles pages 37 à 52. Le personnage a du panache et l'émotion vous étreint. On hésite à lire/dire le texte.

On pense avec l'auteur que

Citation :

" Le jour, ce monde de l'illusion prend une pâleur pathétique qui serre la gorge"

p 53.

Troisieme mouvement : Edouard voyage donc vers la France, en se rappelant les attitudes mondaines et méprisantes de ses compatriotes quebecoises de la soi-disant bonne société. Il/elle cherche sa place, pratiquant mensonges et provocations.

Le récit est certes un peu bavard, mais on y trouve une faconde épicée, voire rabelaisienne, et des tournures pour nous Francais, bien exotiques.

En contrepartie, on voit la France de 1947 et les Français d'alors par des yeux québecois, nourris de films et de romans du "réalisme poétique".
Extrait p 226

Citation :

"Les Francais au cinéma, m'ont toujours semblé sympathiques, ou cultivés, ou amusants. Râleurs, oui, mais avec une pointe d'humour au coin des lèvres. Ce que j'aimais, c'était me retrouver moi-même en eux alors que nous sommes si différents. Mais ce que j'ai trouvé ce matin, c'est du monde de mauvaise humeur, au lever, avec d'excellentes raisons de l'être, et sans pointe d'humour au coin des lèvres, parce que c'est la vraie vie et que quand ils quitteront mon champ de vision, ils n'iront pas retoucher leur maquillage en attendant le plan suivant".

Michel Tremblay est décidément aimé des Québécois.

Il a en effet remporté, pour la troisième année consécutive, le Prix du public du Salon du livre de Montréal pour son livre La Traversée de la ville, le second d'une trilogie dont le troisième tome, La Traversée des sentiments, est paru cet automne chez Leméac.

in le Devoir.