Rachid Boudjedra

Rachid Boudjedra, l’escargot entêté, chez Folio



Le titre prend deux sens :

- celui d’opiniâtre pour qualifier un escargot qui suit obstinément le narrateur, à supposer qu’il ne s’agisse pas d’un fantasme…

- entêté, au sens où comme une idée dans la tête, l’escargot s’installe à son aise.

Rachid Boudjedra, l’escargot entêté, chez Folio

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Je propose une lecture, ce n’est pas la vérité complète du livre, on peut en discuter avec profit

Le narrateur, chargé de la dératisation d’une ville non précisée, présente tous les symptômes du malade mental, celui d’un monomaniaque obsédé par les rats, qui écrit sur des bouts de papier, tatillon à l’extrême, radoteur en proie à des idées fixes.

C’est en même temps un fonctionnaire jusqu’au bout des ongles, un être envahi par sa fonction sociale, au point de lui sacrifier sa vie et ses pensées.

Il incarne La Mort, celle qu’il programme avec soin pour les rongeurs, mais aussi son irrémédiable hostilité à tout ce qui est manifestation de vie et de liberté : haine de la procréation, des enfants, de l’autre, d’une manière générale.

Citation :

« Je me suis fait de la méfiance un principe de vie. Moi seul suis vigilant. Tout ce qui est vital est sous ma responsabilité : le port le gazoduc, les silos, les châteaux d’eau et les fondations. »

Les poisons le ravissent au point qu’il prend plaisir à les énumérer :

Citation :

« j’ai tout de suite pensé aux condamnés à mort. Un tel poison pourrait humaniser sérieusement la peine capitale. Mais ce serait dommage. On extermine bien les rats ! »

On voit que les termes habituels ( humaniser, vital) sont employés dans des sens détournés, comme sous le IIIe Reich.

Rachid Boudjedra, l’escargot entêté, chez Folio

2/2

Difficile de ne pas voir en lui le symbole d’un homme déshumanisé avec son goût immodéré pour la pureté, - et donc l’épuration, qui raisonne en technocrate, à partir de fiches et de fichiers, qui se fait une haute idée de sa fonction. Homo oeconomicus, et gestionnaire redoutable de la mort.

Le style correspond au personnage : il se donne à lui-même des consignes,

Citation :

« Ne rien laisser traîner sur le bureau.
Vérifier que tous le petits bouts de papier sont bien répartis dans mes différentes poches. »

Il pratique des cachotteries, n’aime rien tant que le secrets et les labyrinthes, en vrai paranoïaque.

Par la suite, on voit à quel point il jouit du sentiment de domination qu’il couple avec une obéissance sans réserve à ses supérieurs hiérarchiques.

Certaines formules comme « l’éradication totale », même s’il s’agit de rongeurs, inquiètent. N’oublions pas que le Zyklon B, initialement un pesticide, fut le produit des chambres à gaz.

Les orientations fascistes du fonctionnaire, même s’il répète ne pas se soucier de politique ou de religion, voue un véritable culte à l’État :

les masses doivent être gouvernées par « un slogan, un guide ».

« La subversion est un virus comme la puce du rat est un vecteur de peste ».

Le récit qui se déroule sur une semaine, tient le lecteur en haleine parce qu’il propose un type de personnage dont on ne se méfiera jamais assez.

Telle est ma lecture de cette fable politique, un autre piste serait celle de ses "émois", à peine émis qu'il censure aussitôt.

Merci pour cette critique, je viens de le rajouter à ma LAL.

lecture critique d'un pro, merci Rotko.

bonjour grain de sel
je prépare un master 2 en sciences des textes littéraires et mon théme est
HISTOIRE ET FICTION DANS LES FIGUIERS DE BARBARIE de RACHID BOUDJEDRA des éditions BARZAKH ALGER .
Je cherche un encadreur disponible pour m'orienter dans un délai bref d'un mois S.V.P

amel.puka a écrit:

bonjour grain de sel
je prépare un master 2 en sciences des textes littéraires et mon théme est
HISTOIRE ET FICTION DANS LES FIGUIERS DE BARBARIE de RACHID BOUDJEDRA des éditions BARZAKH ALGER .
Je cherche un encadreur disponible pour m'orienter dans un délai bref d'un mois S.V.P

je ne comprends pas pourquoi tu as mis ton post à cet endroit.
Pour répondre à ta question : je n'ai aucun encadreur dans mes connaissances mais peut-être devrais-tu aller dans le site portaildulivre.com ?

Evidemment on est pris par le temps. Il aurait fallu aussi que tu précises ce que tu entends par "encadreur", et le rôle qu'il doit jouer. Ton prof est normalement payé pour t'orienter et guider ta recherche...

Sinon Boudjedra me paraît un auteur intéressant à decouvrir.

je voudrais lire rapidement Timimoun car Rachid Boudjedra fera bientôt une conférence sur la situation actuelle en Algérie.

Son dernier livre est Hôtel Saint-Georges 256 p chez Grasset.

Jean est ébeniste. Appelé en Algérie, il est chargé de fabriquer les cercueils pour les soldats tombés pour la France. Jean se réfugiera dans les beautés de son artisanat pour échapper à l'horreur quotidienne.
Après sa mort, quelques années plus tard, sa fille, Jeanne, curieuse d'en savoir plus sur ce père secret et blessé, part sur ses traces, à Alger et Constantine. Elle recontrera un jeune Algérien, Rac, qui lui servira de guide.
Roman polyphonique, Hôtel Saint-Georges est un texte de bruit et de fureur, de tendresse et de compassion. Rachid Boudjedra continue d'explorer les mystères, les souffrances, parfois aussi les éclats de splendeur, d'un passé qui ne passe pas.

Hôtel Saint-Georges 256 p chez Grasset.

1/2

Avec ce livre, Rachid Boudjedra se situe dans la lignée de Faulkner, puisqu'il consacre un court capitre (2 à 3 pagesà à chacun des personnages. L'hôtel Saint Georges les relie à travers les époues puisqu'ils y sont passés à différents moments. Chaque protagoniste est comme un miroir qui renvoie à une image plus générale de l'Algérie, tant dans son histoire générale que dans le dédale des affaires familiales.

On pourrait craindre de se perdre : il n'en est rien, chaque personnage renvoie aux autres et aux différentes facettes de l'Algérie. Inutile de prendre des notes, on s'y retrouve fort bien et le romancier assume avc une parfaite maîtrise la déconstruction de son récit.

Il me reste 50 pages à lire, j'apprécie cet auteur. Je devais l'écouter faire une conférence, un deuil familial l'a empêché de la faire.

Hôtel Saint-Georges 256 p chez Grasset.

2/2

Malgré la succession des personnages, le récit se poursuit de l'un à l'autre, empruntant des voix/voies différentes : celle du harki, maîtrisant mal le français, celle des pères de famille, celle des enfants, garçons ou filles, qui mènent leurs vies à leur guise, depuis le cardiologue, jusqu'à la fille abusée, ou le trafiquant flambeur, le tout dressant un panorama des secrets et plaies familiales qui sont aussi celles de l'Algérie contemporaine.

Une mention particulière pour Jean, l'appelé du contingent, ébeniste de talent, qui en vient à faire uniquement des cercueils. Il y perd son âme et son art.

J'espère entendre l'auteur parler bientôt et de son livre et de l'Algérie.