Andreï Kourkov [Russie]

Le Pingouin
Andreï Kourkov


Un récit complètement décalé. D’un côté, un « journaliste », Victor Zolotarev, auteur de « petites croix » qui se résument en nécrologies. Petites particularités : les soi-disant morts sont vivants aux moments où les « petites croix » prennent vies. Enfin, vivant, plus pour très longtemps pour certains, puisque certaines personnes se retrouvent sur une liste bien macabre.

D’un autre côté, nous avons Micha, un pingouin mélancolique, vivant dans l’appartement de ce même Victor Zolotarev, qui au passage, n’est pas plus enjoué par la vie.


Le décalage réside dans cette alliance burlesque entre un homme, pris malgré lui dans un engrenage d’affaires suspectes et un pingouin se retrouvant à cent milles lieus de l’endroit où il devrait normalement résider.

Nous sommes donc contraint, au fil de la lecture, de passer du rire au grincement de dent. Le tout saupoudré d’un intenable suspens.

Malgré la violence de ce récit, c’est toute la douceur du pingouin qui en ressort, et bien que la dernière réplique laisse à sourire, c’est avec une certaine tristesse que nous refermons ce livre.


Vous avez lu ou lirez des critiques à propos de ce texte mettant en avant que « le pingouin » est un livre formidable et incontournable de par son originalité. Et bien je confirme et invite tous ceux qui ne l’ont pas encore lu à le découvrir.

Esther a écrit:

Le Pingouin
Andreï Kourkov
c’est avec une certaine tristesse que nous refermons ce livre.
.

Réjouis-toi, il revient avec : Andreï Kourkov, Les Pingouins n'ont jamais froid, Poche, traduction de Nathalie Amargier ; même ton décalé qui allie le burlesque à une vision desenchantée mais caustique de la Russie et de ses pratiques électorales.

oui mais apparemment, il semble un peu plus léger.
J'attends de me faire ma propre idée.

hé hé, j'ai les pingouins sous les yeux, on en reparlera.

Esther a écrit:

oui mais apparemment, [les pingouins n'ont jamais froid] semble un peu plus léger.

Comme je n'ai pas lu le premier, difficile de juger. Toutefois dans celui-ci le ton se rapproche du thriller. La Russie apparaît comme le pays où toutes les dérives sont possibles : concussion généralisée, élimination physique des adversaires, prostitution pour les fins de mois.

Le contexte électoral de ce livre montre, en les grossissant, des pratiques électorales dont il est bon d'être conscient : rédaction de catalogues de promesses en guise de programme, utilisation de la presse avec des pros de la communication, campagnes de dénigrement de l'adversaire etc...

je viens de récupérer les pingouins n'ont jamais froid. Malheureusement il n'y avait pas les pingouins tout court... :cry:

retrouve t-on des pingouins physiquement dans ce deuxième opus ?
"Les pingouins" sont également une critique de la Russie, mais j'ai l'impression qu'il va un peu plus loin dans "les pingouins n'ont jamais froid".

Pour l'instant, Victor est à la recherche de son pingouin, je continue la lecture et je vous tiendrai au courant, en gros

Esther a écrit:

retrouve t-on des pingouins physiquement dans ce deuxième opus ?(1)
"Les pingouins" sont également une critique de la Russie, mais j'ai l'impression qu'il va un peu plus loin dans "les pingouins n'ont jamais froid" (2).

(1) Dans la première partie, faute d'occuper la scène, le pingouin occupe l'esprit de Victor et de sa "fille".

(2) Ce n'est certes pas un tableau séduisant ! Mais les dérives de la "démocratie" sont, à des degrés divers, présentes dans les pays occidentaux.

Andrei Kourkov, les pingouins n’ont jamais froid, Liana Levi.


Passons rapidement sur l’histoire. Le journaliste Victor quitte l’Antarctique, chargé d’une mission privée et soucieux de retrouver Macha, le pingouin, qui constitue avec Sonia, sa fille adoptive, son univers affectif. Il se retrouve sous la coupe d‘un candidat à la députation dont il doit mener la campagne électorale. La recherche du pingouin l‘emmène en Tchétchénie, puis de nouveau à Kiev.

Là, il retrouve sa « famille » et doit trouver une solution vivable pour ceux qu’il aime : Sonia, Le Pingouin, et Lioucha, un vieil ami tombé dans la débine. Il doit aussi penser à lui-même.

Le tableau de la Russie sous Eltsine est noir : trafics en tous genres, misères et privations en bas, politiciens corrompus, mœurs électorales cyniques, éliminations physiques des gêneurs, presse complaisante aux puissants qui jouent les philanthropes. La « loi de l’escargot » règne partout : il faut se trouver un toit protecteur, sinon on est écrasé comme une limace.

La Tchétchénie est devenue un immense chaudron à incinérer les victimes de tous les camps, l’Ukraine supporte mal les diktats de Moscou…

Après ces passages qui rappellent John Le Carré - dans la mesure où les protagonistes ignorent totalement ce qu’on fera d’eux, le récit prend des allures plus calmes : chacun - le pingouin, Victor, Sonia, Lioucha, veut en finir avec ses mésaventures et retrouver son élément.

un roman qui me laisse une étrange impression après lecture. Un personnage fataliste, qui se laisse mener par la vie et les circonstances. On le suit à travers ses voyages, on découvre un peu les dessous de la Russie. Mais tout reste en surface.
Un roman sombre, mais qui ne va pas assez loin pour moi - que ce soit dans la description de la Russie, de la corruption, des trafics, de l'alcool ou dans l'absurde de la vie.

Un bon moment tout de même mais pas un livre qui restera gravé dans ma mémoire...

Si vous n'avez pas lu le livre, ne lisez pas ce qui suit

Citation :

un roman qui me laisse une étrange impression après lecture. Un personnage fataliste, qui se laisse mener par la vie et les circonstances.

je ne crois pas qu'il soit fataliste. Je n'ai pas lu le premier roman, mais Victor a hérité du pingouin et de Sonia. Il prend soin d'eux, assure leur avenir comme il le peut, mais avec determination et constance.

Il ne peut aller en ligne droite car beaucoup de décisions ne dépendant pas de lui. Il doit attendre, se fier à des personnages dont les motivations lui échappent. C'est pourquoi je pensais à John Le Carré, avec l'impression que le personnage est un pion ne saisissant pas tous les enjeux. D'où une atmosphère pesante. Mais il retrouve sa liberté d'action comme le pingouin.

rotko a écrit:

Si vous n'avez pas lu le livre, ne lisez pas ce qui suit

je ne crois pas qu'il soit fataliste. Je n'ai pas lu le premier roman, mais Victor a hérité du pingouin et de Sonia. Il prend soin d'eux, assure leur avenir comme il le peut, mais avec determination et constance.

Moi, je l'ai plus ressenti comme quelqu'un qui ne sait pas quoi faire de sa vie, et qui se laisse mener par les évènements. S'occuper de Sonia et du pingouin rentrent pour moi dans ce schéma. D'abord il commence à le faire lorsque Pavlovitch lui dit de le faire (pour Sonia), et ensuite parce qu'à mon avis il ne sait pas quoi faire d'autre, qu'il a peut-être même peur de prendre sa vie en main. La recherche du pingouin n'est pas pour moi un réel choix, mais plutôt quelque chose qu'il s'impose pour ne pas avoir à réellement agir pour sa vie.

J'ai eu la sensation que Kourkov essayait de montrer que les russes n'ont pas beaucoup de choix dans la vie, et se retrouve souvent à agir pour agir, pour ne pas prendre conscience de leur quotidien, des problèmes de leur pays. Mais je ne suis pas certaine de ce parti pris de l'auteur, étant donné que j'ai trouvé cet effet "râté".

Citation :

C'est pourquoi je pensais à John Le Carré, avec l'impression que le personnage est un pion ne saisissant pas tous les enjeux. D'où une atmosphère pesante. Mais il retrouve sa liberté d'action comme le pingouin.

Je n'aurai pas dit qu'un mariage forcé était une reprise de liberté... même s'il il laisse de l'espoir, la situation pour Victor n'a pas bcp évolué pour moi. Il parvient à être heureux de cet évènement parce qu'il a la sensation d'avoir abouti à quelque chose, mais l'imaginer quelques semaines plus tard m'amène à penser qu'on pourrait le retrouver dans un nouvel ouvrage, errant dans les rues d'Argentine (c'est bien là qu'ils vont non ?), sans femme, sans famille, sans pingouin...

Par contre je ne connais pas du tout John LeCarré et ne peut donc pas te répondre à ce sujet

queenieinlove a écrit:

J'ai eu la sensation que Kourkov essayait de montrer que les russes n'ont pas beaucoup de choix dans la vie, et se retrouve souvent à agir pour agir, pour ne pas prendre conscience de leur quotidien, des problèmes de leur pays. Mais je ne suis pas certaine de ce parti pris de l'auteur, étant donné que j'ai trouvé cet effet "râté".

On est bien d'accord sur les intentions, même si je suis plus bienveillant sur la réalisation.

Lis donc john le Carré, surtout célèbre pour son "espion qui venait du froid", une vraie réussite, mais il a écrit d'autres livres depuis, heureusement, dont la constance du jardinier en general bien apprécié.

En revanche son adaptation à l'ecran, The constant gardener réalisé par Fernando Meirelles ne m'a pas plu, mais d'autres personnes l'ont bien aimé.

Voir le forum "mauvais genres" sur GDS* pour John Le Carré.
https://grain-de-sel.1fr1.net/ftopic291.John-Le-Carre.htm

queenieinlove a écrit:

l'imaginer quelques semaines plus tard m'amène à penser qu'on pourrait le retrouver dans un nouvel ouvrage, errant dans les rues d'Argentine (c'est bien là qu'ils vont non ?), sans femme, sans famille, sans pingouin...

Tu as parfaitement raison, il est possible que l'auteur laisse la porte ouverte à un troisième récit.

Je me pose moins de questions que toi sur son avenir : cela dépend sans doute de notre attitude face au personnage. J'ai fait un bout de route avec lui, il choisit une voie, l'auteur le laisse partir, je fais pareil, d'autres aventures l'attendent, oui, mais moi aussi
on se fait un signe de la main ! au revoir, chacun sa route, chacun son chemin...

Andreï Kourkov Laitier de nuit, L. Levi -



Avez-vous déjà entendu parler de « l'antifrousse » ? Ce breuvage made in Ukraine qui permet de vaincre sa timidité, de triompher de ses ennemis, de surmonter toutes les épreuves. Un remède pour lequel on tuerait père et mère, n'est-ce pas ? Mais là, c'est son inventeur, un estimable pharmacien de Kiev, qui est assassiné. [...]

Trafics et tentatives de corruption s'enchaînent aussi vite que les énigmes (et les rasades de gnôle à l'ortie !) pour tisser peu à peu la trame, non seulement d'un roman savoureux, mais d'un pays tout entier

l'auteur qui parle 9 langues exposait en français la trame de son livre sur france-culture ("tout arrive") ce lundi midi.

Le pingouin

Une fable qui met en scène les méthodes mafieuses pratiquées en Ukraine. Méthodes constituées d’assassinats, de purges, de filatures, de mensonges, etc.

« La vie ne mérite pas qu’on tremble pour elle. »

Le pingouin est le reflet du héros, Victor. Héros solitaire et inadapté à un monde trop cruel pour lui, dont il ne perçoit pas les coulisses, sauf en fin de livre. Heureusement, il réussit à en réchapper. C’est peut-être la victoire de l’ingénuité sur la corruption.

Il y a des passages très émouvants, notamment ceux concernant le chercheur moribond, dont la vie a été dévouée, en vain, à la zoologie. Une scène choquante avec un médecin qui ne soignera que contre de l’argent. Et le laissera mourir de douleur.

Le ton général est triste, désabusé. A l’image d’un pays encore chaotique où la loi du plus fort règne, où la violence est la seule monnaie d’échange.

Pourtant, cette violence est comme tamisée dans ce livre. L’auteur suggère. Le rythme est lent car l’esprit critique du narrateur peine à s’éveiller.

J’ai été un peu agacée en milieu de livre, mais j’ai eu raison de poursuivre pour comprendre quel rôle-marionnette jouait exactement Victor.

Dans cet ouvrage amer et réaliste, il y a malgré tout de la tendresse. La tendresse des gens ordinaires piégés par un système macabre.

« Ce qui auparavant semblait monstrueux était devenu quotidien, et les gens, pour éviter de trop s’inquiéter, l‘avaient intégré comme une norme de vie et poursuivaient leur existence. »


...

Le pingouin m'avait été offert par une amie.
J'avais entendu parler de Kourkov par des amis russes lors d'une discussion sur la nouvelle littérature slave qui revenait sur la scène littéraire après tant d'années de chaos.

Que dire...je suis conquise !
Je n'avais pas ris autant depuis longtemps devant une telle caricature de l'humour slave , froid , cynique , rustre .
Reflet de la société trop longtemps conditionnée (et toujours ) dans un quotidien de corruption , de petite mafia.
C'est avec talent que Kourkov démontre cette désillusion , montre du doigt le grotesque d'une société désabusée.
Je n'ai pas encore eu l'occasion de lire la suite , pourtant elle me fait de l'oeil , en revanche , j'avais trouvé "Surprises de noel" , plusieurs nouvelles relatant des soirs de réveillons , un régal toujours aussi cynique avec un hors d'oeuvre au goût de Tchérnobyl!

Je le conseille fortement aux amateurs d'humour noir .