Miral, un film de Julian Schnabel
Julian Schnabel ("Le Scaphandre et le papillon") revient avec un film consacré au conflit palestino-israélien, vu à travers le regard de quatre femmes de plusieurs générations dont le destin a entrecroisé les vies. Parmi elles, deux occupent plus particulièrement le devant de la scène:
- Hind Husseini (Hiam Abbas): trouvant un jour des enfants jetés sur la route à la suite du massacre de Deir Yassine (presque tous les habitants - hommes femmes et enfants compris - d'un village assassinés par les Israéliens en 1948 pour semer la panique dans la population palestinienne et provoquer son exode), cette ancienne aristocrate décide d'ouvrir un orphelinat, Dar al-Tifl, qui accueille d'abord une cinquantaine d'enfants, puis en comptera plus de deux mille. Son credo, rendre l'espoir à ses enfants en les dotant d'une éducation...
- Miral (Freida Pinto), petite orpheline recueillie quelques générations plus tard par "Maman Hind" est une jeune Palestinienne qui grandit dans les années quatre-vingt-dix, décidée à agir, déchirée entre la volonté de combattre l'occupant et ses espoirs de paix. Ce personnage est basé sur l'histoire vraie de Rula Jebreal, journaliste d'origine palestinienne, aujourd'hui reconnue comme une grande journaliste en Italie où elle vit.
Après avoir rencontré Rula Jebreal, le réalisateur a décidé de porter son histoire à l'écran. Bien sûr, aucun film ne peut rendre compte d'un sujet aussi complexe et le film est constamment sur la corde raide entre la petite histoire et la grande, entre le documentaire et le mélo, entre les risques de simplification et le souci d'honnêteté intellectuelle. Toutefois, il arrive à nous séduire par sa sincérité, son optimisme malgré la tragédie, et avant tout parce que c'est la vision (le rêve) d'un cinéaste épris d'images, qui parvient à rendre toute la beauté picturale de la Palestine perdue.
Un seul regret, mais de taille: le parti pris (dicté à la fois par les conditions de coproduction, et peut-être l'illusion d'accéder ainsi plus facilement au public américain qui n'aime pas s'emmerder avec les sous-titres ?
) consistant à faire parler les personnages en anglais. Ce choix, qui aurait pu passer quand il est question de la communauté diplomatique de Palestine dans les années quarante, devient totalement incompréhensible s'agissant d'Arabes se parlant entre eux de nos jours. Passée la première irritation, on finit par s'y habituer, mais le film aurait eu bien plus d'intensité et de force si les Arabes avaient parlé l'arabe et les Juifs l'hébreu.
Julian Schnabel a réussi à rassembler autour de son projet un casting international: pour interpréter ce personnage géant de Hind Husseini, il fallait une actrice géante, et Hiam Abbas a la taille qu'il faut ; quant à Miral, elle est interprétée avec sensibilité par Freida Pinto, la Latika de "Slumdog Millionnaire", sans parler de quelques guest stars "mythiques" comme Vanessa Redgrave et Willem Dafoe. Il s'est rendu sur place et a fait beaucoup de repérages et de rencontres avant de commencer à tourner, entouré d'une équipe composée d'Israéliens et de Palestiniens qui ont travaillé main dans la main pour donner corps au projet. A signaler enfin une bande-son très riche où les riffs de Tom Waits côtoient le 'oud de Marcel Khalife. Un film que je conseille...