Eva Joly

Un ami me tanne pour que je lise un de ses ouvrages, ce que j'avais d'ailleurs l'intention de faire, mais il joue le rôle de déclencheur, à plus ou moins longue échéance

en attendant, un article bien documenté sur Slate :

Pour certains, Eva Joly est une mamie confiture à l'accent rigolo. Pour d'autres, c'est le diable en personne, l'acharnée de l'anticorruption

par philippe Boggio

Citation :

Paris regorge d’experts du cas Eva Joly. Bernard Tapie, Roland Dumas, Loïc Le Floch-Prigent, François Léotard, Christine Deviers-Joncour… Il n’y a qu’à demander. Tous ceux que cette femme a tenus dans ses filets, au pôle financier du palais de justice, se sont exprimés dans leurs souvenirs ou à l’occasion d’un entretien.

Pour moi c'est une opportuniste tout comme Lepage and co. Un coup ici, l'autre là en fonction des vents, cela ne s'appelle-t-il pas une girouette ?

Liepetz a été honnête en disant qu'ils feront au plus 15 % en 2012 si tout va bien. Et que le fait de jouer le créneau anti-corruption ne suffirait pas à faire un bon score. Les Français ne sont pas si attachés que cela à l'anti-corruption. Regardez ceux qu'ils ont élus pendant des décénnies. Chirac ( et son actualité) avec Sarko et sa bande on peut pas dire que la probité soit aux commandes de la nation.

Je suis bien d'accord. Elle surfe sur un concept inhabituel pour la France*.

Mais elle nous prend pour des idiots en plus.

Personne ne peut croire raisonnablement que la conquête du sommet pyramidal puisse s'éxecuter sans se mouiller.

L'élu local peut rester intègre, pas le mec qui préside un pays.

A la tête de la Présidence, il faut fermer les yeux sur beaucoup de "détails", à commencer par le financement pharaonique des campagnes...


*banal en Italie

Parler légèrement d'une personne qui a mené des dossiers complexes jusqu'au bout, avec peu de moyens, et d'enormes pressions, contre d'anciens ministres et le garde des sceaux lui-même, me paraît bien imprudent.

Là-dessus, le 2e message d'Hexagone est plus convaincant, car actuellement les politiques passent par-dessus la justice, avec une réforme adéquate et dans les faits. Qu'un ministre condamné pour injures raciales reste en poste, ainsi qu'un autre mêlé directement à une affaire de succession et à une succession d'affaires, est inédit.

Raison de plus pour s'intéresser aux écrits d'une juge qui a fait ses preuves. C'est à ce titre qu'on parle d'elle sur "sciences humaines", et non pour des raisons politiciennes.

Ce que je veux dire : je ne crois pas que l'intégrité soit possible en politique.
(à haut niveau, j'entends)
Dit autrement : c'est une utopie.

Elle a fait preuve d'honnêteté et de probité jusqu'ici, pour autant qu'on le sait, je suis favorable à l'idée de lui laisser sa chance. L'accuser de quelque chose qu'elle n'a pas encore fait, c'est pas un peu léger ?
Il faudrait que je me penche sur ses écrits...

Un autre problème selon Liepietz est que au cas où l'écologie joue le troisième homme avec l'UMP et le PS, un accord sera difficile car Joly à Strauss Khan dans le collimateur, n'ayant pu le coincer sur certaines affaires.

Je suis convaincu que la probité et l'intégrité sont impossibles à ce niveau de politique. A mon avis les écolos vont droit dans le mur avec elle. Les français sont des latins et elle ne réussira pas à imposer son style Nordique. Toutes les meilleures intentions du monde ne sont pas sufiisantes pour conquérir le pouvoir, surtout à ce niveau.

A mon humble avis l'UMP va gagner en 2012, Strauss khan ne viendra pas, certains amis socialos le disent. Je pronostique un second tour UMP FN avec une 80 % à Sarkozy. On verra mais je ne pense pas être loin du vrai. Que vogue la galère.

Si la probité et l'intégrité sont impossibles à ce niveau de politique, alors n'importe quel élu de n'importe quel bord sera forcément un pourri, et si les écolos vont droit dans le mur avec elle, ce sera le cas avec n'importe qui Je suis d'accord pour penser que même avec les meilleures intentions possible, rester les mains propres à ce niveau est impossible mais bon, qui ne tente rien n'a rien. Comme le disait Brecht, "ceux qui luttent ne gagnent pas toujours, mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu".

quelques livres d'Eva Joly

- Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ? 2003 Ed. des Arènes

- La Force qui nous manque -- Eva Joly ; avec la collab. de Judith Perrignon
2007 Ed. des Arènes

C'est celui-là que j'ai retenu : et à feuilleter, c'est passionnant. Je vous en dirai davantage.

- Des héros ordinaires 2009 Ed. des Arènes

- Notre affaire à tous 2000 Ed. des Arènes

Crevette a écrit:

Ce que je veux dire : je ne crois pas que l'intégrité soit possible en politique.
(à haut niveau, j'entends)
Dit autrement : c'est une utopie.

De mon point de vue, c'est une question de gradient : l'intégrité est certes de facto inatteignable dès que l'on atteint un certain niveau de responsabilité. Après, il y a tout de même des gradients. Et ce qui me semble inquiétant dans le déroulement de la vie politique de ces dernières années, c'est que la pratique de la magouille s'inscrit de plus en plus comme une normalité ce qui a pour effet de créer une sorte de jurisprudence que la classe politique dans son ensemble convoque de manière plus ou moins explicite. Si un ministre condamné devant un tribunal reste en poste comme le rappelait rotko ou si un ancien président échappe à la justice et que cela ne choque que fort peu, on peut se demander jusqu'où cette escalade ira.

C'est pourquoi le discours anti-corruption (de Joly et d'autres) ne me parait pas complètement inutile.

Pas inutile, effectivement loin de moi de penser cela. Cependant à voir ce qui se passe actuellement, Woerth, Chirac, et tout ce que l'on nous cache j'ai du mal à croire qu'elle puisse creuser son sillon.

Clairement, on ne peut de toute manière pas se construire politiquement sur ce seul crédo et quelques broutilles écologiques ( ), mais cela contribue au moins à recentrer l'échelle des valeurs à défaut de lui servir personnellement (c'est tout ce que je voulais dire ).

Hexagone a écrit:

Pas inutile, effectivement loin de moi de penser cela. Cependant à voir ce qui se passe actuellement, Woerth, Chirac, et tout ce que l'on nous cache j'ai du mal à croire qu'elle puisse creuser son sillon.

je rappelle que je m'interesse au sujet indépendamment d'échéances électorales ou de considérations politiciennes.

Eva Joly a quitté la France pour éviter des vengeances, elle fut l'objet de pressions et de menaces. Un membre du comité constitutionnel lui a dit qu'avec l'affaire Elf, "elle entrait dans une zone extrêmement dangereuse et qu'elle ne devait pas s'approcher des fenêtres."

La Norvège en 2002 lui a confié une mission internationale de lutte contre la corruption, et elle a constitué un "network" avec des juges opiniâtres et courageux comme l'Espagnol Garcion.

Je reviendrai sur ces précisions, je les cite seulement pour montrer qu'on est loin de simples préoccupations électoralistes, même si les actuelles affaires ont un tour particulièrement visible et scandaleux.

Il est bien dommage qu'il n'y ait pas plus de personnes, élus ou non qui tiennent le même discours qu'Éva Joly, et qui le mettent en actes.
Lorsqu'on s'intéresse un tout petit peu à la politique locale, on est effaré par les magouilles qu'on peut y trouver, et la force des réseaux de "j'te couvre, tu m'couvres"même de la part de personnes qui se disent du bord opposé.

Je me rappelle un collègue qui avait accepté de participer à une équipe municipale d'un village de 400 habitants, et qui avait démissionné lorsqu'il avait découvert l'existence d'une caisse noire. Il pensait qu'à un si petit niveau, on pouvait rester propre.

Ce qui m'inquiète, c'est effectivement la banalisation de l'illégalité dans les consciences. Utiliser l'argent public à des fins privées ne choque plus grand monde.

Alors le discours de madame Joly me plait bien, d'autant plus que dans sa profession, elle l'a mis en acte. Qu'elle puisse exercer des responsabilités politiques sans varier dans ses convictions et son attitude, je ne sais pas si c'est possible, parce qu'elle aura affaire à des adversaires ou des alliés qui ne lui feront pas de cadeaux, mais je suis plus intéressé par ces convictions là que par la banalisation de la fripouillerie.

Citation :

Je me rappelle un collègue qui avait accepté de participer à une équipe municipale d'un village de 400 habitants, et qui avait démissionné lorsqu'il avait découvert l'existence d'une caisse noire. Il pensait qu'à un si petit niveau, on pouvait rester propre.

Idem, très jeune j'ai vu ce que la politique locale ou syndicale était capable de faire. Ma mère était conseillère municipale et déléguée syndicale et au vu de toutes les magouilles elle a démissioné de ses postes. J'ose à peine imaginer à l'échelon national !

Il n'est même pas nécessaire d'évoquer la politique, toute situation de pouvoir engendre des abus de ce genre. Même chez les scouts, les animateurs ont des "caisses noires". Ces pratiques ne me dérangent pas si on conserve une certaine mesure (ce qui n'est pas facile à vérifier, j'en suis conscient), et j'ai même tendance à trouver suspects ceux qui font carrière sur l'anti-corruption (Di Pietro en Italie par exemple). Ce qui m'intéresse, c'est la vision, le programme, le projet de société, pas ces détails que je juge inévitables.

marxou a écrit:

Ce qui m'intéresse, c'est la vision, le programme, le projet de société, pas ces détails que je juge inévitables.

Des détails qui font que des pays comme le Gabon - un des pays les plus riches d'Afrique, et où la France soutient Omar Bongo "choisi par l'Elysée, protégé par son armée et garant du pré carré d'Elf", a "un des plus importants taux de mortalité infantile".

les guillemets renvoient à Eva Joly (son livre date de 2007)

Au passage :

Citation :

"condamné à cinq ans de prison, Loik le Floch-Prigent, ancien patron d'elf, n'a pas purgé sa peine pour raison de santé (1) et est devenu le conseiller du président du congo Brazzaville, un dictateur protégé par la France"

(1) c'est fou ce que certains ont comme problèmes de santé pour être exemptés de peine...

Le livre d’Eva Joly, la force qui nous manque , avec 183 pages se lit de deux façons ;

- le parcours d'une femme, bref et sans complaisance, ce qui correspond à notre demande : savoir qui a traité des affaires si importantes qu'elles ont passionné les journalistes - et pas mal de lecteurs, donné lieu à des rebondissements inattendus (la putain de la République par Deviers Joncourt), et au film de Claude Chabrol : l'ivresse du pouvoir

- Agréable, il l’est par des photos qui font connaître le personnage, sa jeunesse en Norvège, la rencontre avec son mari, les affaires qu’elle a eu à traiter ( la presse n’a pas lésiné sur les photos, notamment avec Roland Dumas, bien assaisonné dans le texte).

Une vie à suivre, avec des difficultés, qui peint la société : la rencontre d'un fils de famille de la haute bourgeoisie qui épouse contre sa famille une jeune fille au pair, une épouse qui dit le suicide de son mari. etc..

- je m'interesse surtout à la deuxième lecture, la lutte contre la corruption.

Sur cette page, des extraits du livre et d'autres données.

Citation :

« Margreta, notre fille au pair, norvégienne bien sûr, veillait sur la maisonnée. Elle venait d’avoir un bébé, elle aussi, si bien que lorsque j’ai repris le travail, elle allaitait notre fils, et moi, le soir, j’allaitais le sien et le mien. Il y eut, chez nous, un réel bonheur, et une touche du naturel scandinave. »

Ce serait dommage d’imaginer que la force qui nous manque relate seulement des « affaires ».

La sobriété avec laquelle Éva Joly évoque les moments heureux comme le suicide de son mari est une leçon de dignité et d’écriture.

Pour ma part je suis découragé des politiques. Ils me font tous penser à des épiciers de quartier qui défendent leur bifteck. Où est le politique providentiel avec un plan dans les cartons. Des marins d'eau douce qui naviguent à vue, voilà ce que nous avons. Où se trouve le politique qui aura un plan de civilisation ? Une ligne directrice avec un objectif en vue. A mon humble avis, nous sommes dans la M....; ils le savent et ne gèrent que leurs portefeuilles. Mais j'aime les gens qui y croient !

EVA JOLY, la force qui nous manque. 1/2

Fatalisme et résignation sont à l’opposé des leçons de l’expérience d’Eva Joly. Il faut en tirer au contraire un surcroît d’énergie, et elle le montre par son parcours personnel, ses prises de positon, son action internationale dans la lutte contre la corruption.

Sa mission pour le gouvernement norvégien l’amène à voyager à travers le monde. .
Elle est l'une des initiatrices de la Déclaration de Paris avec l'ancien procureur de Genève Bernard Bertossa, le juge espagnol Baltasar Garzón, le juge italien Antonio Di Pietro (à l'origine de l'opération Mains propres), ou le Chilien Juan Guzmán, qui a inculpé Augusto Pinochet.

Sous la tutelle du gouvernement norvégien, elle crée Network, un réseau privé de juges et d'enquêteurs engagés dans la lutte contre la corruption, qui propose conseils et assistance à plusieurs pays en voie de développement.

Elle rentre en France en 2008, convaincue que seul son engagement politique pourra véritablement concrétiser son combat.

EVA JOLY, la force qui nous manque. 2/2

Elle admet que le système scandinave est lui aussi touché par des affaires de corruption, mais bien loin derrière l’Europe et la France où le réseau remonte directement à l’Élysée : elle donne des noms (le Flock-Prigent, Roland Dumas, François Léotard, Poncelet) et des faits établis par des dossiers.

Si ces dossiers n’aboutissent pas, ce n’est pas faute d’un arsenal juridique et de juges opiniâtres (Network les regroupe) mais faute d’une volonté politique.

Le problème n’est pas la petite délinquance, mais les « crimes d’argent » en col blanc qui assujettissent des populations africaines, notamment, à des dictatures soutenues directement par la Françafrique (on peut en faire des jeux de mots !) au profit de multinationales qui pillent les pays du sud et les vident de leurs ressources.

Leurs noms ? Total, Elf etc. A l’heure actuelle, elle ajouterait Vincent Bolloré dont on se rappelle le yatch.

Le rôle de Vincent Bolloré est bien connu en Afrique et tout particulièrement au Togo.

C'est mon premier livre d'Eva Joly. Je le répète, il est court, agréable à lire et édifiant.

Et voilà, un de plus dans ma PAL...

Dans ce domaine, le film d'yves Boisset intitulé "Le juge Fayard dit le shériff" (1977) avec Patrick Dewaere, rend déjà bien compte de l'atmosphère générale de ces dossiers. Rien ne changera tant que les fils du pouvoir, du pognon, et du cul s'entremêleront. Autant dire que personne n'en verra jamais la fin puisque de tout temps ils sont les trois moteurs de l'humanité. Quand aux juges, procureurs et autres, allez dans les grandes chasses (actions très chères), vous les trouverez assez nombreux s'acoquinant aux politiques et industriels : Mon cher ami par-ci, mon cher ami par-là.