Fillhol, la Centrale.

« Travailleur DATR. Un soir tu rentres chez toi, tu es au taquet. Tu as dépassé le quota de dose règlementaire. Ça peut arriver n’importe quand, à n’importe qui - sous-entendu, même à quelqu'un comme lui, Jean Yves, qui a parle du haut de ses vingt-cinq ans de pratique, tu le prends tel quel, sans broncher. D’avoir attendu des mois, l’épée au-dessus de la tête, quand l’épée tranche, tu tombes et restes assis, et c’est presque un soulagement. »

Fillhol, la Centrale, chez POL.

La Centrale n’est pas un documentaire, même s’il est très bien documenté. Rappel du sujet

Il raconte l’expérience d’un intérimaire embauché pour la maintenance pendant l’arrêt des tranches dans les centrales nucléaires.

La question n’est pas de savoir s’il est favorable ou hostile au nucléaire. Il donne la parole aux personnages et en premier lieu à la Centrale elle-même, qu‘on visite au cours des opérations et dont la présence se fait toujours sentir.

Citation :

« Le temps d’ici est le temps de la centrale qui tourne jour et nuit. Et les hommes tournent leur tour sur vingt-quatre heures à raison de huit heures chacun, et rien ne semble devoir ralentir ce rythme qui est le rythme même du temps pris à sa source, le temps étalon des horloges atomiques sur lesquelles le temps légal est construit..

Tandis que la matière égrène les secondes, les prestations se relaient sous le dôme du bâtiment réacteur, et les agents plus loin en salle des machines ou derrière les écrans de contrôle, les uns nomades, les autres sédentaires ceux qui prennent les doses et ceux qui organisent, avec souvent entre les deux groupes des rapports compliqués. »

La pesanteur psychologique principale vient de la vie des personnages - et du personnel,

Citation :

« De mémoire de chef d’équipe, un gars qui quitte le navire au beau milieu de son intervention, on ne voit pas ça souvent. Ses collègues, en colère, à limite je les comprends. Ils étaient trois à devoir y aller. Trois pour une dose collective à répartir peu près équitablement, si l’un d’entre eux fait faux-bond, ça change tout, deux au lieu de trois, c’est plus pareil. »

on partage leur vie commune, leurs attentes, leurs préoccupations, voire l’avenir qu’ils envisagent.

Au final un livre que j'aime bien, dont la langue sobre, est parfaitement claire, avec des pages denses qui font vivre le milieu comme les individualités.

Le facteur énergétique, c’est bien sans doute, mais le facteur humain mérite réflexion.

La Centrale, d'Elisabeth Filhol, éd. P.O.L, 144 p
prix France Culture