Antoine Audouard, l’Arabe, chez l’Olivier.

1/2 l'Arabe

Pas de doute, l’arrivée d’un Arabe dans un petit village du sud de la France, bien confit dans ses habitudes et où chacun se connaît par son père et son grand père, suscite de l’émoi, notamment chez une paraplégique « qui a eu de malheurs », et n’est pas foncièrement bienveillante.

« Eh bien on les connaît, c’est tout, on sait qu’un boulot mal fait c’est un boulot d’Arabe, on sait qu’un braquage ou un viol, c’est les Arabes, on sait que les primes elles sont pour les Arabes, on sait qu’un trafic de drogue à la ville dans le sous-sol d’un parking, c’est les Arabes, et on sait qu’un avion qui explose dans une tour c’est encore les Arabes, on le sait bien tout ça, et u le sais aussi, pa sla peine de faire la tête, on n’ pas besoin de faire le tour de la terre pour savoir qu’ils ne sont pas comme nous, ces gens-là »

Des propos comme on pourrait en entendre parfois à la télévision.

N’allez pas croire pour autant qu’il s’agit d’un livre bien pensant, d’un catéchisme de pensées humanistes.

Les situations sonnent vraies comme le style parlé sonne authentique, j’y reviendrai. Le livre me plaît bien pour tout un tas de raisons, notamment "il me prend aux tripes".

2/2 L'Arabe

Je tempère un peu mon éloge du livre d’Antoine Audouard en ce qui concerne l’intrigue elle-même.

On sent venir les épreuves que doit endurer cet Arabe dans le contexte. C’est un vrai calvaire ! Il subit la violence sous toutes ses formes. Même si certains habitants de ce village lui manifestent de l’intérêt, de l’amitié, ou de l’amour, ils restent bien inefficaces.

La peinture est donc poussée au noir, ce qui se produit pourtant dans certains faits-divers où les fantasmes racistes et les circonstances font de l’étranger le suspect par sa seule présence, et la victime de tous les débordements d’émotions.

En revanche la langue est très soignée, autant pour respecter les dialogues, les pensées silencieuses, que pour évoquer les paysages qu’on arpente à la suite des différents protagonistes. On participe à la vie du village dont les événements - bien ancrés dans notre actualité récente, tiennent en haleine.

A mon avis, Antoine Audouard avec ce titre réussit dans le domaine du roman ce qu’Yves Boisset (Dupont la joie) avait su exprimer au cinéma.
Un bon point pour ce romancier, déjà auteur de 8 titres, dont 4 parus chez Folio.

je voulais te dire que je trouve que ce livre exprime fortement et avec justesse le sentiment de l'autre c'est à dire de celui qui subit le racisme, le ressent.
C'est très fort et pour l'avoir un peu vécu, je peux te dire qu'Antoine Audouard le révèle très bien, dans les mots leur registre et leur force.
Il met en exergue la banalité de la chose dans le quotidien, c'est presque normal et ça je le retrouve bien.
La sensation de devenir invisible, de ne rien pouvoir faire pour s'effacer quitte à accepter l'inacceptable et le fait de l'accepter aggrave la situation d'autant.
Le manque de respect minimum venant de l'extérieur et personne vers qui se tourner.
Le pire pour moi, l'immigrée et émigrée, c'est que de l'autre côté, c'est pareil. On finit par ne pas n'avoir sa place nulle part ni ici ni là bas, ou de la trouver là où on s'y attend le moins.

Merci pour cette réponse et ce temoignage, Zou-Bida. C'est vrai que dans l'entretien entre l'Arabe (il n'a pas de nom, comme si l'individu était nié au profit d'une étiquette ethnique) et le flic Estevan, on a ce dialogue :

- Je pense que chez le juge tu as une bonne chance.
- Pourquoi je n'ai pas une chance avec vous ?
- tu le sais déjà.
- Redites-le-moi
-Parce que tu es du mauvais côté au mauvais moment dans le mauvais pays. Parce que la peur domine et que tout le monde s'en fout, de l'injustice commise à un Arabe berbère ou pas. Parce que tu es seul.

Vouloir passer inaperçu est interprèté comme une allure furtive, et s'exposer aux fantasmes privés comme collectifs.
Après tout on a vu récemment de prétendues armes de destruction massive là où il n'y avait rien...