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| | Jean-Luc Godard | |
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Auteur | Message |
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Moon Animation
Nombre de messages : 8306 Age : 34 Localisation : Seattle Date d'inscription : 16/12/2006
| Sujet: Jean-Luc Godard Sam 20 Fév 2010, 13:16 | |
| J'étais la première à dire : Godard c'est chiant et prétentieux... Mais peut-on juger un réalisateur après avoir vu deux de ses films ? Surtout lorsque celui-ci a réalisé plus d'une cinquante de films en cinquante ans ? Alors certes je me suis royalement emmerdée pendant Le Mépris (où seul le look de Brigitte Bardot a retenu mon attention), certes A bout de souffle ne m'a pas marqué plus que cela mais... Pierrot le fou c'est une autre histoire ! - Citation :
- Pierrot le Fou c'est un petit soldat qui découvre avec mépris qu'il faut vivre sa vie, qu'une femme est une femme, et que dans un monde nouveau, il faut faire bande à part pour ne pas se retrouver à bout de souffle. Jean-Luc Godard
Pierrot le fou, c'est un intellectuel blasé : Ferdinand (hommage au Voyage au bout de la nuit sans doute), marié à une riche italienne. Revenu d'une soirée mondaine chez ses beaux-parents, il décide de tout plaquer pour partir avec la Baby-sitter (une ancienne amante), vers le sud de la France, l'Italie peut-être... Godard étant Godard, on ne comprend pas grand chose. Mais l'on observe avec fascination les deux personnages se perdre, se déchirer, s'aimer. Le film est éclatant, les références fusent, les plans sont justes, l'histoire nous prend aux tripes. Ce qui fait la force de ce film, c'est son jeu poétique permanent : entre citations littéraires, humour grinçant, amertume, regards et échappées. Ferdinand et Marianne ne savent pas pourquoi ils vivent mais ils foncent... et s'effondrent... Anna Karina et Belmondo crèvent l'écran... - Citation :
- Ferdinand : - Un poète qui s'appelle revolver...
Marianne : - Robert Browning Ferdinand : - Pour échapper Marianne : - Jamais Ferdinand : - Bien aimé Marianne : - Tant que je serais moi Ferdinand : - Et que tu seras toi Marianne : - Aussi longtemps que nous vivrons tous les deux Ferdinand : - Moi qui t'aime Marianne : - Et toi qui me repousses Ferdinand : - Tant que l'un voudra fuir Marianne : - Cela ressemble trop à la fatalité La bande-annonce est une petite merveille, à regarder de toute urgence : https://www.youtube.com/watch?v=QHke018mMUE
Dernière édition par Moon le Ven 11 Fév 2011, 18:12, édité 1 fois | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Sam 20 Fév 2010, 15:22 | |
| Moi aussi, j'avais bien aimé le film, et maintenant j'aime bien ton commentaire Dans une femme est une femme on a droit à un beau petit dialogue de couple, par titres de "série noire" interposés. un exemple, sans intention moqueuse, Clic ! | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Sam 20 Fév 2010, 16:07 | |
| Voici un texte écrit par Louis Aragon ("Les lettres françaises, n°1096, 9-15 Septembre 1965), à propos de " Pierrot le fou" et de l'art de Godard , qui pourrait t'intéresser, Moon ... - Spoiler:
QU'EST-CE QUE L'ART, JEAN-LUC GODARD ?"
par Louis Aragon.
Qu'est-ce que l'art ? Je suis aux prises de cette interrogation depuis que j'ai vu le Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, où le Sphinx Belmondo pose à un producer américain la question : Qu'est-ce que le cinéma. Il y a une chose dont je suis sûr, aussi, puis-je commencer tout ceci devant moi qui m'effraye par une assertion, au moins, comme un pilotis solide au milieu des marais : c'est que l'art d'aujourd'hui c'est Jean-Luc Godard. C'est peut-être pourquoi ses films, et particulièrement ce film, soulèvent l'injure et le mépris, et l'on se permet avec eux ce qu'on oserait jamais dire d'une production commerciale courante, on se permet avec leur auteur les mots qui dépassent la critique, on s'en prend à l'homme.
L'Américain, dans Pierrot, dit du cinéma ce qu'il pourrait dire de la guerre du Vietnam, ou plus généralement de la guerre. Et cela sonne drôlement dans le contexte - l'extraordinaire moment du film où Belmondo et Anna Karina, pour faire leur matérielle, jouent devant une couple d'Américains et leurs matelots, quelque part sur la Côte, une pièce improvisée où lui est le neveu de l'oncle Sam et elle la nièce de l'oncle Ho... But it's damn good, damn good ! jubile le matelot à barbe rousse... parce que c'est un film en couleur, imaginez-vous. Je ne vais pas vous le raconter, comme tout le monde, ceci n'est pas un compte rendu. D'ailleurs ce film défie le compte rendu. Allez compter les petits sous d'un milliard !
Qu'est-ce que j'aurais dit, moi, si Belmondo ou Godard, m'avait demandé : Qu'est-ce que le cinéma ? J'aurais pris autrement la chose, par les personnes. Le cinéma, pour moi, cela a été d'abord Charlot, puis Renoir, Bunuel, et c'est aujourd'hui Godard. Voilà, c'est simple. On me dira que j'oublie Eisenstein et Antonioni. Vous vous trompez : je ne les oublie pas. Ni quelques autres. Mais ma question n'est pas du cinéma : elle est de l'art. Alors il faudrait répondre de même, d'un autre art, un art avec un autre, un long passé, pour le résumer à ce qu'il est devenu pour nous : je veux dire dans les temps modernes, un art moderne, la peinture par exemple. Pour le résumer par les personnes.
La peinture au sens moderne, commence avec Géricault, Delacroix, Courbet, Manet. Puis son nom est multitude. A cause de ceux-là, à partir d'eux, contre eux, au-delà d'eux. Une floraison comme on n'en avait pas vue depuis l'Italie de la Renaissance. Pour se résumer entièrement dans un homme nommé Picasso. Ce qui, pour l'instant, me travaille, c'est ce temps des pionniers, par quoi on peut encore comparer le jeune cinéma à la peinture. Le jeu de dire qui est Renoir, qui est Bunuel, ne m'amuse pas. Mais Godard c'est Delacroix.
D'abord par comment on l'accueille. A Venise, paraît-il. Je n'ai pas été à Venise, je ne fais pas partie des jurys qui distribuent les palmes et les oscars. J'ai vu, je me suis trouvé voir Pierrot le fou, c'est tout. Je ne parlerai pas des critiques. Qu'ils se déshonorent tout seuls ! Je ne vais pas les contredire. Il y en a pourtant qui ont été pris par la grandeur : Yvonne Baby, Chazal, Chapier, Cournot... Tout de même, je ne peux pas laisser passer comme ça l'extraordinaire article de Michel Cournot : non pas tant pour ce qu'il dit, un peu trop uniquement halluciné des reflets de la vie personnelle dans le film parce qu'il est comme tous, intoxiqué du cinéma vérité, et que moi je tiens pour le cinéma-mensonge. Mais, du moins, à la bonne heure ! voilà un homme qui perd pied quand il aime quelque chose. Et puis il sait écrire, excusez-moi, mais s'il n'en reste qu'un, à moi, ça m'importe. J'aime le langage, le merveilleux langage, le délire du langage : rien n'est plus rare que le langage de la passion, dans ce monde où nous vivons avec la peur d'être pris sans verd, qui remonte, faut croire, à la sortie de l'Eden, quand Adam et Eve s'aperçoivent nus avant l'invention de la feuille de vigne.
Qu'est-ce que je raconte ? Ah ! oui j'aime le langage et c'est pour ça que j'aime Godard qui est tout langage.
Non, ce n'est pas ça que je disais : je disais qu'on l'accueille comme Delacroix. Au salon de 1827, ce qui vaut bien Venise, Eugène, il avait accroché La mort de Sardanapale, qu'il appelait son Massacre n° 2 car c'était un peintre de massacres, et non un peintre de batailles, lui aussi. Il avait eu, dit-il, de nombreuses tribulations avec MM les très durs membres du jury. Quand il la voit au mur (ma croûte est placée le mieux du monde), à côté des tableaux des autres, cela lui fait, dit-il, l'effet d'une première représentation où tout le monde sifflerait. Cela avant que ça ait commencé. Un mois plus tard, il écrit à son ami Soulier :
Je suis ennuyé de tout ce Salon. Ils finiront par me persuader que j'ai fait un véritable fiasco ! Cependant, je n'en suis pas encore convaincu. Les uns disent que c'est une chute complète que La mort de Sardanapale est celle des romantiques, puisque romantiques il y a ; les autres comme ça, que je suis inganno, mais qu'ils aimeraient mieux se tromper ainsi, que d'avoir raison comme mille autres qui ont raison si on veut et qui sont damnables au nom de l'âme et de l'imagination. Donc je dis que ce sont tous des imbéciles, que ce tableau a des qualités et des défauts, et que s'il y a des choses que je désirerais mieux, il y en a pas mal d'autres que je m'estime heureux d'avoir faites et que je leur souhaite. Le Globe, c'est-à-dire M. Vitet, dit que quand un soldat imprudent tire sur ses amis comme sur ses ennemis, il faut le mettre hors les rangs. Il engage ce qu'il appelle la jeune Ecole à renoncer à toute alliance avec une perfide dépendance. Tant il y a que ceux qui me volent et vivent de ma substance crieraient haro plus fort que les autres. Tout cela fait pitié et ne mérite pas qu'on s'y arrête un moment qu'en ce que cela va droit à compromettre les intérêts tout matériels, c'est-à-dire the cash (l'argent)...
Rien ni le franglais n'a beaucoup changé depuis cent trente-huit ans. Il se trouve que j'avais été revoir La mort de Sardanapale il y a peu de temps. Quel tableau que ce "massacre" ! Personnellement, je le préfère de beaucoup à La liberté sur les barricades dont on me casse les pieds. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il s'agit de ce que l'art de Delacroix ici ressemble à l'art de Godard dans Pierrot le fou. Ca ne vous saute pas aux yeux ? Je parle pour ceux qui ont vu le film. Cela ne leur saute pas aux yeux.
Pendant que j'assistais à la projection de Pierrot, j'avais oublié ce qu'il faut, paraît-il dire et penser de Godard. Qu'il a des tics, qu'il cite celui-ci et celui-ci là, qu'il nous fait la leçon, qu'il se croit ceci ou cela... enfin qu'il est insupportable, bavard, moralisateur (ou immoralisateur) : je ne voyais qu'une chose, une seule, et c'est que c'était beau. D'une beauté surhumaine. Physique jusque dans l'âme et l'imagination. Ce qu'on voit pendant deux heures est de cette beauté qui se suffit mal du mot beauté pour se définir : il faudrait dire de ce défilé d'images qu'il est, qu'elles sont simplement sublimes. Mais le lecteur d'aujourd'hui supporte mal le superlatif. Tant pis. je pense de ce film qu'il est d'une beauté sublime. C'est un mot qu'on emploie plus que pour les actrices et encore dans le langage des coulisses. Tant pis. Constamment d'une beauté sublime. Remarquez que je déteste les adjectifs.
C'est donc comme Sardanapale, un film en couleur. Au grand écran. Qui se distingue de tous les films en couleur par ce fait que l'emploi d'un moyen chez Godard a toujours un but, et comporte presque constamment sa critique. Il ne s'agit pas seulement du fait que c'est bien photographié, que les couleurs sont belles... C'est très bien photographié, les couleurs sont très belles. Il s'agit d'autre chose. Les couleurs sont celles du monde tel qu'il est, comment est-ce dit ? Il faudrait avoir bien retenu : Comme la vie est affreuse ! mais elle est toujours belle. Si c'est avec d'autres mots, cela revient au même. Mais Godard ne se suffit pas du monde tel qu'il est : par exemple, soudain, la vue est monochrome, toute rouge ou toute bleue comme pendant cette soirée mondaine, au début, qui est probablement le point de départ de l'irritation pour une certaine critique (ça me rappelle cette soirée aux Champs Elysées, à la première d'un ballet d'Elsa, musique de Jean Rivier, chorégraphie de Boris Kochno, décors de Brassaï, le réparateur de radios, avec le déchaînement de la salle, les sifflets à roulettes parce que l'on voyait danser les gens du monde dans une boîte de nuit, et qu'est-ce que vous voulez tout de suite, Tout Paris se sentait visé ! Pendant cette soirée-ci, le renoncement au polychromisme sans retour au blanc et noir signifie la réflexion de J.L. Godard en même temps sur le monde où il introduit Belmondo et sa réflexion technique sur ses moyens d'expression. D'autant que cela est presque immédiatement suivi d'un effet de couleur qui s'enchaîne sur une sorte de feu d'artifice, des éclatements de lumière qui vont se poursuivre sans justification possible dans le Paris nocturne où s'enflamme la passion du héros pour Anna Karina, sous la forme arbitraire de pastilles, de lunes colorées qui traversent en pluie le pare-brise de leur voiture, qui grêlent leur visage et leur vie d'un arbitraire comme un démenti au monde, comme l'entrée de l'arbitraire délibéré dans leur vie. La couleur, pour J. L. G, ça ne peut pas n'être que la possibilité de nous faire savoir si une fille a les yeux bleus ou de situer un monsieur par sa Légion d'honneur. Forcément, un film de lui qui a les possibilités de la couleur va nous montrer quelque chose qu'il était impossible de faire voir avec le noir et blanc, une sorte de voix qui ne peut retentir dans le muet de couleurs.
Dans la palette de Delacroix, les rouges, vermillon, rouge de Venise et laque rouge de Rome ou garance, jouant avec le blanc, le cobalt et le cadmium, est-ce de ma part une sorte particulière de daltonisme ? éclipsent pour moi les autres teintes, comme si celles-ci n'étaient mises là qu'afin d'être le fond de ceux-là. Ou faut-il rappeler le mot du peintre à Philarète Chasles, touchant Musset : C'est un poète qui n'a pas de couleur...etc. Moi, j'aime mieux les plaies béantes et la couleur vive du sang... Cette phrase qui m'est toujours restée me revenait naturellement à voir Pierrot le fou. Pas seulement pour le sang. Le rouge y chante comme une obsession. Comme chez Renoir, dont une maison provençale avec ses terrasses rappelle ici les Terrasses à Cagnes. Comme une dominante du monde moderne. A tel point qu'à la sortie je ne voyais rien d'autre de Paris que les rouges : disques de sens unique, Yeux multiples de l'on ne passe pas, filles en pantalons de cochenille, boutiques garance, autos écarlates, minium multiplié aux balcons des ravalements, carthame tendre des lèvres et des paroles du film, il ne me restait dans la mémoire que cette phrase que Godard a mise dans la bouche de Pierrot : Je ne peux pas voir le sang, mais qui, selon Godard, est de Federico Garcia Lorca, où ? qu'importe, par exemple dans La plainte pour la mort d'Ignacio Sanchez Mejias, je ne peux pas voir le sang, je ne peux pas voir, je ne peux, je ne. Tout le film n'est que cet immense sanglot, de ne pouvoir, de ne pas supporter voir, et de répandre, de devoir répandre le sang. Un sang garance, écarlate, vermillon, carmin, que sais-je ? Le sang des Massacres de Scio, le sang de La mort de Sardanapale, le sang de Juillet 1830, le sang de leurs enfants que vont répandre les trois Médée furieuse, celle de 1838 et celles de 1859 et 1862, tout le sang dont se barbouillent les lions et les tigres dans leurs combats avec les chevaux... Jamais il n'a tant coulé de sang à l'écran, de sang rouge, depuis le premier mort dans la chambre d'Anna-Marianne jusqu'au sien, jamais il n'y a eu à l'écran de sang aussi voyant que celui de l'accident d'auto, du nain tué avec des ciseaux et je ne sais plus, je ne peux pas voir le sang, Que ne quiero verla ! Et ce n'est pas Lorca mais la radio qui annonce froidement cent quinze maquisards tués au Vietnam... Là, c'est Marianne qui élève la voix : C'est pénible, hein, ce que c'est anonyme... On dit cent quinze maquisards, et ça n'évoque rien, alors que pourtant, chacun, c'étaient des hommes, et on ne sait pas qui c'est : s'ils aiment une femme, s'ils ont des enfants, s'ils aiment mieux aller au cinéma ou au théâtre. On ne sait rien. On dit juste cent quinze tués. C'est comme la photographie, ça m'a toujours fasciné... Ce sang qu'on ne voit pas, la couleur. On dirait que tout s'ordonne autour de cette couleur, merveilleusement.
Car personne ne sait mieux que Godard peindre l'ordre du désordre. Toujours. Dans Les carabiniers, Vivre sa vie, Bande à part, ici. Le désordre de notre monde est sa matière, à l'issue des villes modernes, luisantes de néon et de formica, dans les quartiers suburbains ou les arrière-cours, ce que personne ne voit jamais avec les yeux de l'art, les poutrelles tordues, les machines rouillées, les déchets, les boîtes de conserves, des filins d'acier, tout ce bidonville de notre vie sans quoi nous ne pourrions vivre, mais que nous nous arrangeons pour ne pas voir. Et de cela comme de l'accident et du meurtre il fait la beauté. L'ordre de ce qui ne peut en avoir, par définition. Et quand les amants jetés dans une confuse et tragique aventure ont fait disparaître leurs traces, avec leur auto explosée aux côtés d'une voiture accidentée, ils traversent la France du nord au sud, et il semble que pour effacer leurs pas, il leur faille encore, toujours, marcher dans l'eau, pour traverser ce fleuve qui pourrait être la Loire... plus tard dans ce lieu perdu de la Méditerranée où, tandis que Belmondo se met à écrire, Anna Karina se promène avec une rage désespérée d'un bout à l'autre de l'écran en répétant cette phrase comme un chant funèbre : Qu'est-ce que je peux faire ? Je ne peux rien faire... Qu'est-ce que je peux faire ? Je ne peux rien faire... A propos de la Loire...
Ce fleuve au moins, avec ses îlots et ses sables, j'ai pensé en le regardant que c'est celui qui passe dans le paysage à l'arrière de la Nature morte aux homards qui est au Louvre, que Delacroix a peinte, dit-on, à Beffes, dans le Cher près de la Charité-sur-Loire. Cet étrange arrangement (ou désordre) d'un lièvre, d'un faisan avec deux homards cuits vermillon sur le filet d'un carnier de chasse et un fusil devant le vaste paysage avec le fleuve et ses îles, on peut m'expliquer qu'il l'a fait pour un général habitant le Berry, il n'en demeure pas moins un singulier carnage, ce Massacre n° 2 bis, qui est à peu près contemporain de La mort de Sardanapale, et paraîtra aux côtés de ce tableau au Salon de 1827. C'était l'essai d'une technique nouvelle où la couleur est mélangée avec du vernis au copal. Toute la nature de Pierrot le fou est ainsi vernie avec je ne sais quel copal de 1965, qui fait que c'est comme pour la première fois que nous la voyons. Le certain est qu'il n'y a de précédent à La Nature morte aux homards, à cette rencontre d'un parapluie et d'une machine à coudre sur la table de dissection du paysage, comme il n'y a d'autre précédent que Lautréamont à Godard. Et je ne sais plus ce qui est le désordre, ce qui est l'ordre. Peut être que la folie de Pierrot, c'est qu'il est là à mettre dans le désordre de notre temps l'ordre stupéfiant de la passion. Peut-être. L'ordre désespéré de la passion (le désespoir, il est dans Pierrot dès le départ, le désespoir de ce mariage qu'il a fait, et la passion, le lyrisme, c'est la seule chance encore d'y échapper).
L'année où Eugène Delacroix brusquement, part pour le Maroc traversant la France par la neige et une gelée de chien... une bourrasque de vent et de pluie, 1832, il n'y avait pu avoir de Salon au Louvre à cause du choléra à Paris. Mais en mai, une exposition de bienfaisance remplace le Salon, où cinq toiles de petit format prêtées par un ami représentent l'absent. Trois d'entre elles semblent avoir été faites coup sur coup, et probablement en 1826 - 1827 : l'Etude de femme couchée (ou Femme aux bas blancs) qui est au Louvre, la Jeune femme caressant un perroquet qui est au Musée de Lyon et Le Duc de Bourgogne montrant le corps de sa maîtresse au Duc d'Orléans, qui est je ne sais où.
C'est dans le plein temps de sa liaison avec Mme Dalton, mais il est impossible de savoir qui sont au vrai les femmes nues de ces trois tableaux, si c'est la même. Sans doute, la Jeune femme au perroquet a-t-elle les paupières lourdes qu'on voit à la Dormeuse qui est, paraît-il, Mme Dalton. Mais ni l'une ni l'autre ne ressemblent au portrait de cette dame par Bonington. Dans le Journal d'Eugène, il passe beaucoup de jeunes femmes qui viennent poser, et à propos desquelles il inscrit dans son carnet une très particulière arithmétique. Quoi qu'il en soit, on tient Le Duc de B, etc.., pour la suite de ces deux études, et personne ne doute qu'il y ait coïncidence de strip-tease entre le tableau et la vie, Eugène pouvant bien être le Duc de Bourgogne et son ami Robert Soulier, le Duc d'Orleans. On sait comment Mme DALTON passa de l'un à l'autre. Mais la perversité du peintre n'est pas ici en question : dans Pierrot le fou c'est Belmondo qui joue avec un perroquet. Je ne dis tout ceci que pour montrer comment si je le voulais, moi aussi, je pourrais m'adonner au délire d'interprétation. Et d'ailleurs, n'est-ce pas là réponse à la question d'où j'étais parti ? L'art, c'est le délire d'interprétation de la vie.
Si je voulais aussi, j'aborderais J. L. G. par le rivage des peintres pour chercher origine à l'une des caractéristiques de son art dont on lui fait le plus reproche. La citation, comme disent les critiques, les collages comme j'ai proposé que cela s'appelle, et il m'a semblé voir, dans des interviews, que Godard avait repris ce terme. Les peintres ont les premiers usés du collage au sens où nous l'entendons, lui et moi, dès avant 1910 et leur emploi systématique par Braque et Picasso : il y a, par exemple, Watteau dont L'enseigne de Gersaint est un immense collage, où tous les tableaux au mur de la boutique et le portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaut qu'on met en caisse sont cités comme on se plaît à dire. Chez Delacroix, il suffit d'un tableau de 1824, Milton et ses filles, pour trouver "la citation" en tant que procédé d'expression. Il y avait quelque provocation à prendre pour sujet de peinture un homme qui ne voit point afin de nous montrer sa pensée : l'aveugle pâle est assis dans un fauteuil appuyant sa main sur un tapis de table brodé, dont ses doigts palpent les couleurs devant un pot de fleurs qui lui échappe.
Mais au-dessous de ses deux filles assises sur des sièges bas, l'une prenant la dictée du Paradise lost, la seconde tenant un instrument de musique qui s'est tu, il y a une toile non encadrée au mur où l'on voit Adam et Eve fuyant le paradis perdu devant le geste de l'Ange qui les chasse sans verd, nus et honteux. C'est un collage destiné à nous apprendre l'invisible, la pensée de l'homme aux yeux vides. Le procédé ne s'est pas perdu depuis. Vous connaissez ce tableau de Seurat, Les Poseuses, où dans l'atelier du peintre trois femmes déshabillées, l'une à droite en train d'enlever des bas noirs, se trouvent à côté du grand tableau de La Grande Jatte, "cité" fort à propos pour que ceci soit autre chose que ce que nous appelons un strip-tease. Et Courbet, quand il fait collage de Baudelaire dans un coin de son Atelier, hein ? De même, dans Pierrot, Godard avant d'envoyer la lettre l'affranchit d'un Raymond Devos : comme il avait fait du philosophe dans Vivre sa vie, Brice Parain. Ce ne sont pas là des personnages de roman, ce sont des pancartes, pour apprendre comment Adam et Eve furent chassés du paradis terrestre.
Au reste, s'il y a dans ce domaine une différence entre Pierrot et les autres films de Godard, c'est dans ce qu'on ne manquera pas de considérer ici comme une surenchère. Voilà plusieurs années que ce procédé est reproché à l'auteur du Mépris et du Petit soldat comme une manie dont on attend qu'il se débarrasse. Les critiques espèrent l'en décourager et sont tout près d'applaudir un Godard qui simplement cesserait d'être Godard, et ferait des films comme tout le monde. Ils n'y réussissent pas très bien à en juger par ce film-ci. Si quelqu'un devait se décourager, c'est eux. L'accroissement du système des collages dans Pierrot le fou est tel qu'il y a des parties entières (des chapitres, comme dit Godard), qui ne sont que collages. Ainsi toute la réception mondaine du début. Eh bien, non. Ils continuent, ils ont reconnu (parce que Belmondo tient l'Elie Faure de poche en main) que le texte par quoi commence toute l'histoire, sur Velasquez, est d'Elie Faure. Ils n'ont pas très bien compris pourquoi, plus tard, Pierrot lit la récente réimpression des Pieds Nickelés. Dans une histoire où Belmondo brandit un livre de la Série Noire pour dire voilà ce que c'est qu'un roman ! Moi, je me rigole, messieurs : quand j'étais enfant on ne me disait rien si on me trouvait à lire Pierre Louys ou Charles-Henry Hirsch, mais ma mère m'interdisait les Pieds Nickelés. Qu'est-ce qu'elle m'aurait passé, si elle m'avait pincé avec l'Epatant, où ça paraissait ! Je ne sais pas de quoi ça a l'air pour les jeunes blousons noirs, nos cadets, mais, pour les gens de ma génération qui n'ont pas encore la mémoire tout à fait cartilagineuse la ressemblance entre les Pieds Nickelés et les types de "l'organisation" dans le jeu compliqué de laquelle est tombé Pierrot saute aux yeux : si bien que toute cette affaire, quand Belmondo lit les Pieds Nickelés, prend un sens légèrement plus complexe qu'il ne semble à première vue.
L'essentiel n'est pas là : mais qu'il faut bien au bout du compte se faire à l'idée que les collages ne sont pas des illustrations du film, qu'ils sont le film même. Qu'ils sont la matière même de la peinture, qu'elle n'existerait pas en dehors d'eux. Aussi tous ceux qui persistent à prendre la chose pour un truc feront-ils mieux à l'avenir de changer de disque. Vous pouvez détester Godard, mais vous ne pouvez pas lui demander de pratiquer un autre art que le sien, la flûte ou l'aquarelle. Il faut bien voir que Pierrot qui ne s'appelle pas Pierrot, et qui hurle à Marianne : Je m'appelle Ferdinand ! se trouve juste à côté d'un Picasso qui montre le fils de l'artiste (Paulo enfant) habillé en pierrot. Et en général, la multiplication des Picasso aux murs ne tient pas à l'envie que J.L.G. pourrait avoir de se faire prendre pour un connaisseur, quand on vend des Picasso aux Galeries Lafayette. L'un des premiers portraits de Jacqueline, de profil, est là pour, un peu plus tard, être montré la tête en bas parce que dans le monde et la cervelle de Pierrot tout est upside down. Sans parler de la ressemblance des cheveux peints, et des longues douces mèches d'Anna Karina. Et la hantise de Renoir (Marianne s'appelle Marianne Renoir). Et les collages de publicité (il y a eu la civilisation grecque, la civilisation romaine, maintenant nous avons la civilisation du cul...), produits de beauté, sous-vêtements.
Ce qu'on lui reproche surtout, à Godard, ce sont les collages parlés : tant pis pour qui n'a pas senti dans Alphaville (qui n'est pas le film que je préfère de cet auteur) l'humour de Pascal cité de la bouche d'Eddie Constantine devant le robot en train de l'interroger. On lui reproche, au passage, de citer Céline. Ici Guignol's band : s'il me fallait parler de Céline on n'en finirait plus. Je préfère Pascal, sans doute, et je ne peux pas oublier ce qu'est devenu l'auteur du Voyage au bout de la nuit, certes. N'empêche que Le voyage, quand il a paru, c'était un fichument beau livre et que les générations ultérieures s'y perdent, nous considèrent comme injustes, stupides, partisans. Et nous sommes tout çà. Ce sont les malentendus des pères et des fils. Vous ne les dénouerez pas par des commandements : " Mon jeune Godard, il vous est interdit de citer Céline !". Alors, il le cite, cette idée.
Pour ma part, je suis très fier d'être cité (collé) par l'auteur de Pierrot avec une constance qui n'est pas moins remarquable que celle qu'il apporte à vous flanquer Céline au nez. Pas moins remarquable, mais beaucoup moins remarquée par MM les critiques, ou parce qu'ils ne m'ont pas lu, ou parce que ça les agace autant qu'avec Céline, mais n'ont pas avec moi les arguments que Céline leur donne, alors il ne reste que l'irritation, et le passé sous silence, l'irritation pire d'être muette. Dans Pierrot le fou un grand bout de La Mise à mort..., bien deux paragraphes, je ne connais pas mes textes par coeur, mais je les reconnais, moi, au passage... dans la bouche de Belmondo m'apprend une fois de plus cet espèce d'accord secret qu'il y a entre ce jeune homme et moi sur les choses essentielles : l'expression toute faite qu'il la trouve chez moi, ou ailleurs, là où j'ai mes rêves (la couverture de l'Ame au début de La femme mariée, Admirables fables de Maïakovski, traduit par Elsa, dans Les carabiniers, sur la lèvre de la partisane qu'on va fusiller). Quand Baudelaire eut dans Les phares collé un Delacroix, Lac de sang hanté des mauvais anges..., le vieux Delacroix lui écrivit : Mille remerciements de votre bonne opinion : je vous en dois beaucoup pour les Fleurs du Mal : je vous en ai déjà parlé en l'air, mais cela mérite toute autre chose... Quand, au Salon de 1859, la critique exécute Delacroix c'est Baudelaire qui répond pour lui, et le peintre écrit au poète : Ayant eu le bonheur de vous plaire, je me console de leurs réprimandes. Vous me traitez comme on ne traite que les grands morts. Vous me faîtes rougir tout en me plaisant beaucoup : nous sommes faits comme cela...
Je ne sais pas trop pourquoi je cite, je colle cela dans cet article : tout est à la renverse, sauf que oui, dans cette petite salle confidentielle, noire, où il n'y avait qu'Elsa, quand j'ai entendu ces mots connus, pas dès le premier reconnus, j'ai rougi dans l'ombre. Mais ce n'est pas moi qui ressemble à Delacroix. C'est l'autre. Cet enfant de génie.
Voyez-vous, tout recommence. Ce qui est nouveau, ce qui est grand, ce qui est sublime attire toujours l'insulte, le mépris, l'outrage. Cela est plus intolérable pour le vieillard. A soixante et un ans, Delacroix a connu l'affront, le pire de ceux qui distribuent la gloire. Quel âge a-t-il, Godard ? Et même si la partie était perdue, la partie est gagnée, il peut m'en croire.
Comme j'écrivais cet article, il m'est arrivé un livre d'un inconnu. Il s'appelle Georges Fouchard, et son roman, De seigle et d'étoiles ce qui est un titre singulier. Je l'ai lu d'une lampée. Je ne sais pas s'il est objectivement un beau livre. Il m'a touché, d'une façon bizarre qui avait trait à Delacroix. On sait de celui-ci, que tous les ans, avec deux amis (J.B. Pierret et Felix Guillemardet), depuis 1818, il fêtait, à tour de rôle chez l'un chez l'autre, la Saint-Sylvestre. On imagine ce que ces réunions périodiques, dont il nous est resté des dessins de Delacroix, supposaient d'espoirs, de projets, de confidences, de discussions... Guillemardet meurt en 1840, Pierret en 1854. Ni l'un ni l'autre ne sont devenus grand'chose. Delacroix finira seul cette vie, sans ses amis de jeunesse.
Or, dans De seigle et d'étoiles, le roman tourne autour de trois amis, Bouju, Gerlier et Frédéric, qui ont formé une sorte de groupe à trois, Mach 3, qu'ils l'appellent. Le roman, c'est ce que cela devient et ce que cela ne devient pas. Tout recommence, je vous dis. L'anecdote varie, et c'est tout. Votre jeunesse, jeunes gens, c'est toujours la mienne. Et Bouju écrira, presque pour finir, cette lettre, ce désespoir de lettre, parce qu'après tout Mach 3 c'est simplement trois pauvres types inadaptés. Drôle ce chiffre trois, pour Delacroix, pour moi. Et Bouju écrit tout de même, sans doute pour optimiser, comme il dit... quel âge a-t-il, Bouju, à cette minute là ? Et Fouchard lui, il a trente-cinq ans quand paraît son premier roman, comme dit le prière d'insérer. J'insère. Mais Bouju qui s'intitule le braillard de l'Anti-Système dit encore : Vingt, vingt-cinq bouquins, nous écrirons si c'est nécessaire pour réveiller ce petit déclic qui marque des soubresauts dans les foules de tous les pays. Si vous ne comprenez pas, allez donc faire de la bicyclette, ça vous fera les mollets...
Quel rapport, ceci qui vient après une sorte de bilan de la destinée d'un Rimbaud, quel rapport cela a-t-il avec Pierrot le fou, avec Godard ? Combien y-a-t-il déjà de films de Godard ? Nous sommes tous des Pierrot le fou, d'une façon ou de l'autre, des Pierrot qui se sont mis sur la voie ferrée, attendant le train qui va les écraser puis qui sont partis à la dernière seconde, qui ont continué à vivre. Quelles que soient les péripéties de notre existence, que cela se ressemble ou non, Pierrot se fera sauter, lui, mais à la dernière seconde il ne voulait plus. Voyez-vous tout cela que je dis paraît de bric et de broc : et ce roman qui s'amène là-dedans comme une fleur... Si j'en avais le temps, je vous expliquerais. Je n'en ai pas le temps. Ni le goût d'optimiser. Mais pourtant, peut-être, pourrais-je encore vous dire que tant pis pour ce qu'on était et ce qu'on est devenu, seulement le temps passe, un jour on rencontre un Godard, une autre fois un Fouchard. Pour la mauvaise rime. Et voilà que cela se ressemble, que cela se ressemble terriblement, que cela recommence, même pour rien, même pour rien. Rien n'est fini, d'autres vont refaire la même route, le millésime seul change, ce que cela se ressemble...
Je voulais parler de l'art. Et je ne parle que de la vie.
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| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Sam 20 Fév 2010, 17:42 | |
| Merci pour cet article d'Aragon... il est tellement dense que je vais devoir le relire. Son enthousiasme me plaît et son humour acéré aussi (oui oui). - Citation :
- Je ne voyais qu'une chose, une seule, et c'est que c'était beau. D'une beauté surhumaine. Physique jusque dans l'âme et l'imagination. Ce qu'on voit pendant deux heures est de cette beauté qui se suffit mal du mot beauté pour se définir : il faudrait dire de ce défilé d'images qu'il est, qu'elles sont simplement sublimes. Mais le lecteur d'aujourd'hui supporte mal le superlatif. Tant pis. je pense de ce film qu'il est d'une beauté sublime.
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| | | rotko pilier
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| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Jeu 04 Mar 2010, 12:13 | |
| 80 ans d'histoire du cinéma car Godard est le cinéma. Il en incarne la quintessence. Des Cahiers à son dernier film, Socialisme, qui sortira cette année, Antoine de Baecque traque l'impossible Godard qui toujours échappe
Antoine de Baecque, in Godard, Grasset, 935 p
y a de quoi lire !
tout l'article du Figaro. | |
| | | rotko pilier
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| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mar 30 Mar 2010, 05:46 | |
| Masculin féminin 1966 de Jean-Luc Godard Avec Jean-Pierre Léaud (Paul), Chantal Goya (Madeleine), Marlène Jobert (Elisabeth), Ben, disons que je n'ai pas été convaincu ! Leaud parle comme dans un livre ou un demi-sommeil, on bavarde beaucoup sans "conclure", et ces personnages des années soixante n'ont pas beaucoup de chair. Un article devenu célèbre du Monde annonçait, avant 68, "La France s'ennuie". J'ai pensé que le film de Godard traduisait bien cette atmosphère, mais aux dépens du spectateur. Pour un avis détaillé, voir le cine-club de Caen - Spoiler:
je remercie le cine-club de caen d'avoir précisé qu'il s'agissait de Chantal Goya, j'avais identifié france Gall.
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| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mar 18 Mai 2010, 13:06 | |
| Le dernier film de Jean-Luc Godard présenté à Cannes. (article sur Lemonde.fr) - Citation :
- C'est ce qu'il a annoncé. Et s'il en était ainsi, ce long métrage, qu'il présente à Cannes dans la section Un certain regard sans se déplacer sur la Croisette pour le défendre ("Je ne ferai pas un pas de plus", a-t-il écrit pour expliquer sa décision), prendrait valeur de testament.
Comme dans ses œuvres récentes, il s'agit d'un patchwork de saynètes brèves, elliptiques, relevant de l'essai poétique, du traité historique, de l'oraison mélancolique, de la réflexion philosophique. Images recoloriées à l'électronique, citations empruntées ici et là. A chacun de s'y laisser fasciner, ou irriter, d'y comprendre quelque chose ou d'y inventer sa propre interprétation. Dans ce film, qui sort sur les écrans mercredi 19 mai, on retrouve les thèmes et les idées autour desquels il tourne et retourne depuis des années.
La famille, par exemple. Ce qu'il figure ici, via la famille Martin, renvoie à ce qui a obsédé le cinéaste de tout temps : retrouver un clan après avoir été exclu du sien, renouer avec une tribu après avoir été honni chez les Godard, après avoir vu s'effilocher la fraternité de la Nouvelle Vague. Le petit garçon qui se mime en chef d'orchestre pourrait bien être l'enfant Godard amoureux de musique classique. Et la manière dont il campe les Martin est symptomatique de sa façon de procéder, par associations d'idées.
Godard fonctionne par enchaînements d'images. Les liens ne sont pas évidents, mais ils permettent de rebondir d'une notion à une autre, jusqu'à l'aboutissement d'une logique. D'où ce choix d'abriter cette "sainte famille" dans un garage (comme dans Je vous salue Marie, en 1985), d'y flanquer un âne (celui de la crèche). On y lit Les Illusions perdues de Balzac, titre se référant aux déceptions de toute une vie, qu'elles soient privées, politiques, historiques.
Autre thème récurrent : le plaidoyer pour la géométrie (ici illustré par une conférence du philosophe Alain Badiou sur Husserl). Ce cinéaste à la recherche du théorème perdu (ce fut sa définition de son exposition au Centre Pompidou "Voyage(s) en utopie", en 2006) se lamente de vivre à une époque où l'on pense algèbre (c'est-à-dire bibles, scénarios) plutôt que géométrie (c'est-à-dire images).
Le thème central de Film Socialisme est l'Europe, ce continent dont il dit qu'il ne veut pas mourir sans l'avoir revu heureux, comme il prie de voir à nouveau associés "Russie" et "bonheur".
L'Europe est l'une de ses déceptions, "pauvre Europe corrompue par la souffrance, non pas exaltée mais humiliée par la liberté reconquise". Cette Europe que "les Américains ont libérée en la rendant dépendante", dit-il en citant l'écrivain Curzio Malaparte. Et qui a laissé tomber l'Afrique.
La première partie du film se déroule sur un paquebot en croisière sur la Méditerranée. On y guinche comme sur un volcan. Souvenirs amers, diagnostics désenchantés, constat d'une solitude. Haine de l'argent qui "a été inventé pour que les hommes se parlent sans se regarder dans les yeux". Désespoir de constater qu'"aujourd'hui, les salauds sont sincères". Disjonction: "Le rêve de l'Etat, c'est d'être seul, le rêve des individus, c'est d'être deux."
Il revient à ce propos sur ce qu'il considère comme la tache originelle de l'Europe : avoir abandonné la Palestine. Godard emprunte à Agnès Varda l'image de deux trapézistes, symbole d'une harmonie possible entre deux peuples, sur double fond sonore : une voix de fille chantant le Talmud, une voix de fille chantant le Coran. "Les idées nous séparent, les rêves nous rapprochent."
Et puis, ce sentiment d'être incompris. Quand Ulysse revint à Ithaque, raconte-t-il, "le seul à le reconnaître sous son déguisement fut son chien". http://www.lemonde.fr/cinema/article/2010/05/18/film-socialisme-jean-luc- godard-decu-d-une-europe-qu-il-voudrait-revoir-heureuse_1353205_3476.html | |
| | | Moon Animation
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| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mer 19 Mai 2010, 16:05 | |
| Interview complètement décalée de Godard par les Inrocks. - Citation :
Le cinéaste nous a reçus chez lui en Suisse pour un entretien provocant et intime. Bienvenue à Rolle.
Rolle n’est pas vraiment le centre du monde. Juste une petite ville un peu morne sur le lac Léman, à 40 kilomètres de Genève. Mais c’est aussi un éden pour milliardaires en quête de défiscalisation. Pour le sympathique chauffeur de taxi qui nous a pris à la gare de Genève, cette géographie du people peu imposé n’a aucun secret : “Vous voyez la maison sur le côté en bas de la colline, c’est celle de Michael Schumacher. Et là vivait Peter Ustinov. Phil Collins, c’est là-bas…”
Et Jean-Luc Godard, alors ? “Une fois, un Japonais est monté dans ma voiture, reprend le chauffeur, et m’a demandé si je savais où habitait monsieur Godard. Je lui ai dit oui, je l’ai emmené, il m’a dit : “Attendez- moi une minute”, a fait trois photos, est remonté dans le taxi et m’a demandé de le ramener à la gare. Il est connu jusqu’au Japon, monsieur Godard !” S’il est peut-être l’habitant vaudois le plus mythique “jusqu’au Japon”, monsieur Godard ne vit pas à Rolle pour la même raison que son voisinage people.
Domicilié en France, il y paie ses impôts. Il vit en Suisse parce qu’il y est né, parce qu’il ne peut se passer de “certains paysages”, nous dira-t-il dans un entretien, comme toujours avec lui, très panoramique. Pendant quatre heures, dans son bureau un peu fruste, très fonctionnel, juste à côté de sa salle de travail avec sa demi-douzaine d’écrans plats et ses étagères remplies d’innombrables VHS ou DVD d’où il extrait ses citations, nous avons parlé d’histoire, de politique, de la Grèce, de la propriété intellectuelle, de cinéma bien sûr, mais aussi de choses plus intimes, comme la santé ou le rapport à la mort.
J.-M. L
Pourquoi le titre, Film Socialisme ?
Jean-Luc Godard – J’ai toujours des titres d’avance, qui me donnent une indication sur des films que je pourrais tourner.
Un titre précédant toute idée de film, c’est un peu comme un la en musique. J’en ai toute une liste. Comme des titres de noblesse ou des titres de banque. Plutôt des titres de banque. J’ai commencé avec Socialisme, mais au fur et à mesure qu’avançait le film, ça me semblait de moins en moins satisfaisant. Le film aurait aussi bien pu s’appeler Communisme ou Capitalisme. Mais il s’est produit un hasard amusant : en lisant une petite brochure de présentation que je lui avais fait parvenir, où le nom de la production Vega Film précédait le titre, Jean-Paul Curnier (philosophe – ndlr) a lu “Film Socialisme” et a cru que c’était le titre. Il m’a écrit une lettre de douze pages pour me dire à quel point ça lui plaisait. Je me suis dit qu’il devait avoir raison et j’ai décidé de garder Film devant Socialisme. Ça déniaisait un peu le mot.
D’où vient cette idée de croisière en Méditerranée ? D’Homère ?
Au début je pensais à une autre histoire qui se passerait en Serbie mais ça n’allait pas. Alors j’ai eu l’idée d’une famille dans un garage, la famille Martin. Mais ça ne tenait pas sur un long métrage, parce que sinon les gens seraient devenus des personnages et ce qu’il s’y passe serait devenu un récit. L’histoire d’une mère et de ses enfants, un film comme on peut en faire en France, avec des dialogues, des états d’âme.
Justement, les membres de cette famille ressemblent presque aux personnages d’une fiction ordinaire. Ça n’était pas arrivé à votre cinéma depuis très longtemps…
Oui, peut-être… Pas tout à fait quand même. Les scènes s’interrompent avant qu’ils ne deviennent des personnages. Ce sont plutôt des statues. Des statues qui parlent. Si on parle de statues, on se dit “ça vient d’autrefois”. Et si on dit “autrefois”, alors on part en voyage, on s’embarque sur la Méditerranée. D’où la croisière. J’avais lu un livre de Léon Daudet, le polémiste du début du siècle, qui s’appelait Le Voyage de Shakespeare. On y suivait le trajet en bateau sur la Méditerranée du jeune Shakespeare, qui n’avait rien encore écrit. Tout ça vient petit à petit.
Comment procédez-vous pour agencer tout ça ?
Il n’y a pas de règles. Ça tient de la poésie, ou de la peinture, ou des mathématiques. De la géométrie à l’ancienne surtout. L’envie de composer des figures, de mettre un cercle autour d’un carré, de tracer une tangente. C’est de la géométrie élémentaire. Si c’est élémentaire, il y a des éléments. Alors je montre la mer… Voilà, ce n’est pas vraiment descriptible, ce sont des associations. Et si on dit association, on peut dire socialisme. Si on dit socialisme, on peut parler de politique.
Par exemple de la loi Hadopi, de la question du téléchargement pénalisé, de la propriété des images…
Je suis contre Hadopi, bien sûr. Il n’y a pas de propriété intellectuelle. Je suis contre l’héritage, par exemple. Que les enfants d’un artiste puissent bénéficier des droits de l’oeuvre de leurs parents, pourquoi pas jusqu’à leur majorité… Mais après, je ne trouve pas ça évident que les enfants de Ravel touchent des droits sur le Boléro…
Vous ne réclamez aucun droit à des artistes qui prélèvent des images de vos films ?
Bien sûr que non. D’ailleurs, des gens le font, mettent ça sur internet et en général c’est pas très bon… Mais je n’ai pas le sentiment qu’ils me prennent quelque chose. Moi je n’ai pas internet. Anne-Marie (Miéville, sa compagne et cinéaste – ndlr) l’utilise. Mais dans mon film, il y a des images qui viennent d’internet, comme ces images de deux chats ensemble.
Pour vous, il n’y a pas de différence de statut entre ces images anonymes de chats qui circulent sur internet et le plan des Cheyennes de John Ford que vous utilisez aussi dans Film Socialisme ?
Statutairement, je ne vois pas pourquoi je ferais une différence. Si je devais plaider légalement contre les accusations de pillage d’images dans mes films, j’engagerais deux avocats avec deux systèmes différents. L’un défendrait le droit de citation, qui n’existe quasiment pas en cinéma. En littérature, on peut citer largement. Dans le Miller (Vie et débauche, voyage dans l’oeuvre de Henry Miller – ndlr) de Norman Mailer, il y a 80 % de Henry Miller et 20 % de Norman Mailer. En sciences, aucun scientifique ne paie des droits pour utiliser une formule établie par un confrère. Ça, c’est la citation et le cinéma ne l’autorise pas. J’ai lu le livre de Marie Darrieussecq, Rapport de police, et je le trouve très bien parce qu’elle fait un historique de cette question. Le droit d’auteur, vraiment c’est pas possible. Un auteur n’a aucun droit. Je n’ai aucun droit. Je n’ai que des devoirs. Et puis dans mon film, il y a un autre type d’emprunts, pas des citations mais simplement des extraits. Comme une piqûre lorsqu’on prend un échantillon de sang pour l’analyser. Ça serait la plaidoirie de mon second avocat. Il défendrait par exemple l’usage que je fais des plans des trapézistes issus des Plages d’Agnès. Ce plan n’est pas une citation, je ne cite pas le film d’Agnès Varda : je bénéficie de son travail. C’est un extrait que je prends, que j’incorpore ailleurs pour qu’il prenne un autre sens, en l’occurrence symboliser la paix entre Israël et Palestine. Ce plan, je ne l’ai pas payé. Mais si Agnès me demandait de l’argent, j’estime qu’on pourrait la payer au juste prix. C’est-à- dire en rapport avec l’économie du film, le nombre de spectateurs qu’il touche…
Pour exprimer la paix au Moyen-Orient par une métaphore, pourquoi préférez- vous détourner une image d’Agnès Varda plutôt qu’en tourner une ?
Je trouvais la métaphore très bien dans le film d’Agnès.
Mais elle n’y est pas…
Non, bien sûr. C’est moi qui la construis en déplaçant l’image. Je ne pense pas faire du tort à l’image. Je la trouvais parfaite pour ce que je voulais dire. Si les Palestiniens et les Israéliens montaient un cirque et faisaient un numéro de trapèze ensemble, les choses seraient différentes au Moyen- Orient. Cette image montre pour moi un accord parfait, exactement ce que je voulais exprimer. Alors je prends l’image, puisqu’elle existe. Le socialisme du film consiste à saper l’idée de propriété, à commencer par celle des oeuvres… Il ne devrait pas y avoir de propriété des oeuvres. Beaumarchais voulait seulement bénéficier d’une partie des recettes du Mariage de Figaro. Il pouvait dire “Figaro, c’est moi qui l’ai écrit”. Mais je ne crois pas qu’il aurait dit “Figaro, c’est à moi”. Ce sentiment de propriété des oeuvres est venu plus tard. Aujourd’hui, un type pose des éclairages sur la tour Eiffel, il a été payé pour ça, mais si on filme la tour Eiffel on doit encore lui payer quelque chose.
Votre film sera mis en ligne sur FilmoTV en même temps qu’on pourra le découvrir en salle…
L’idée n’est pas de moi. Lorsqu’on a fait les films-annonces, c’est-à-dire tout le film mais en accéléré, j’ai proposé qu’on les mette sur YouTube parce que c’est un bon moyen de faire circuler les choses. La mise en ligne est l’idée du distributeur. Ils ont donné de l’argent pour le film, donc je fais ce qu’ils me demandent. Si ça ne tenait qu’à moi, je ne l’aurais pas sorti en salle de cette façon. On a mis quatre ans à faire ce film. En termes de production, il est très atypique. On l’a tourné à quatre, avec Battaggia, Arragno, Grivas, à égalité. Chacun partait de son côté et ramenait des images. Grivas est parti seul en Egypte et a ramené des heures de pellicule… On s’est donné beaucoup de temps. Je pense que le film aurait dû bénéficier d’un même rapport à la durée quant à sa distribution.
Ça veut dire quoi concrètement ?
J’aurais bien aimé qu’on engage un garçon et une fille, un couple qui ait envie de montrer des choses, qui soit lié un peu au cinéma, le genre de jeunes gens qu’on peut rencontrer dans des petits festivals. On leur donne une copie DVD du film puis on leur demande de suivre une formation de parachutiste. Ensuite, on pointe au hasard des lieux sur une carte de France et on les parachute dans ces endroits. Ils doivent montrer le film là où ils atterrissent. Dans un café, un hôtel… ils se débrouillent. Ils font payer la séance 3 ou 4 euros, pas plus. Ils peuvent filmer cette aventure et vendre ça ensuite. Grâce à eux, vous enquêtez sur ce que c’est que de distribuer ce film-là. Après seulement vous pouvez prendre des décisions, pour savoir si oui ou non on peut le projeter dans des salles normales. Mais pas avant d’avoir fait une enquête d’un ou deux ans là-dessus. Parce qu’avant, vous êtes comme moi : vous ne savez pas ce que c’est que ce film, vous ne savez pas qui peut s’y intéresser. Vous avez un peu déserté l’espace médiatique.
[...] http://blogs.lesinrocks.com/cannes2010/index.php/rencontres/le-droit-dauteur-un-auteur-na-que-des-devoirs-jean-luc- godard-00551 | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Jeu 27 Mai 2010, 05:26 | |
| Film socialisme, de Jean- Luc Godard. Avec Patti Smith, Alain Badiou, Bernard Maris, Cathy Tanvier
Film Socialisme, fascinant et barbant
Son premier plan sur les eaux de la Méditerranée est d'une beauté plastique envoûtante. Et, tout au long de ce puzzle aux pièces rarement mises aux places prévues, on se délecte devant ses éclairs de génie et son rapport quasi charnel avec la matière cinématographique.
Pour autant, ce film a du mal à susciter une quelconque empathie tant Godard a depuis longtemps cessé de chercher toute connivence avec le public.
l'article de l'Express. | |
| | | Lliam7 pilier
Nombre de messages : 807 Age : 55 Localisation : Belgique Date d'inscription : 02/01/2012
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mer 11 Juil 2012, 21:48 | |
| Rotko étant un admirateur de cette façon de travailler de Jean-Luc Godard je n'ai pas le même recul par rapport à l'empathie que tu sembles ne pas lui accorder. J'avoue me délecter de ce cinéma poétique et vrai. Quant à la connivence avec le public je ne vois pas où elle est moindre que dans un film poussif et surligné des Dardenne. Je n'ai guère vu celui dont tu parles mais j'en connais un bout sur son cinéma. On peut le taxer d'intellectuelle ou de abscons, moi je le trouve tout simplement poétique et beau. A l'image de "Je vous salue Marie" que je viens de revoir avec mes filles. Non seulement ce film est une variation sur la foi mais aussi sur la nativité et la féminité. Il y a sans doute énormément de raisons pour lesquelles je préfère ce cinéma là à un autre mais je me retrouve dedans, je retrouve mes aspirations d'artiste et d'homme ainsi que mes questionnements sur non seulement le monde mais aussi sur l'essence même de l'art que j’exerce.
L'interview plus haut me donne envie de relire la bible que les Cahiers avaient sortis en son temps: "JLG par JLG" | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Jeu 12 Juil 2012, 05:35 | |
| la remarque sur l'empathie vient du texte de l'express.
Moi j'ai vu plusieurs films de lui que j'ai bien aimés. il me reste à voir le mepris que j'ai enregistré. | |
| | | Lliam7 pilier
Nombre de messages : 807 Age : 55 Localisation : Belgique Date d'inscription : 02/01/2012
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Jeu 12 Juil 2012, 08:19 | |
| Ok Rotko, autant pour moi. J'avoue ne jamais lire les articles de presse préférant les écrits des auteurs eux-même. J'ai vu "Le mépris" en son temps, on dit de ce film qu'il est le plus classique du réalisateur suisse. Perso il m'a ennuyé, pas autant que "la Chinoise" (que je trouve d'une platitude sans mesure). C'est justement la dernière période, la plus hermétique, qui me plait le plus. J'ai l'impression de regarder des toiles de Robert Rauschenberg. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Dim 15 Juil 2012, 07:49 | |
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J’ai vu pour la première fois le mépris, de jean-luc Godard adaptation sans doute très libre d’un roman de Moravia.
Au départ, un projet de film sur L’Odyssée, mythe selon lequel, dit un personnage, l’homme affronterait les Dieux. On voit effectivement les statues toutes puissantes d’Athéna, l’alliée d’Ulysse, mais surtout les poses menaçantes de Neptune, hostile au voyageur.
Si cette histoire met en relief l’amour fidèle de Pénélope, tissant sa toile pour faire la nique aux prétendants, le metteur en scène comme le scénariste s’interrogent sur l’amour dans l’œuvre ; Ulysse ne serait pas parti s’il avait été amoureux de Pénélope, et celle-ci serait-elle restée fidèle pendant dix ans ?
En fait, les deux personnages principaux du film, le scénariste et sa femme (Piccoli- Bardot), unis au début du film voient leur amour se détricoter à la suite de manoeuvres douteuses du scénariste au profit du metteur en scène américain. De nos jours c’est l’argent qui crée les Dieux du cinéma.
Godard démystifie « l’usine à rêves », il en révise les acteurs comme les formes.
Ainsi le générique est-il « dit » plutôt que lu, les dialogues, volontairement plats, filmés comme la balle de tennis dans M. Hulot, par un va-et-vient de caméra, l’amour vu d’un oeil froid, la femme comme boudeuse, le dénouement, banal comme un accident de voiture.
Quant aux acteurs, le réalisateur du film, sacralisé par l’argent, règne sur la mer comme Neptune, par cette maison-vaisseau juchée sur un rocher, Il « joue aussi son Roméo, grâce à son Alfa.R… »
Le scénariste est un "auteur de polars" dont la femme est une "dactylo de 28 ans" : tous deux de mauvaise foi dans ce film de désamour banalisé.
On est bien loin d’Ulysse et de Pénélope, du destin (« c’est la vie » dit B.B), d’Homère (le réalisateur choisit une Nausicaa, vulgaire et maladroite au possible).
S’il s’agissait de s’en prendre aux mythes, celui du cinéma actuel est dans ce film particulièrement écorné par un Godard, démystificateur.
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Dim 15 Juil 2012, 07:55 | |
| Fouillé et documenté : L'avis du cine-club de Caen | |
| | | YOYOSKYDIVER33 neophyte
Nombre de messages : 4 Age : 80 Localisation : soulac/mer Date d'inscription : 25/07/2012
| Sujet: ptit avis Sam 28 Juil 2012, 01:11 | |
| le mépris? un bon film classique pierrot le fou? génie a l'etat pur.....inégalé/inégalable | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Sam 28 Juil 2012, 09:45 | |
| Classique, si l'on veut. je ne l'avais pas vu, et il reste un peu déroutant par rapport aux films habituels.
oui Godard est démystificateur. Brigitte Bardot passe son temps à porter une serviette autour du corps. Elle est donc prise à contre emploi. Les dialogues, banals à souhait, ne sont pas donnés avec le ton habituel. Godard passe le film au moule du roman photo. | |
| | | Dorkyminch pilier
Nombre de messages : 67 Localisation : Lugdunum Date d'inscription : 22/05/2009
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Sam 28 Juil 2012, 11:38 | |
| Pierrot le fou restera pour moi un choc, une révélation, un apogée. Découvert pour la première fois au premier rang d'une petite salle lyonnaise bondée, à l'occasion du Festival Lumières, il n'a pas cessé de me poursuivre ensuite. J'en suis encore, quelques années plus tard, à transcrire une nouvelle fois le script à la machine à écrire Le "reste" de l'oeuvre de Godard est intéressant ( le Mépris, A bout de souffle notamment) mais pour moi PLF est définitivement à part. (Merci Constance pour l'article d'Aragon !) | |
| | | Lliam7 pilier
Nombre de messages : 807 Age : 55 Localisation : Belgique Date d'inscription : 02/01/2012
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Sam 28 Juil 2012, 14:32 | |
| J'ai aussi vu "Pierrot le Fou", c'est vrai que c'est un film à part dans le 7° art mais pas dans l'oeuvre de Godard. Ce ton décalé et plein d'humour se retrouve dans d'autres films moins connus comme "Alphaville" par exemple. | |
| | | Dorkyminch pilier
Nombre de messages : 67 Localisation : Lugdunum Date d'inscription : 22/05/2009
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Sam 28 Juil 2012, 20:10 | |
| - Lliam7 a écrit:
- J'ai aussi vu "Pierrot le Fou", c'est vrai que c'est un film à part dans le 7° art mais pas dans l'oeuvre de Godard. Ce ton décalé et plein d'humour se retrouve dans d'autres films moins connus comme "Alphaville" par exemple.
Le ton décalé et plein d'humour est présent dans de nombreux films de Godard en effet. Cet espèce de détachement aussi, si l'on parle de la même chose. C'est plutôt la noirceur sous-jacente immense, le tragique qui me semble porté à son paroxysme dans PLF, sans renoncer à ce qui précède, qui en fait à mon sens sa spécificité. Mais je suis loin de connaitre toute l'étendue de son oeuvre, je parle donc en amateur plus ou moins éclairé. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Lun 18 Fév 2013, 08:15 | |
| A bout de souffleVoilà un « mauvais garçon » « beau gosse » qui conquiert la sympathie du public, la protection et l’amour des filles. Pire ! Ce cavaleur serait un amoureux proche du désespoir du moins à la fin du film. Il semblerait que Godard joue du masque, comme l’indique ce tableau de Picasso où, le masque enlevé, transparaît le vrai visage. L’arnaqueur en tout domaine, devenu tueur par les circonstances, est donc un individu joueur qui voit dans la vie un espace ludique : on fait une affaire, louche bien entendu, on prend une belle voiture, volée c’est entendu, et on part en Italie avec une jolie fille, à la recherche d’un bonheur éphémère, car rien n’est éternel. Cette fugacité de l’instant, on la voit dans les demandes de Michel, et le spectateur lui trouvera un caractère plus poignant à voir le filet se resserrer autour du cet homme désinvolte qui, sous des dehors décontractés, joue sa peau. Godard transforme donc le thème de la traque mortelle en comédie sentimentale, de plus en plus grave, et met au premier plan ce qui importe dans le choix de l’individu Michel. De même, le réalisateur cède la place aux acteurs à qui il confie son film : Belmondo regarde dans les yeux Humphrey Bogart, comme une nouvelle génération devant la précédente, et dans une affiche il lit le nom de jean Seberg qui interprète ici Patricia, vendeuse du Herald Tribune. Tel quel, le film se regarde avec plaisir, mais on trouvera peut-être qu’il vieillit mal, car par moments, le film n’avance pas, s’attardant sur un « marivaudage » sentimental qui faisait son originalité, à l’époque. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mar 19 Fév 2013, 05:18 | |
| Des airs de jazz contribuent à donner une allure désinvolte à Belmondo, il déambule dans un Paris représenté le jour, la nuit, avec des lieux qu'on reconnaît aisément.
"Si je m'analyse aujourd'hui, je vois que j'ai toujours voulu au fond, faire un film de recherche sous forme de spectacle. Le côté documentaire c'est : un homme dans telle situation. Le côté spectacle vient lorsqu'on fait de cet homme un gangster ou un agent secret". Ainsi même ici, où le documentaire semble cèder du terrain face au spectacle du gangster en cavale, la scène dans la chambre d'hôtel de Patricia, scène de théâtre, scène d'amour, scène de ménage, est le prototype de toutes les confrontations amoureuses emblématiques des films de Godard.
L'analyse du ciné-club.
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| | | soussou pilier
Nombre de messages : 14224 Date d'inscription : 25/02/2007
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mar 19 Fév 2013, 15:41 | |
| A bout de souffle était-il un film pour déplaire à la majorité des spectateurs, allait-il à contre courant du cinéma français de l'époque? Godard s'en explique ici.
https://youtu.be/uuNAUmqJd1Q
Un petit court metrage qui illustre bien la pensée de Godard, l'obscurantisme, l'absence de la pensée.
https://youtu.be/Wx37fO25k-4
Le vrai cinéma ne serait-ce pas vivre sa vie, sans passer par Cannes?
Il me semble que c'est là son message. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mar 19 Fév 2013, 15:55 | |
| - Citation :
- Le film totalisa 259 000 entrées en sept semaines d'exploitation parisienne : ce fut le seul succès commercial de Jean Luc Godard
Avec Belmondo, ce ne pouvait être qu'un succès, non ? ce qui n'enlève rien au mérite du film ! | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mar 26 Fév 2013, 17:29 | |
| Éloge de l'Amour film de 2001 Godard ne veut pas rentrer dans le schéma d’un scénario traditionnel : ses acteurs ne jouent pas, ils disent leur texte sans tomber dans la recherche d’ intonations. D’ailleurs les bruits extérieurs interviennent, sonneries de téléphone, conversations simultanées. Régulièrement, l’écran revient au noir, avec des intertitres, on ne saurait mieux casser la fiction. - Citation :
- « les choses sont là, pourquoi les inventer ? »
Le ciné-club justifiera le titre. Éloge de l'amour raconte l'histoire de trois couples, celle des jeunes Églantine et Perceval, celle des adultes, Edgar et La Femme, et celle du couple âgé des Bayard. Godard compose cette ligne mélodique sur les ruines du film imaginé par Edgar.
En contrepoint de cette pensée qui traverse les âges de la vie, Godard brode des "éloges de l'amour de quelque chose", ce quelque chose étant alternativement le cinéma, la littérature, la peinture et l'histoire ou même la magie et les voitures de sport. Je m’intéresse à d’autres axes : La Ville : Godard filme un paris quotidien, celui des foyers d’hébergement, des gares où l’on travaille la nuit, des cafés à l’heure de la fermeture. Sur les bancs dorment des clochards, images de la solitude et de la non disponibilité à l’amour, pourra-t-on penser. Pour les adultes, le passé constitue aussi un handicap, et les cicatrices de la guerre, (Résistance, Drancy) constituent des obstacles à un avenir commun. D’ailleurs le passé se vit à retardement. Le Cinéma : l’emprise des Américains (du Nord, le terme « Américain » signifie les États-Unis, rejetant dans l’ombre le Canada, l’Amérique centrale et du Sud !) a commercialisé toute production, thème déjà abordé dans le Mépris. Nombreuses sont les références littéraires dans ce film qui dit refuser les « phrases ». analyse très fouillée du cine-club qui, pour autant, n'explique pas tout. | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: Jean-Luc Godard Mar 05 Mar 2013, 16:26 | |
| Notre musique
le film qui débute sur des images de guerre, d'exécutions, d'enfant mutilés, s'interroge avec Bergounioux, Mahmoud Darwich ,et quelques autres sur le rôle de l'ecrivain, la place de la littérature et de l'image face aux conflits ; la vérité qu'ils restituent.
Godard déroute parce qu'il jongle avec les époques et les lieux, au cours de conversations entre initiés. l'article du ciné-club de Caen | |
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