En enfance de Matthieu Lindon, chez P.O.L
Faut-il pour évoquer son enfance donner dans le pittoresque comme Pagnol, ou le social comme Cavanna, évoquer les mauvaises farces, ou les grands chagrins ?
Matthieu Lindon n’a pas vécu dans les bas quartiers et ne recherche pas l’exceptionnel ou le scandaleux. On dirait au contraire que c’est le banal (entendez le quotidien) qui l’intéresse : les petites joies, comme celle de l’œuf à la coque qui semble intact après consommation, les petites peurs sur la balançoire, les petites angoisses d’avoir dit à un inconnu où il habitait.
L’enfant dit son plaisir à enquiquiner sa sœur, ses chamailleries avec un aîné moqueur, ses genoux rouges de mercurochrome quand il joue aux Indiens, ses subterfuges pour éviter un contrôle de latin, sa curiosité sous la chemise de nuit de sa sœur.
Le monde des adultes est imprévisible : le père rira-t-il de sa peur des chiens, ou s’amuse-t-il de ses maladresses de langage ? Car il y en a : à une infirmière qui lui trouve la visage mignon, on ne dit pas qu’elle a une jolie poitrine.
L’enfant est timide, un peu angoissé, et on lit avec plaisir les petites scènes qu’il décrit en trois pages maximum. C’est là le vrai plaisir discret de l’écriture, sans effets, précise et discrète, comme la présence de sa mère dont on sent toute l’affection.
Je crois que beaucoup d’entre nous devrions nous exercer à écrire des textes courts comme ces petits morceaux d’en Enfance. J’y vois un modèle de bonne écriture, éloigné du trop fréquent tape à l’œil.