Nasr Eddin Hodja [Patrimoine persan classique]

Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja


Pour une petite présentation du personnage connu (entre autres) sous le nom* de Nasr Eddin Hodja.

De l'absurde au grotesque, Nasr Eddin oscille entre ruse et bêtise, il est la voix de tous les hommes.

Divisé en histoires, les sublimes paroles et idioties portent tout à fait leur nom. Un régal de lecture.

* précision Seb

Une petite anecdote rapportée (de mémoire) du Livre de Goha* le simple (perles recueillies par Albert Adès et Albert Josipovici)
*Goha est le pendant ou l'ancêtre égyptien de Nasr Eddin Hodja:

Goha entre dans une boutique où de riches nourritures sont en train d'être cuisinées. Sans commander quoi que ce soit, il se tient au milieu de la boutique et se met à humer ostensiblement.
Le patron de l'établissement vient vers lui et le prend à partie: "Eh dis-donc, tu ne peux pas rester là à respirer gratuitement nos mets."
Goha proteste en disant qu'il ne fait que sentir et qu'il n'a touché à rien.
Un peu plus tard, l'autre revient à la charge: "Si tu veux continuer à profiter de mes odeurs, il t'en coûtera un dirham".
Goha manque s'étrangler: "Un dirham rien que pour respirer tes effluves? Tu ne manques pas d'air!"
"C'est comme ça, réplique le commerçant, si ça ne te plaît pas, tu n'as qu'à ressortir, la porte est grand ouverte."
Goha réfléchit quelques instants et soudain son regard s'éclaire:
"Bon, c'est d'accord!" lance-t-il au commerçant.
Là-dessus, il sort de sa poche un dirham et le lance sur le comptoir, où la pièce tournoie un long moment sans cesser de sonner et de tintinabuler.
Puis il rempoche la pièce et lance au patron:
"Voilà, j'ai fait profiter tes oreilles de mon argent comme tu as fait profiter mes narines de tes effluves."

Ca c'était pour le côté sublime...voici le côté idioties :

Une jeune femme, qui n'a toujours pas d'enfants au bout de deux ans de mariage, vient un soir en grand secret consulter Nasr Eddin, réputé comme guérisseur :
- Ô Hodja, qu'Allah te bénisse ! Mon mari et moi avons beaucoup planté et ensemencé, mais mon ventre reste désespérément stérile. Nous voici maintenant la risée du village. Connais quelque remède ?
- Ah ! Ma pauvre fille, il n'y a aucun remède, car ton mal est héréditaire. Ta défunte mère était exactement pareille.

Une petite dernière...

Une fois de plus, Nasr Eddin a réussi à s'introduire dans un banquet où il n'a pas été convié. Mais ce coup-ci, le maître de maison s'en aperçoit sur le champ :
-Tiens, Nasr Eddin, que fais tu donc là ? Je ne t'ai pas invité, que je sache !
-Ecoute-moi bien Omar : ce n'est pas parce que tu manques à tes devoirs que je vais me détourner du droit chemin.

Il faut que je cherche dans mes cartons, j'ai un livre qui date de contes qui raconte des histoires de Nasr Eddin.
Mais pourquoi sur mon livre il est écrit Nasrudin, ce n'est pas ce livre mais même nom.
Seb doit savoir ...



C'est truculent

Utopie a écrit:

Mais pourquoi sur mon livre il est écrit Nasrudin, ce n'est pas ce livre mais même nom.

C'est truculent

en fait c'est le même nom transcrit différemment, sachant qu'il y a des variantes un peu partout en Orient.
Idries Shah est d'origine afghane, c'est pour ça que son Hodja (Hadj) a le titre de Mulla (Mollah).
Mais c'est bien le même personnage, à la fois sage et candide, voire benêt par moments...

Merci merci Seb ! Il porte aussi différents titres selon les pays.

Je le savais que tu savais ...

Un jour, Djeha-Hodja Nasreddin décida de voyager pour parfaire son savoir. Quand un jeune homme lui demanda quels gens il allait chercher à rencontrer, il dit, se rappelant quelques sages paroles entendues au marché :

- Celui qui ne sait pas et ne sait pas qu'il ne sait pas, il est stupide. Il faut l'éviter.
- Celui qui ne sait pas et sait qu'il ne sait pas, c'est un enfant. Il faut lui apprendre.
- Celui qui sait et ne sait pas qu'il sait, il est endormi. Il faut le réveiller.
- Celui qui sait et sait qu'il sait, c'est un sage. Il faut le suivre.

Djeha-Hodja Nasreddin a fait une pause et a continué :
- Mais, vous savez combien il est difficile, mon fils, d'être certain que celui qui sait et sait qu'il sait, sait vraiment.

Quatre garçons vinrent trouver Djeha-Hodja Nasreddin et lui dirent :

- Nous ne pouvons pas partager des noix équitablement entre nous. Voulez-vous nous aider ?
- Voulez-vous le partage de Dieu ou celui du commun des mortels ? Leur demanda Djeha-Hodja Nasreddin.
- Le partage de Dieu, répondirent-ils.

Djeha-Hodja Nasreddin ouvrit le sac et donna deux poignées de noix à l'un des garçons, une poignée à un autre, deux noix au troisième et une noix au quatrième.

- Qu'est-ce que c'est que cette distribution, s'exclamèrent les enfants.
- C'est la manière divine, rétorqua Djeha-Hodja Nasreddin. Il donne beaucoup à certains, peu à quelques-uns et rien à d'autres. Si vous aviez choisi la manière des hommes, j'aurais fait un partage équitable.

Un jour, un homme trouve Djeha-Hodja Nasreddin en pleine nuit, à quatre pattes, cherchant quelque chose dans le halo de lumière d'un lampadaire.

- As-tu égaré quelque chose ? Lui demande-t-il.
- Oui, j'ai perdu mes clés, répond Djeha-Hodja Nasreddin.
- Et où les as-tu laissées tomber ?
- Là-bas, dit Djeha-Hodja Nasreddin, en désignant un porche obscur.
- Mais alors pourquoi les cherches-tu ici, alors que tu les as perdues ailleurs ? C'est stupide !
- Pas tant que ça ! Répond Djeha-Hodja Nasreddin, je préfère les chercher là où il y a de la lumière !

je dirais même !
grande idée qu'a eue Tchipette d'ouvrir ce fil! - malheureusement, moi j'ai égaré mon Livre de Goha il y a des années , donc faut que je me creuse la tête pour m'en rappeler...

Ah Nasr Eddin ... mon livre de chevet.

Certains posent sur leur table de nuit la Bible ou le Coran, le code des impôts ou les Pensées de Pascal ; moi, c'est Nasr Eddin.
Le plus sage des fous ou le plus fou des sages

Raconte-nous une histoire ... ou deux

Ce fil me donne une idée pour Noël !

Seb, tu en trouveras peut-être sur le net et pourras aussi nous raconter celles qui te touchent, t'amusent ...


Utopie qui a besoin qu'on lui conte des histoires

Un homme vend sa poule pour 5 akçe (monnaie ottomane) et son perroquet pour 50 akçe.

Le hodja s’approche et demande :

- Quel genre d’oiseau est ceci pour 50 akçe?
- C’est un perroquet ! Il parle !

Le hodja court chez lui et s’empare de son dindon. Il vient au marché et commence à crier:

- Cet oiseau pour seulement pour 100 akçe.

L’homme qui vend le perroquet est plus surpris que tous les autres.

- Hodja, 100 akçe n’est-ce pas trop pour un dindon ?
- Mais toi, tu vends le tien pour 50 !
- Le mien parle.
- Eh bien ! Le mien pense !

Nasr Eddin traverse la ville sur son âne, assis à l’envers. Malgré les moqueries, Nasr Eddin continue d'avancer, ou plutôt de reculer, très digne.

- Nasr Eddin, l’interpelle un de ses amis, tu te ridiculises, cesse donc ! Tu vois bien que tu es assis du côté du derrière et tourne le dos au chemin !

- Pas du tout, répond Nasr Eddin. Je suis bien face à la direction où je veux aller. Mais voilà, cet âne bâté qui me porte n’en sait rien.

Rhooooooo mais où est Tchipette que je l'embrassouille pour la remercier !
Merci Bernique, ce que tu racontes est bien vrai, je l'ai vu



On aimait bien embarrasser Nasr Eddin avec des questions oiseuses, ou carrément impossibles à trancher. Un jour, on lui demande :

- Nasr Eddin, toi qui est versé dans les sciences et les mystères, dis-nous quel est le plus utile, du soleil ou de la lune.

- La lune, sans aucun doute. Elle éclaire quand il fait nuit alors que ce stupide soleil luit quand il fait jour.

Trois de plus, trouvées dans le Livre de l'humour arabe, recueil établi par Jean-Jacques Schmidt aux éditions Actes Sud-Sindbad:

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Maître Joha, à l'article de la mort, dit à sa femme:
"Ma chère femme! Mets tes plus beaux atours, fais-toi belle, coiffe-toi avec élégance, lave-toi bien le visage et viens près de moi!
- Comment, dans un pareil moment, pourrais-je t'abandonner pour penser à ma toilette? Je ne pourrai jamais faire une chose pareille. Me crois-tu d'un esprit si faible, si froide et si ingrate pour me tenir de tels propos?
- Non, ma chère, ce n'est pas à cela que je pensais. Je vois Azraël [l'ange de la mort] planer au-dessus de moi. Peut-être qu'en te voyant si belle et dans de sompteux habits, il me laissera pour te prendre toi!"
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La belle-mère de Joha était devant le fleuve à laver des vêtements. Son pied glissa et elle tomba dans l'eau. Les gens se précipitèrent pour lui venir en aide, mais son corps avait disparu. Ne le retrouvant pas, ils en informèrent maître Joha qui arriva. Il alla vers l'amont du fleuve, à la recherche du corps. "Les cadavres descendent les cours d'eau, lui dit-on, ils ne les remontent pas!" Il hocha la tête et répliqua: "Vous ne savez pas qu'elle faisait tout à l'envers! Laissez-moi faire, j'ai appris à connaître sa manière d'agir!"
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On demanda un jour à Joha: "Quel âge as-tu?" Il répondit: "Quarante ans." Dix ans plus tard, on lui posa la même question et il répondit: "Quarante ans."
"Il y a dix ans, nous t'avons interrogé et tu as dit : Quarante ans. Et maintenant, tu nous dis la même chose?!" Il répliqua: "L'homme bien né ne revient jamais sur ce qu'il a dit!"

La première me rappelle l'époque où je vivais avec un Marocain et où il me disait qu'il voulait trois enfants et une fille.

Le patrimoine arabo-islamique, j'ai dû en abuser dans ma jeunesse.

Solweig a écrit:

Le patrimoine arabo-islamique, j'ai dû en abuser dans ma jeunesse.

oui, c'est une boisson tellement enivrante qu'il vaut mieux la consommer avec modération...