Le vieux nègre et la médaille Pour ceux qui désirent connaître l’âme Africaine de l’intérieur, ce petit opuscule fluide, drôle et attachant est une
merveille.
Nous suivons les pas de Meka, un Africain d’âge mûr, un « ancien » de la ville de Doum, qui se voit un jour distingué par le pouvoir officiel : le pouvoir blanc.
Il est convoqué par le « commandant » local qui lui apprend l’honneur dont il est l’objet : le gouverneur en personne va lui remettre une médaille le 14 juillet.
Pourquoi ?
Parce qu’il a aidé, paraît-il, à la bonne entente entre les colonisateurs blancs et les indigènes.
En d’autres termes, il est bon chrétien et surtout a « donné » sa maison à la mission catholique.
En clair, cet homme s’est laissé dépouiller de ses biens et de sa spiritualité par l’envahisseur.
Cette absence d’opposition n’est pas le fruit d’une collaboration passive. Elle est désintéressée, sincère et ingénue. Car en réalité, notre héros est un homme pieux et pacifique. Il a accepté l’invasion avec philosophie.
Le colonisateur a perçu sa docilité comme une soumission exemplaire. Qu’il convient de matérialiser par une récompense publique. Autant dire qu’il n’a pas compris grand-chose à cette lumineuse bonhomie...
L’auteur oppose la sagesse de cet Africain à l’affairisme vaniteux des blancs.
Il le fait sans rancœur.
Mais avec lucidité.
Les valeurs Africaines de partage, de solidarité, d’entraide sont mises en exergue avec beaucoup d’humour. Chacun accourt pour assister à la décoration le jour J : l’ami, le voisin, l’ami du voisin, l’ami de la cousine du voisin... Tous heureux de vivre un moment solennel.
On peut sourire de leur crédulité.
On peut aussi rêver de cette sagesse millénaire, tranchant avec le comportement occidental, agressif, orgueilleux et cupide.
La connerie des conquérants.
Universel.
PS : J’ai omis de dire que l’auteur se comporte en véritable griot, à l’instar de ses personnages et
c’est savoureux.
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L'auteur, Ferdinand Léopold Oyono est ministre de la culture au Cameroun depuis 1997.