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| | L'amour, la poésie | |
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Auteur | Message |
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poeme pilier
Nombre de messages : 1290 Age : 50 Date d'inscription : 26/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Ven 30 Oct 2009, 11:16 | |
| oui c'est vrai on s'est un peu perdu mais je laisse le plaisir a maya ou a constance d'ouvrir ce fil | |
| | | Maya pilier
Nombre de messages : 4596 Age : 71 Localisation : Thrace Date d'inscription : 16/07/2009
| | | | poeme pilier
Nombre de messages : 1290 Age : 50 Date d'inscription : 26/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Ven 30 Oct 2009, 11:36 | |
| si tu veux de l'aide maya ca serait avec plaisir n'hesite pas | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Lun 02 Nov 2009, 17:09 | |
| La Belle Dame Sans Merci
Ah! Qu'est-ce qui peut te faire souffrir, pauvre être, Errant solitaire et pâle ? Les joncs sont flétris au bord du lac, Nul oiseau ne chante.
Oh ! Qu'est-ce qui peut te faire souffrir, pauvre être, Si farouche et si malheureux ? Le grenier de l'écureuil est plein Et la moisson est rentrée.
Je vois un lys sur ton front Moite d'angoisse et de fiévreuse rosée, Et sur ta joue une rose qui s'effeuille Commence aussi à se flétrir.
J'ai rencontré une dame dans les prés, Très belle, la fille d'une fée; Ses cheveux étaient longs, ses pieds légers, Et son regard sauvage.
Je fis une guirlande pour sa tête, Et des bracelets, et une ceinture parfumée. Elle me regardait comme si elle m'aimait Et poussait une douce plainte.
Je l'assis sur mon coursier paisible Et ne vis rien d'autre tout le jour; Car elle se penchait de côté et chantait Une chanson de fée.
Elle trouva pour moi des racines d'un goût exquis, Du miel sauvage et une rosée douce comme la manne; Et sûrement en un langage étrange elle me dit: - Je t'aime d'amour fidèle.
Elle m'entraîna dans sa grotte d'elfe Là, me contemplant, elle poussa un profond soupir, Là, je fermai ses yeux égarés et tristes Et l'embrassai pour l'endormir.
Là, nous sommeillâmes sur la mousse Et là je rêvai, hélas ! hélas! Le dernier rêve que j'aie jamais rêvé Sur le flanc de la froide colline.
Je vis des rois pâles et des princes aussi, De pâles guerriers; tous étaient pâles comme la mort, Et criaient : - La Belle Dame sans Merci Te tient en servage.
Je vis dans les ténèbres, leurs lèvres affamées Grandes ouvertes pour faire peur et m'avertir; Et je m'éveillai et me trouvai ici Sur le flanc de la froide colline.
Et voilà pourquoi je demeure ici, Errant, solitaire et pâle, Bien que les joncs soient flétris au bord du lac Et que nul oiseau ne chante.
John Keats
(Toile de Sir Franck Dicksee, intitulée "La belle Dame Sans Merci") | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Lun 09 Nov 2009, 21:28 | |
| Le dedans d'un bois
Sur le pré la nausée d'un lourd feu de lilas, Une pénombre de basilique œuvrant son ombre dans le bois. Restait-il chose au monde pour les baisers de ces deux-là ? Tout ce monde était leur chose, leur cire molle sous leurs doigts.
Et le songe était ce songe: on ne sommeille pas, on songe Seulement qu'on est soif de songe, qu'un homme sombre Dans le sommeil et que, sautant des yeux, deux sombres Soleils ardent ses cils au long du songe.
Onde, tout rayon ! Onde, les fuyantes rondes, Des lucioles ! sur les pommettes la canetille des libellules Croisait son onde. Et le bois, redondant de diligentes Lueurs, avait semblance d'horlogerie sous les brucelles.
Et la semblance était : sous le tictac d'un cadran un bois sombrant Dans le songe; et, le temps de ce somme, sur un pic dans l'amer Ambre on met à l'heure selon le temps Qu'il fait la plus exacte horloge de l'éther.
L'horloge, on la mue; on tortille les aiguilles; Il y a semaille d'ombre, jour qu'on débilite, vrilles Forant pour que l'ombre, mât agressif, puisse Dominer le cadran bleu quand le jour s'épuise.
La semblance était : l'antique monde boisé en joie est bois dormant; La semblance était : bois enclos d'un couchant de songes. Mais ceux-là qui sont la joie ne regardent aucun cadran Et ces deux-là, leur semblance est : seulement sommeil et songes !
( Poèmes, de Boris Pasternak)
Toile de Vladimir Kusch | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| | | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Ven 13 Nov 2009, 17:29 | |
| Ave
Très haut amour, s'il se peut que je meure Sans avoir su d'où je vous possédais, En quel soleil était votre demeure En quel passé votre temps, en quelle heure Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire, Feu sans foyer dont j'ai fait tout mon jour, En quel destin vous traciez mon histoire, En quel sommeil se voyait votre gloire, Ô mon séjour ...
Quand je serai pour moi-même perdue Et divisée à l'abîme infini, Infiniment, quand je serai rompue, Quand le présent dont je suis revêtue Aura trahi,
Par l'univers en mille corps brisée, De mille instants non rassemblés encor, De cendre aux cieux jusqu'au néant vannée, Vous referez pour une étrange année Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image De mille corps emportés par le jour, Vive unité sans nom et sans visage, Cœur de l'esprit, ô centre du mirage Très haut amour
Catherine Pozzi
(Très haut amour, poèmes et autres textes) | |
| | | poeme pilier
Nombre de messages : 1290 Age : 50 Date d'inscription : 26/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Ven 13 Nov 2009, 19:23 | |
| il est magnifique ce poème. Il est doux et mélancolique à la fois. | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Ven 13 Nov 2009, 20:04 | |
| Ce "très haut amour" qui lui inspira ces magnifiques vers, n'était autre que le poète Paul Valéry ... | |
| | | poeme pilier
Nombre de messages : 1290 Age : 50 Date d'inscription : 26/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Ven 13 Nov 2009, 20:43 | |
| Elle a écrit de très beaux poèmes. J'ai vu qu'un livre est sorti au sujet de leurs correspondances : "La Flamme et la cendre Correspondance" c'est aux éditions Gallimard. | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| | | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Jeu 19 Nov 2009, 15:06 | |
| Vis dans ma vie; Quand je suis triste, sois triste Retire de notre chaos Quelques-uns de tes sourires sagaces, Car j'ai de la gaieté pour deux, Beaucoup trop pour moi seul. Et si nous en faisons un rire cruel Nous aurons du temps Un espace de mensonges Pour prouver que nous pouvons être bons. Voici ta poitrine, Et voici la mienne. Voici ton pied Et voici le mien. Mais vis dans ma vie, J'offre si peu contre Si peu que tu ne peux que le rendre.
Dylan Thomas
(Poèmes de jeunesse) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Dim 06 Déc 2009, 10:59 | |
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Comme un long lévrier s'étire sur le sol, L'ombre s'allonge auprès de nous et, sous la vigne, Les moucherons ont clairsemé leur frêle vol : La lune immense a le lourd glissement d'un cygne.
Les vieux pommiers sont noirs sur l'écran net du ciel : Rameaux tors et nerveux sur le fond d'une eau-forte ; La ruche ralentit ses doux rouets de miel ; On entend une à une se fermer les portes.
Le soir est à côté de toi. Ne bouge pas ; Tu pourrais l'éloigner, si tu faisais un pas. Il me semble que le jardin monte vers nous. L'air devient peu à peu plus odorant et doux.
Restons silencieux. Que la bonne fatigue Nous engourdisse et calme les fièvres du jour. Tu peux fermer tes yeux couleur de fraîche figue : Sur toi, je veille avec la lune, mon amour.
Noël Ruet
(Muses, mon beau souci)
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| | | [D]ark-Siren pilier
Nombre de messages : 59 Age : 34 Date d'inscription : 23/12/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Sam 26 Déc 2009, 22:52 | |
| Cet Amour
Cet amour Si violent Si fragile Si tendre Si désespéré Cet amour Beau comme le jour Et mauvais comme le temps Quand le temps est mauvais Cet amour si vrai Cet amour si beau Si heureux Si joyeux Et si dérisoire Tremblant de peur comme un enfant dans le noir Et si sûr de lui Comme un homme tranquille au milieu de la nuit Cet amour qui faisait peur aux autres Qui les faisait parler Qui les faisait blêmir Cet amour guetté Parce que nous le guettions Traqué blessé piétiné achevé nié oublié Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié Cet amour tout entier Si vivant encore Et tout ensoleillé C'est le tien C'est le mien Celui qui a été Cette chose toujours nouvelles Et qui n'a pas changé Aussi vraie qu'une plante Aussi tremblante qu'un oiseau Aussi chaude aussi vivante que l'été Nous pouvons tous les deux Aller et revenir Nous pouvons oublier Et puis nous rendormir Nous réveiller souffrir vieillir Nous endormir encore Rêver à la mort Nous éveiller sourire et rire Et rajeunir Notre amour reste là Têtu comme une bourrique Vivant comme le désir Cruel comme la mémoire Bête comme les regrets Tendre comme le souvenir Froid comme le marbre Beau comme le jour Fragile comme un enfant Il nous regarde en souriant Et il nous parle sans rien dire Et moi j'écoute en tremblant Et je crie Je crie pour toi Je crie pour moi Je te supplie Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment Et qui se sont aimés Oui je lui crie Pour toi pour moi et pour tous les autres Que je ne connais pas Reste là Là où tu es Là où tu étais autrefois Reste là Ne bouge pas Ne t'en va pas Nous qui sommes aimés Nous t'avons oublié Toi ne nous oublie pas Nous n'avions que toi sur la terre Ne nous laisse pas devenir froids Beaucoup plus loin toujours Et n'importe où Donne-nous signe de vie Beaucoup plus tard au coin d'un bois Dans la forêt de la mémoire Surgis soudain Tends-nous la main Et sauve-nous.
Jacques Prévert | |
| | | bencherif pilier
Nombre de messages : 245 Date d'inscription : 24/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Dim 27 Déc 2009, 17:15 | |
| A Elvire Oui, l'Anio murmure encore Le doux nom de Cynthie aux rochers de Tibur, Vaucluse a retenu le nom chéri de Laure, Et Ferrare au siècle futur Murmurera toujours celui d'Eléonore ! Heureuse la beauté que le poète adore ! Heureux le nom qu'il a chanté ! Toi, qu'en secret son culte honore, Tu peux, tu peux mourir ! dans la postérité Il lègue à ce qu'il aime une éternelle vie, Et l'amante et l'amant sur l'aile du génie Montent, d'un vol égal, à l'immortalité ! Ah! si mon frêle esquif, battu par la tempête, Grâce à des vents plus doux, pouvait surgir au port ? Si des soleils plus beaux se levaient sur ma tête ? Si les pleurs d'une amante, attendrissant le sort, Ecartaient de mon front les ombres de la mort ? Peut-être?..., oui, pardonne, ô maître de la lyre ! Peut-être j'oserais, et que n'ose un amant ? Egaler mon audace à l'amour qui m'inspire, Et, dans des chants rivaux célébrant mon délire, De notre amour aussi laisser un monument ! Ainsi le voyageur qui dans son court passage Se repose un moment à l'abri du vallon, Sur l'arbre hospitalier dont il goûta l'ombrage Avant que de partir, aime à graver son nom !
Vois-tu comme tout change ou meurt dans la nature ? La terre perd ses fruits, les forêts leur parure ; Le fleuve perd son onde au vaste sein des mers ; Par un souffle des vents la prairie est fanée, Et le char de l'automne, au penchant de l'année, Roule, déjà poussé par la main des hivers ! Comme un géant armé d'un glaive inévitable, Atteignant au hasard tous les êtres divers, Le temps avec la mort, d'un vol infatigable Renouvelle en fuyant ce mobile univers ! Dans l'éternel oubli tombe ce qu'il moissonne : Tel un rapide été voit tomber sa couronne Dans la corbeille des glaneurs ! Tel un pampre jauni voit la féconde automne Livrer ses fruits dorés au char des vendangeurs ! Vous tomberez ainsi, courtes fleurs de la vie ! Jeunesse, amour, plaisir,. fugitive beauté ! Beauté, présent d'un jour que le ciel nous envie, Ainsi vous tomberez, si la main du génie Ne vous rend l'immortalité ! Vois d'un oeil de pitié la vulgaire jeunesse, Brillante de beauté, s'enivrant de plaisir ! Quand elle aura tari sa coupe enchanteresse, Que restera-t-il d'elle? à peine un souvenir : Le tombeau qui l'attend l'engloutit tout entière, Un silence éternel succède à ses amours ; Mais les siècles auront passé sur ta poussière, Elvire, et tu vivras toujours Alphonse de Lamartine
'je supplée à Constance | |
| | | bencherif pilier
Nombre de messages : 245 Date d'inscription : 24/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Mar 29 Déc 2009, 07:42 | |
| Gérard de Nerval
Une femme est l'amour
Une femme est l'amour, la gloire et l'espérance ; Aux enfants qu'elle guide, à l'homme consolé, Elle élève le coeur et calme la souffrance, Comme un esprit des cieux sur la terre exilé.
Courbé par le travail ou par la destinée, L'homme à sa voix s'élève et son front s'éclaircit ; Toujours impatient dans sa course bornée, Un sourire le dompte et son coeur s'adoucit.
Dans ce siècle de fer la gloire est incertaine : Bien longtemps à l'attendre il faut se résigner. Mais qui n'aimerait pas, dans sa grâce sereine, La beauté qui la donne ou qui la fait gagner ? | |
| | | bencherif pilier
Nombre de messages : 245 Date d'inscription : 24/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Mar 05 Jan 2010, 09:36 | |
| Pierre de Ronsard(1524-1585)
Amourette Or que l'hiver roidit la glace épaisse, Réchauffons-nous, ma gentille maîtresse, Non accroupis près le foyer cendreux, Mais aux plaisirs des combats amoureux. Assisons-nous sur cette molle couche. Sus ! baisez-moi, tendez-moi votre bouche, Pressez mon col de vos bras dépliés, Et maintenant votre mère oubliez. Que de la dent votre tétin je morde, Que vos cheveux fil à fil je détorde. Il ne faut point, en si folâtres jeux, Comme au dimanche arranger ses cheveux. Approchez donc, tournez-moi votre joue. Vous rougissez ? il faut que je me joue. Vous souriez : avez-vous . point ouï Quelque doux mot qui vous ait réjoui ? Je vous disais que la main j'allais mettre Sur votre sein : le voulez-vous permettre ? Ne fuyez pas sans parler : je vois bien A vos regards que vous le voulez bien. Je vous connais en voyant votre mine. Je jure Amour que vous êtes si fine, Que pour mourir, de bouche ne diriez Qu'on vous baisât, bien que le désiriez ; Car toute fille, encor' qu'elle ait envie Du jeu d'aimer, désire être ravie. Témoin en est Hélène, qui suivit D'un franc vouloir Pâris, qui la ravit. Je veux user d'une douce main-forte. Hà ! vous tombez, vous faites jà la morte. Hà ! quel plaisir dans le coeur je reçois ! Sans vous baiser, vous moqueriez de moi En votre lit, quand vous seriez seulette. Or sus ! c'est fait, ma gentille brunette. Recommençons afin que nos beaux ans Soient réchauffés de combats si plaisants
posté par Ronsard du Ksar, dit encore frère de Ronsard | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Mar 05 Jan 2010, 10:56 | |
| Voilà qui réchauffe l'atmosphère | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| | | | bencherif pilier
Nombre de messages : 245 Date d'inscription : 24/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Jeu 07 Jan 2010, 11:48 | |
| Alfred de Musset (1810-1857)
A Juana O ciel ! je vous revois, madame, De tous les amours de mon âme Vous le plus tendre et le premier. Vous souvient-il de notre histoire ? Moi, j'en ai gardé la mémoire : C'était, je crois, l'été dernier.
Ah ! marquise, quand on y pense, Ce temps qu'en folie on dépense, Comme il nous échappe et nous fuit ! Sais-tu bien, ma vieille maîtresse, Qu'à l'hiver, sans qu'il y paraisse, J'aurai vingt ans, et toi dix-huit ?
Eh bien ! m'amour, sans flatterie, Si ma rose est un peu pâlie, Elle a conservé sa beauté. Enfant ! jamais tête espagnole Ne fut si belle, ni si folle. Te souviens-tu de cet été ?
De nos soirs, de notre querelle ? Tu me donnas, je me rappelle, Ton collier d'or pour m'apaiser, Et pendant trois nuits, que je meure, Je m'éveillai tous les quarts d'heure, Pour le voir et pour le baiser.
Et ta duègne, ô duègne damnée ! Et la diabolique journée Où tu pensas faire mourir, O ma perle d'Andalousie, Ton vieux mari de jalousie, Et ton jeune amant de plaisir !
Ah ! prenez-y garde, marquise, Cet amour-là, quoi qu'on en dise, Se retrouvera quelque jour. Quand un coeur vous a contenue, Juana, la place est devenue Trop vaste pour un autre amour.
Mais que dis-je ? ainsi va le monde. Comment lutterais-je avec l'onde Dont les flots ne reculent pas ? Ferme tes yeux, tes bras, ton âme ; Adieu, ma vie, adieu, madame, Ainsi va le monde ici-bas.
Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours perdus ; Tout s'en va comme la fumée, L'espérance et la renommée, Et moi qui vous ai tant aimée, Et toi qui ne t'en souviens plus ! | |
| | | bencherif pilier
Nombre de messages : 245 Date d'inscription : 24/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Dim 10 Jan 2010, 10:03 | |
| Alphonse de Lamartine (1790-1969)
A El*** (Elvire)
Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie, Tes deux mains dans la mienne, assis à tes côtés, J'abandonne mon âme aux molles voluptés Et je laisse couler les heures que j'oublie; Lorsqu'au fond des forêts je t'entraîne avec moi, Lorsque tes doux soupirs charment seuls mon oreille, Ou que, te répétant les serments de la veille, Je te jure à mon tour de n'adorer que toi; Lorsqu'enfin, plus heureux, ton front charmant repose Sur mon genou tremblant qui lui sert de soutien, Et que mes doux regards sont suspendus au tien Comme l'abeille avide aux feuilles de la rose; Souvent alors, souvent, dans le fond de mon coeur Pénètre comme un trait une vague terreur; Tu me vois tressaillir; je pâlis, je frissonne, Et troublé tout à coup dans le sein du bonheur, Je sens couler des pleurs dont mon âme s'étonne. Tu me presses soudain dans tes bras caressants, Tu m'interroges, tu t'alarmes, Et je vois de tes yeux s'échapper quelques larmes Qui viennent se mêler aux pleurs que je répands. " De quel ennui secret ton âme est-elle atteinte? Me dis-tu : cher amour, épanche ta douleur; J'adoucirai ta peine en écoutant ta plainte, Et mon coeur versera le baume dans ton coeur. " Ne m'interroge plus, à moitié de moi-même! Enlacé dans tes bras, quand tu me dis : Je t'aime; Quand mes yeux enivrés se soulèvent vers toi, Nul mortel sous les cieux n'est plus heureux que moi? Mais jusque dans le sein des heures fortunées Je ne sais quelle voix que j'entends retentir Me poursuit, et vient m'avertir Que le bonheur s'enfuit sur l'aile des années, Et que de nos amours le flambeau doit mourir! D'un vol épouvanté, dans le sombre avenir Mon âme avec effroi se plonge, Et je me dis : Ce n'est qu'un songe Que le bonheur qui doit finir. | |
| | | bencherif pilier
Nombre de messages : 245 Date d'inscription : 24/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Lun 18 Jan 2010, 11:49 | |
| Charles Baudelaire (1821-1867) La beauté Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ; J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes ; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes, Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments, Consumeront leurs jours en d'austères études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses plus belles : Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ! | |
| | | bencherif pilier
Nombre de messages : 245 Date d'inscription : 24/10/2009
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Mar 26 Jan 2010, 13:58 | |
| José Maria de Heredia (1842-1905)
Le bain des nymphes C'est un vallon sauvage abrité de l'Euxin ; Au-dessus de la Source un noir laurier se penche, Et la Nymphe, riant, suspendue à la branche, Frôle d'un pied craintif l'eau froide du bassin.
Ses compagnes, d'un bond, à l'appel du buccin, Dans l'onde jaillissante où s'ébat leur chair blanche Plongent, et de l'écume émergent une hanche, De clairs cheveux, un torse ou la rose d'un sein.
Une gaîté divine emplit le grand bois sombre. Mais deux yeux, brusquement, ont illuminé l'ombre. Le satyre !... son rire épouvante leurs jeux ;
Elles s'élancent. Tel, lorsqu'un corbeau sinistre Croasse, sur le fleuve éperdument neigeux S'effarouche le vol des cygnes du Caÿstre. | |
| | | vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Mar 02 Fév 2010, 17:33 | |
| ALLEGEANCE
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?
Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.
Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?
René Char, extrait de "Eloge d'une soupçonnée" | |
| | | vtarallo pilier
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 23/01/2010
| Sujet: Re: L'amour, la poésie Mar 02 Fév 2010, 17:40 | |
| L'AMOUREUSE EN SECRET
Elle a mis le couvert et mené à la perfection Ce à quoi son amour assis en face d'elle Parlera bas tout à l'heure, en la dévisageant. Cette nourriture semblable à l'anche d'un hautbois. Sous la table, ses chevilles nues caressent à présent La chaleur du bien-aimé, tandis que des voix Qu'elle n'entend pas, la complimentent. Le rayon de la lampe emmêle, tisse sa distraction sensuelle. Un lit, très loin, sait-elle, patiente et tremble Dans l'exil des draps odorants, comme un lac De montagne qui ne sera jamais abandonné.
L.G. GROS | |
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