Sade

rabiblio a écrit:

L'homme est-il bon ou mauvais de nature ?

C'est, me semble-t-il, une interrogation qu'on retrouve chez Diderot. Titre d'une de ses comédies - que je n'ai pas lue, et question essentielle dans le neveu de Rameau

rotko a écrit:

rabiblio a écrit:

L'homme est-il bon ou mauvais de nature ?

C'est, me semble-t-il, une interrogation qu'on retrouve chez Diderot. Titre d'une de ses comédies - que je n'ai pas lue, et question essentielle dans le neveu de Rameau

Selon quelques notes de cette édition , Sade aurait lu beaucoup d'auteurs dont Diderot justement.

Suis-je la seule personne à trouver Sade MORTELLEMENT ENNUYEUX ?

Sphynx a écrit:

Suis-je la seule personne à trouver Sade MORTELLEMENT ENNUYEUX ?

Il se répète souvent c'est un fait ! Mais vu que je n'ai lu que ce roman de lui je n'ai pas encore eu le temps de m'ennuyer.

Sphynx a écrit:

Suis-je la seule personne à trouver Sade MORTELLEMENT ENNUYEUX ?

Je ne suis pas loin de dire la même chose que toi . Cela dit je n'ai lu aucun ouvrage de lui en entier; j'ai essayé les 120 journées de Sodome, ainsi que Justine, mais je n'ai pas tenu bien longtemps...Je n'arrive pas à passer outre l'aspect gore et écoeurant

Citation :

Sade tant d'années après sa mort te [Troglodyte] fait encore fantasmer sur ses fantasmes !

s'étonne Marie, admirative :

Citation :

c'est du grand art !

Sade est un vrai réservoir à fantasmes, comme le dit Elisabeth Roudinesco dans la part obscure de nous-mêmes, une histoire des pervers, chez Albin Michel,

Elle consacre son chapitre 2 à Sade envers et contre lui-même.

Elle voit en particulier dans les cent vingt journées de Sodome un récit effarant

Citation :

« au point de ressembler à un jeu récréatif où viendraient s’échouer tous les fantasmes propres à cette perversité polymorphe qui caractérise le monde de l’enfance ».

E. Roudinesco se penche en bonne psychanalyste sur l’enfance et l’éducation du marquis, une morgue de classe accentuée par l’ entourage et des circonstances, qui l’amènent à se servir des autres, dans une parodie de l’esprit libertin.

Sade développe à tout prix la peinture d’une sexualité extravagante, spectaculaire, avec de multiples partenaires, aussi divers que l’eunuque, la vieille, l’hermaphrodite, le dindon, la chèvre, et le garçon de 4 ans.

Dans « la philosophie dans le boudoir » , il développe une théorie qui inverse radicalement les valeurs des sociétés humaines, avec l’obligation de la sodomie, de l’inceste, et du crime.

Par la sodomie, il prône la transgression de la différence des sexes, puisque chacun/chacune s’y met, sinon avec ardeur, du moins avec discipline - ce qui faisait dire à Foucauld que Sade était un « sergent du sexe », et transgresse l’ordre de reproduction. Toute cette société tend vers l’extinction de la race humaine (à mettre en rapport avec le déclin de l’aristocratie à laquelle il appartient ?), abolit l’institution du père et la fonction maternelle.

Puisque la nature est cruelle, il faut lui obéir et céder à nos pulsions de mort, ce qui rend inutile et absurde une peine de mort décrétée par la justice.

Roudinesco/Sade, dans la part obscure de nous-mêmes, une histoire des pervers, chez Albin Michel,

Enfin la personnalité et la vie de Sade ne manquent pas de surprendre :

il ne supporte pas les cruautés de la révolution, les épisodes sanglants, pas plus que les mauvaises odeurs, lui qui s’était fait le chantre de « la puissance olfactive des excréments » ;

il se montre un père affectueux non pour ses fils illégitimes, mais pour l’enfant de sa maîtresse, à qui il cache ses sulfureuses productions écrites.

Le chapitre s’achève sur les représentations théâtrales qu’il organise à l’asile de Charenton en précurseur des sexologues.

Je crois que somme toute c'était quelqu'un d'attachant.

Du Sade light, sans sexe, ça existe ! Les âmes sensibles espérant toujours l'entrée de la morale réconfortante dans l'oeuvre du perturbé trouveront dans Ernestine leur bonheur : de l'amour, du vrai amour, de celui dont jaillissent les pleurs, un texte court où court la plume argentine du maître, ciseleur des tournures flûtées qui vous happent dans leur flot frais mais toujours un peu inquiétant.

Citation :

Et l'infortuné jeune homme osa supplier Ernestine de lui laisser cueillir, sur ses lèvres de rose, un baiser précieux qui pût lui tenir lieu du gage qu'il exigeait de ses promesses ; la sage et prudente Sanders, (nom de famille d'Ernestine) qui n'en avait jamais tant accordé, crut devoir quelque chose aux circonstances, elle se pencha dans les bras d'Herman, qui, brûlé d'amour et de désir, succombant à l'excès de cette joie sombre qui ne s'exprime que par des pleurs, scella les serments de sa flamme sur la plus belle bouche du monde, et reçut de cette bouche, encore imprimée sur la sienne, les expressions les plus délicieuses et de l'amour et de la constance.

Roudinesco, en bonne psychanalyste, débusque les faux semblants et enlève les masques.

Elle voyait chez Sade un fin dissimulateur qui cachait à sa maitresse ses écrits licencieux, voire plus. Les écrits bien convenables auraient donc été ecrits, selon elle, pour donner le change.

Par ailleurs, on pourrait penser qu'une maîtresse serait plus vite au courant qu'une autre de la sexualité débridée de son amant.

eh bien non ! Elle ne s'est apparemment aperçue de rien...

Je suis presque tenté de dire que Sade est à la littérature pornographique ce que Mozart est à la musique.

Et je crois que tu as raison
aucun autre n'a osé aller si loin dans les écrits ou alors carrément "les brigades mondaines" de "de villiers" ce qui n'avait aucune classe . Sade a su parler de tout "ça" avec un art indéniable et osé pour son époque.
Mais j'ai dit à plusieurs reprises que comparativement à certains écrivains de notre temps Sade était un enfant de choeur!

Je dévie un peu du sujet puisque je ne connais que quelques passages de Sade, mais je relève la phrase de Marie C
sur

Citation :

certains écrivains de notre temps

j'ai entendu que jouir de Catherine Cusset ne faisait pas le plaisir du lecteur. A vérifier, évidemment.

moi j'avais bien aimé mais rien à voir avec Sade moins profond, si je puis dire et moins recherché. Sade avait le don de nous entrainer dans des situations où il fallait u n papier et u n crayon pour essayer de comprendre certaines figures . Cela m'est arrivé avec des collègues pendant l'heure de déjeuner et franchement c'était pas facile, car on retrouvait toujours u n participant en tournant une autre page

Ce que je voulais dire, sans parler du fond de son propos, c'est qu'il parvenait à dire des obscénités d'une manière très élégante. Certes il lui arrive d'être lourd, surtout dans les longs discours philosophiques par lesquels les méchants personnages cherchent à donner une assise à leur mal ; mais bien souvent sa prose me fait penser au son de la flûte, ou du clavecin.

j'avais vu en son temps une pièce de théatre qui m'avait marquée sur sa vie, justement quand il fait jouer les fous c'était magique et malgrè les mots prononcés rien n'était vulgaire. Bref grand bonhomme.

non je ne l'ai jamais trouvé lourd, en fait, un peu compliqué parfois, en chemins de traverse par rapport à la norme mais c'est ce qui a fait qu'il était lui.

y'a pas longtemps j'ai lu la philosophie dans le boudoir, ainsi que justine ou les malheurs de la vertu.
plutôt éprouvant. déjà par la violence du sujet et sa manière de la traiter. et surtout par la répétition des scènes et des dissertations philosophiques ( j'aurais peut être pas du les lire coup sur coup remarque ) . ça crée un truc véritablement obsédant, une réflexion totalement a contre courant des valeurs dans laquelle la plupart des gens grandissent, qui m'a collé pendant plusieurs jours. et au final, je ne regrette absolument pas de l'avoir lu.
pour camus, sade représentait parfaitement la négation absolue.
et c'est certainement pour ça que c'est un type à lire.

Bandini a écrit:

pour camus, sade représentait parfaitement la négation absolue.
et c'est certainement pour ça que c'est un type à lire.

Où parle-t-il de lui ? dans l'homme révolté ?

oui. dans la partie sur la révolte métaphysique.

Je viens juste d'achever Ernestine.
C'est par cette nouvelle que j'ai découvert Sade.
Et j'en sors amer.
Trahison, villénie et autre cruauté me semblent les acteurs principaux de cette prose.

Cela ne m'incitait guère à poursuivre ma découverte du marquis.
Et pourtant, j'ai lu dans la foulée un bon tiers de la philosophie dans le boudoir. Et si mon petit côté voyeur a, un temps, été émoustillé par ma lecture, ce second livre ne me semble pas moins dérangeant que le premier.

Je n'irai pas au bout de la philosophie dans le boudoir.
De façon tout à fait exceptionnelle (je n'aime pas ça)... j'abandonne et préfère passer à autre chose.

je sais plus dans quel livre, sade expose ses motivations qui le poussent a être écrivain. et en gros - si ma mémoire est ok - il voulait continuer à faire le mal après sa mort, que la jouissance de sa cruauté traverse le temps.

mais après c'est à remettre dans un contexte particulier. il a vécu en prison ( et en asile ) une énorme majorité de sa vie. forcément, pour accepter son sort dans ce cas là on passe soit par la soumission totale ou alors par une extrême violence. il a choisi la deuxième option et il a bien négocié le virage.

Bandini a écrit:

je sais plus dans quel livre, sade expose ses motivations qui le poussent a être écrivain. et en gros - si ma mémoire est ok - il voulait continuer à faire le mal après sa mort, que la jouissance de sa cruauté traverse le temps.

mais après c'est à remettre dans un contexte particulier. il a vécu en prison ( et en asile ) une énorme majorité de sa vie. forcément, pour accepter son sort dans ce cas là on passe soit par la soumission totale ou alors par une extrême violence. il a choisi la deuxième option et il a bien négocié le virage.

Tu veux dire que Sade était un misanthrope qui, tenant ses contemporains pour responsables de ses souffrances, a voulu laisser une oeuvre capable de déranger et de choquer les lecteurs, y compris après sa mort ?
Ses écrits ne seraient qu'une vengeance ?

C'est de son nom que découle le terme sadique... je commence à entrevoir pourquoi !

Je n'ai parcouru que les 120 journées de Sodome, je dis ''parcouru'', car j'ai du mal à croire qu'on puisse lire entièrement ce livre ( ). On n'a pas fait plus trash que ça.. Mais pour moi, c'est vraiment un catalogue d'horreurs, sans cohérence, le but est plutôt d'accumuler des détails plus horribles les uns que les autres.
Quelqu'un a vu l'excellent film adapté de la vie de Sade, avec Geoffrey Rush dans le rôle du marquis, Quills ?

Il faudra pourtant y croire C'est une lecture, après tout, assez adaptée au sujet, tout comme le "style" dans lequel il a été écrit. C'est un peu dommage de siroter le bord de ce livre avec pudibonderie, il faut que ça soit dur et violent comme un coït.

Il faut toujours à un moment pousser les choses jusqu'au bout, et Sade, concernant les fantasmes les plus insalubres qui soient, a bien fait. Il faut dire qu'emprisonné comme il était, il avait le temps de laisser cours à son imagination...

Et puis l'histoire du trash pour le trash, je trouve l'introduction à ce topic par oxymoron tout à fait juste, lorsqu'il rappelle la portée idéologique que peut avoir l'expression de ces ébats sexuels.

Sade a d'ailleurs un regard assez clinique sur ses personnages dans les 120 journées. Le huis-clos installé à lui seul l'avère, et tu as bien dû voir toute l'énorme introduction sur les protagonistes. L'attention qu'il y porte, affirmant lui-même qu'il est bien nécessaire de prendre compte de tout ce qu'il y dit pour la suite des évènements montre clairement que ce n'est pas qu'une violence répandue n'importe comment sur des pages, elle est réfléchie, dans un but clair et certain certes, mais réfléchie tout de même. J'ai le sentiment de faire une belle lapalissade en disant ça, mais enfin il semblerait que cela soit contesté. C'est de toute façon l'éternel débat de l'intérêt artistique que peut avoir une œuvre dite pornographique.