Choderlos de Laclos (1741-1803)

- SOS lecture, Marine à votre écoute.
- Bonsoir madame, je suis en train de lire Les Liaisons dangereuses, et j'éprouve une difficulté de compréhension dans la Lettre 57, du vicomte de Valmont à la marquise de Merteuil.
- Ne quittez pas, je vous passe M. de Saint-Simon, notre spécialiste du XVIIIème siècle.
. . Quelques secondes passent. Une voix semblant venue du fond des âges me demande :
- Voulez-vous bien citer le passage qui vous encombre ?
. . Je m'exécute, et lis : "Pendant que je disserte ici, vous faites mieux avec votre Chevalier. Cela me fait songer que vous m'avez promis une infidélité en ma faveur, j'en ai votre promesse par écrit et je ne veux pas en faire un billet de La Châtre." Mon interlocuteur rit doucement, me demande si je connais Ninon de Lenclos, je lui réponds que j'en connais à peine le nom, et voici ce qu'il m'en apprend :
- Jamais Ninon n'avait qu'un amant à la fois, mais des adorateurs en foule, et, quand elle se lassait du tenant, elle le lui disait franchement et en prenait un autre. Le délaissé avait beau gémir et parler : c'était un arrêt, et cette créature avait usurpé un tel empire, qu'il n'eût osé se prendre à celui qui le supplantait, trop heureux encore d'être admis sur le pied d'ami de la maison. Elle a quelquefois gardé à son tenant, quand il lui plaisait fort, fidélité entière pendant toute une campagne. La Châtre, sur le point de partir, prétendit être de ces heureux distingués. Apparemment que Ninon ne lui promit pas bien nettement : il fut assez sot, et il l'était beaucoup, et présomptueux à l'avenant, pour lui en demander un billet ; elle le lui fit. Il l'emporta, et s'en vanta fort. Le billet fut mal tenu, et, chaque fois qu'elle y manquait : "Oh ! le bon billet, s'écriait-elle, qu'a là La Châtre !" Son fortuné, à la fin, lui demanda ce que cela voulait dire. Elle le lui expliqua ; il le conta, et accabla La Châtre d'un ridicule qui gagna jusqu'à l'armée où il était.

Les deux lettres qui me semblent essentielles dans les liaisons dangereuses, s'il fallait n'en citer que deux, sont celles-ci :

La lettre LXXXI ou l'autobiographie de Madame de Merteuil, son apprentissage, sa formation d'autodidacte dans le domaine du vice, qu'elle revendique avec orgueil :

Citation :

je puis dire que je suis mon ouvrage.

.

La lettre XLVIII ou lettre du pupitre :

Citation :

"c'est après une nuit orageuse",

où Valmont joue sur deux tableaux, accordant une signification précise mais différente à chaque lectrice de sa lettre. Pour le lecteur, il a eu soin de le prévenir dans la lettre XLVII adressée à Madame de Merteuil. Il explique : [j'ai trouvé le moyen d']

Citation :

écrire à ma belle dévote à qui j'ai trouvé plaisant d'envoyer une lettre écrite du lit et presque d'entre les bras d'une fille, interrompue même pour une infidélité complète, et dans laquelle je lui rends un compte exact de ma situation et de ma conduite.

. . Je suis toujours ébahi par la manière adroite dont on nous mène peu à peu vers le sordide, en partant de la comédie.

A côté de la Princesse de Clèves, c'est quand même un peu lourd dans l'expression. La construction des phrases est un peu trop figée ; est-ce parce que Laclos était un militaire ?

je crois plutôt que chaque personnage du roman a son style propre.

Effectivement, chacun des personnages a son propre style. Les phrases sont vraiment bien construite et surtout le style épistolaire est parfaitement maîtrisé par Laclos.
En revanche, et je ne sais pas s'il faut y voir une coïncidence Troglodyte, mais je n'ai pas du tout accroché avec le style de la Princesse de Clèves. Et le sujet ne m'a guère emballé.

Purée ! Ca serait un superbe travail, d'analyser et de comparer le style de ces deux oeuvres ! La Princesse de CLèves est plus rond, plus lisse, la tristesse y est plus diluée.

La "simple" étude des différents styles au sein des Liaisons, par rapport à chacun des personnages, serait déjà très intéressante - d'ailleurs ça m'étonnerait qu'elle n'ait pas été faite.

Tu as raison, Troglodyte, ces deux oeuvres sont tellement étudiés dans les lycées et les facs que les essais d'explication sur les styles doivent être nombreux.
Il y a quand même un différence : l'un est roman épistolaire, l'autre non.

Tiens, j'ai sous la main (c'est dans ma bibliothèque, mais je ne le savais même pas) un exemplaire d'un commentaire de La Princesse de Clèves par Henriette Levillain.

J'y jette un coup d'oeil...

Devinette

Citation :

La marquise et Solange ont un homme commun : valmont, puis Danceny

quel est le troisième ?

réponse de lucius

bon, a priori, il n'y a aucune Solange dans le bouquin de Laclos. En revanche, il y a Cécile Volanges.

étant donné que Cécile couche avec Valmont, puis avec Danceny, puis file direct au couvent, je donne ma langue au chat.
s'il y a un troisième homme, ce n'est pas sexuel...

rotko

d'accord c'est cécile

le troisieme homme est l'ancien amant de Merteuil et celui que cecile devait épouser : le comte de gercourt.

ah oui j'avais oublié ça
mais comme la marquise a couché avec tout le monde, j'aurais dû trouver tout de suite

lucius a écrit:

[...]
mais comme la marquise a couché avec tout le monde, j'aurais dû trouver tout de suite

La marquise a-t-elle couché avec Cécile ?

Citation :

lucius a écrit:
[...]
mais comme la marquise a couché avec tout le monde, j'aurais dû trouver tout de suite
La marquise a-t-elle couché avec Cécile ?

Vous le saurez en regardant le nouvel épisode des liaisons dangereuses: Valmont 2, le retour de la momie

Mme de Merteuil a-t-elle couché avec Cécile Volanges ?
Si j'ai lancé cette question, c'est que j'ai trois indices :

Citation :

(Lettre 20, Merteuil à Valmont)
Jusque-là, mon cher Vicomte, vous trouverez bon que je reste fidèle à mon Chevalier, et que je m'amuse à le rendre heureux, malgré le petit chagrin que cela vous cause. Cependant si j'avais moins de moeurs, je crois qu'il aurait dans ce moment, un rival dangereux ; c'est la petite Volanges. Je raffole de cet enfant : c'est une vraie passion.

Citation :

(Lettre 54, Merteuil à Valmont)
La petite assure pourtant qu'il voulait davantage, mais qu'elle a su se défendre. Je parierais bien qu'elle se vante, ou qu'elle l'excuse ; je m'en suis même presque assurée. En effet, il m'a pris fantaisie de savoir à quoi m'en tenir sur la défense dont elle était capable ; et moi, simple femme, de propos en propos, j'ai monté sa tête au point... Enfin vous pouvez m'en croire, jamais personne ne fut plus susceptible d'une surprise des sens. Elle est vraiment aimable, cette chère petite !

Citation :

(Lettre 55, Cécile à sa copine de couvent)
Je crois même que quand une fois on a de l'amour, cela se répand jusque sur l'amitié. Celle que j'ai pour toi n'a pourtant pas changé ; c'est toujours comme au couvent : mais ce que je te dis, je l'éprouve avec Mme de Merteuil. Il me semble que je l'aime plus comme Danceny que comme toi, et quelquefois je voudrais qu'elle fût lui.

Qu'en pensez vous ?

je pense que la marquise a fait son éducation sexuelle, et que Valmont en a rajouté un couche avec les travaux pratiques

"... et quelquefois je voudrais qu'elle fût lui." Cécile est troublée, elle ne sait plus tout à fait où elle en est. Mais l'emploi du conditionnel montre, à mon sens, que tout cela reste du domaine du fantasme...

Tout n'est pas dit dans les liaisons.

Les textes cités par Troglo sont intéressants, je ne les avais pas vus.

moi si, mais je viens de le lire, je n'ai aucun mérite

Citation :

En effet, il m'a pris fantaisie de savoir à quoi m'en tenir sur la défense dont elle était capable ; et moi, simple femme, de propos en propos, j'ai monté sa tête au point... Enfin vous pouvez m'en croire, jamais personne ne fut plus susceptible d'une surprise des sens.

Je me demande ce que veut dire le passage que j'ai mis en gras !

en fait, il faut lire : d'une surprise d'essence.
Cécile est surprise par la montée du prix du gazole, même si sa twingo ne consomme pas beaucoup

je crois effectivement Troglo que tu emportes le point.

ah, c'était un concours?
fallait le dire tout de suite.
mais bon, c'est pas du jeu, y a des spécialistes...

je serais peut-être meilleur sur San Antonio

Je reste dans le flou. Je suppute qu'elles se seraient embrassées, mais pas plus...

http://www.teleramaradio.fr/article.php3?id_article=770

On peut télécharger les textes.

Heiner Muller transpose et poursuit au théâtre les liaisons

Madame de Merteuil, libertine épuisée s’offre un ultime festin: les doigts du Marquis de Valmont lui arrachent des soupirs; elle s’amuse d’être ainsi ravie par son cousin en licence érotique.

cette pièce de 1980, est un codicille vertigineux aux Liaisons dangereuses de Laclos. La fin d’un monde à hauteur de jouisseurs.

J'ai toujours pensé que Merteuil et Cécile avaient eu une liaison...