Antoine Choplin

Est ce que le héron est suffisant pour montrer l'horreur de Guernica?

Après avoir lu ce roman de Choplin, j'ai compris que l'horreur pouvait être symbolisée par cet oiseau craintif et solitaire. Il ne demande rien, ne fait de mal à personne! Le personnage principal connait cet oiseau depuis longtemps et l'admire de loin et puis... La guerre... Le héron va représenter la destruction, la mort... Sans doute moins puissant que Guernica mais assez efficace dans son style.

Et puis je pense qu'il y a entre héron et héro qu'une lettre de différence... Peut être simpliste mais il est difficile de se mesurer à Picasso.

oui, cette proximité entre héron et heros m'a traversé l'esprit. Mais qu'en faire ?

une rencontre est prévue avec Antoine Choplin, au plus tard en janvier, et j'ecouterai son point de vue.

je sais déjà ce qu'il dira : seul l'art peut rendre compte de la réalité, mais que fera-t-il du héron et de son peintre ?

bonne idée d'intervenir, kez

Citation :

seul l'art peut rendre compte de la réalité, mais que fera-t-il du héron et de son peintre ?

j'ai mes réponses d'Antoine Choplin :

- le héron a ceci de particulier qu'il reste longtemps immobile, tout en donnant l'impression d'être vivant. C'est pourquoi le peindre représente un défi difficile, celui de donner la vie à l'immobilité.

L'artiste s'attelle donc à une tâche difficile, et quasi desespérée.

- Pour le peintre, Basilio dans l'histoire, s'attacher à "rendre" un héron dans ces circonstances, c'est à la fois dérisoire et désespéré.

- Rendre le réel est complexe, par exemple une situation de dialogue.

L'écriture ne peut s'interesser à la fois aux multiples sensations des différents personnages. Antoine Choplin travaillle beaucoup ses dialogues, soucieux de la façon de parler des protagonistes qui ont moins à respecter la "correction grammaticale" qu'à user de phrases interrompues, ou de silences.

A cet égard, j'ai beaucoup apprécié dans cour Nord les dialogues minimalistes entre le père et le fils : ils se comprennent plus par les attitudes ou des silences que par ce qu'ils disent explicitement.

Dans cour Nord la juxtaposition et l'interférence de deux dialogues dans le café permet de sentir les deux démarches, du père et du fils : un entretien du musicien avec un journaliste permet d'entendre en même temps les conversations des clients sur la grève à l'usine (donc plus ou moins directement des nouvelles du père).

Les Cargos Glissent à l'Horizon des Rues

Editions Cénomane


j'ai écouté ces poésies hiers soir en lecture collective ou alternée. Des photos étaient projetées sur un écran, et des improvisations jazzy de bonne qualité ponctuaient ou accompagnaient les lectures.

C'est une expérience interessante ; je reste toutefois un peu réticent sur les lectures alternées où un récitant dit une phrase qu'un autre prolonge d'un mot ainsi mis en relief.

Un homme sur une moto, à laquelle est accrochée une remorque bringuebalante, traverse la campagne ukrainienne. [...] évoquer un monde à jamais disparu où ce qui a survécu au désastre tient à quelques lueurs d'humanité.

j'ai entendu l'auteur en lire des extraits, et sans rien savoir du thème du livre, le sujet en était très perceptible.

Du coup je voudrais trouver Radeau, roman très court d'Antoine Choplin, que je n'avais pu finir, pris de court par l'horaire de fermeture d'une bibliothèque armoricaine.

L’impasse, 152 p. La fosse aux ours.

Un champ de ruines. 4 soldats russes, d’ après les prénoms, veulent « nettoyer » une impasse. A l’autre bout, une famille, des hommes et des femmes d’âge divers. On devine, on attend, et on craint un affrontement.

Antoine Choplin pose le lecteur dans les actions en cours, avec les paroles en direct, les pauses, les silences, les plaisanteries cyniques censées justifier des actes innommables.

De courts chapitres équilibrent des scènes en montage alterné, d’un bout de l’impasse à l’autre, tandis qu’ un troisième plan établit une passerelle fortuite, entre deux hommes dont les pays respectifs sont en guerre.

Le récit est sobre, concis, brut, même si l’arrière-plan suggère un îlot d’humanité.

Reste que l’impasse est aussi un titre symbolique.

(à suivre) une bonne lecture

Le schéma de cette tragédie - comment un récit intitulé IMPASSE pourrait-il ne pas être tragique ?, est visuellement significatif et facile à retenir.

--------------------------------------------------------- Hélicoptère

Soldats russes >>>>>>>>>>>>>>>>>>IMPASSE>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> famille cachée


Destruction………………………………………....................................................Survie et régénération

OLEG********************** ******** liens d‘amitié ************************* TIMOUR


--------------------------------------------------------- Bibliothèque

Mon petit schéma n'épuise pas le livre, loin de là, mais pourrait servir à lancer un débat entre des lecteurs : Antoine Choplin oppose au monde de la barbarie et de la destruction, le monde de la culture qui ne se réduit pas au livre :

il comprend aussi les pratiques sportives, ici le lancement du poids ou la danse, par les relations qu'ils instaurent entre les gens, la sculpture - il est question de toutes petites sculptures de Giacometti etc.

regardez donc si vous avez du Choplin dans vos bibliothèques, et surveillez l'apparition de la nuit tombée...

La nuit tombée fait son petit chemin, apprécié des lecteurs pour une écriture dense qui traduit les aventures contemporaines, angoissantes, même si elles apparaissent d'abord avec une beauté insolite, comme une "féérie".

Ils n’auraient jamais dû le faire, Gouri l’avait compris peu après. Ils l’avaient fait pourtant, avec enthousiasme et même, une joie vague. Ils étaient venus ensemble, c’était tout près d’ici, Kesnia et lui, au matin du 26 avril. Voir un peu. Le bleu étrange de l’incendie. Les irisations. Cette féérie. Ils avaient même hésité à s’approcher encore. Une chose insignifiante — il ne pouvait se souvenir quoi exactement, une course à faire, un rendez-vous ? — les en avait empêchés. Ils y seraient allés, sinon, mais dans la main.

Encore plus près. Ils se seraient jetés là – dedans pour de bon, père et fille ensemble, pris par l’intensité du spectacle, le sourire, presque, à leurs visages. Comme ces autres enfants rassemblés du côté de la voie ferrée, offrant leurs chants et farandoles au feu d’artifice. Et envoûtés une fois pour toutes. Aujourd’hui, ou demain, disparus. »

Tout près de Tchernobyl.

la nuit tombée fait son chemin, je lis radeau

jeudi 29 novembre : la grande librairie 20h40 F5

Grand reporter, clic ! Annick Cojean évoque avec François Busnel l'essai «Les Proies. Dans le harem de Khadafi», paru chez Grasset.

Lionel Duroy publie «L'Hiver des hommes», chez Julliard, un roman se déroulant dans la république serbe de Bosnie et mettant en scène les acteurs du conflit qui, poursuivant un idéal de «pureté nationale», ont chassé les musulmans et les Croates.

Antoine Choplin publie quant à lui «La Nuit tombée», chez La Fosse aux ours, un road-trip halluciné à travers la zone contaminée de Tchernobyl.

Le radeau eition la fosse aux ours.

Inutile à mon avis de lire la quatrième de couverture, il faut laisser embarquer par l’auteur, comme cette femme dans la nuit qui monte dans le camion de Louis. Ainsi on goûte à l’inattendu des rencontres, aux conversations qui hésitent à s’établir, aux silences qui en disent long.

Citation :

« Comme cette femme prononce toujours les paroles espérées, comme elle rompt si bien le silence nécessaire »

dira plus tard Sarah, en parlant de la femme du moulin.

Antoine Choplin montre excellent : il sait écouter ses personnages, mieux, il demande à son lecteur d’être lui aussi à l’écoute :

Des bruits de voix.

Et puis des pas qui résonnent, sans doute dans le couloir. S’arrêtent juste derrière la porte. On chuchote. La poignée tourne doucement. Sarah se redresse.

La tête qui se faufile dans l’embrasure est celle de Louis.

Au départ, on est donc dans un camion et non dans un radeau !

Il en sera question plus tard. La première partie, celle que je préfère, se déroule en 1940, sous l’occupation. La seconde, en 1943;

Citation :

« on est tous embarqués sur le même rafiot »

dira un personnage.

La guerre, l’art, le souci d’autrui, la solidarité, tels sont les thèmes de Choplin.

Les peintures ne sont plus dans un musée, elle prennent l’air dans un champ, et les gens s’en soucient, car ils vivent près d’elles, au quotidien.

Une belle façon de lutter pour rester humain, pour ne pas succomber à la laideur et à la barbarie, en 1943.

Ah, combien il m'intrigue, cet auteur! Dommage qu'il ne soit pas remarque par les traducteurs de chez moi...

je n'ai pas développé le thème sur le post du radeau, pour ne pas être indiscret.

Antoine Choplin à la grande librairie (f5) le 30/11/2012.

La presentation souligne la présence de l'Art dans ses récits, qu'il s'agisse de peinture ou de musique, les messages ci-dessus le prouvent amplement. L'auteur se refuse à en savoir plus que ses personnages, il jette donc un regard à hauteur d'homme, et dans la nuit tombée, celui d'un motocycliste-écrivain public : pendant 18 mois, il écrit un poème par jour, en fraternité avec les liquidateurs de Tchernobyl restés sur les lieux.

Le silence joue un grand rôle dans les écrits de Choplin ( phrases suspendues, disposition sur la page, silences des personnages dont l'un s'appelle le "Taiseux" dans le radeau).

A chacun de comprendre et de complèter, ce qui concerne les protagonistes comme le lecteur.

C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai préféré la première partie du radeau à la seconde, où le message devient plus explicite sur certains tableaux.

Dans la nuit tombée, l'écrivain public - et donc l'auteur par son entremise, fait entrer la poésie et l'Art dans ces endroits mortels et glacés.

Citation :

entrer la poésie et l'Art dans ces endroits mortels et glacés.

En peu de mots Antoine Choplain nous rapproche de l'indicible
En quelques pages toute l'humanité est là avec le pire et le meilleur

Déjà Le héron de Guernica m'avait beaucoup impressionnée, par contre le radeau m'avait plutôt déçue

Ce dernier livre m'incite à le relire

À suivre et à lire absolument

La nuit tombée,

1/2

La quatrième de couverture n’est pas en général rédigée par l’auteur, et c’est bien dommage de la voir révéler tout de go ce que l’auteur laisse à deviner : ainsi commencer au milieu de l’action oblige à prêter au récit une attention scrupuleuse, à se familiariser progressivement avec le contexte et les personnages.

Bien sûr on devine qu’un évènement catastrophique a eu lieu :

Citation :

« Les quelques enfants qui jouent sur les bas-côtés ressemblent à ceux d’avant »,

on apprend petit à petit, de quoi il s’agit, par des conversations allusives, ou des silences, ou des symptômes..

Les noms de lieux situent à l’action en Russie, et des termes comme « zone interdite » sont parfaitement clairs.

Choplin ne fait pas un roman policier avec des mystères à bon marché.

On comprend la détresse des protagonistes dans leur désir dérisoire de rester dans une maison qui représente toute leur vie, ou de récupérer un objet symbolique pour une enfant malade.

A la différence d’un journaliste qui vend la mèche, Choplin fait ressentir et vivre le malaise. Les moindres mots, le mouvement difficile, la photo sur le mur, tout traduit l’inquiétude et l’angoisse : elles se nourrissent des souvenirs, d’une actuelle visite, d’un projet.

La nuit tombée,

2/2

Les différents personnages prennent la parole,

« Au début quand tu te promènes dans Pripiat, la seule chose que tu vois, c’est la ville morte. La ville fantôme. Les immeubles vides, les herbes qui poussent dans les fissures du béton. Toutes ces rues abandonnées Au début, c’est ça qui te prend aux tripes. Mais avec le temps, ce qui finit par te sauter en premier à la figure, ce serait plutôt cette sorte de jus qui suinte de partout, comme quelque chose qui palpiterait encore. Quelque chose de bien vivant et c’est ça qui te colle la trouille. Ça, c’est une vraie poisse, un truc qui t’attrape partout. Et d’abord là-dedans.

De son pouce, il tapote plusieurs fois son crâne.

Je sais de quoi je parle. »

Ils expriment leurs détresses devant le fléau

« les gros engins avec leurs énormes pelles dentées, ils se ramènent à trois et ils t’attrapent la baraque au niveau des fondations et ils te ramassent çà ni plus ni moins que comme une merde de chien ».

Gouri, lui, en poète et écrivain, délivre à la fois un message de révolte mais aussi d'amour
pour les humains.

« les poèmes. Un chaque jour. […] Quelques mots chaque jour, oui, un poème si on veut, comme un petit crachat de ma salive à moi
dans le grand feu »

Le tournage du film d'Alexandre ­Sokourov, Francofonia, en évoquant le destin des œuvres d'art sous l'oc­cupation, rappelle un aspect de la ­Seconde Guerre mondiale que l'actualité vient de remettre en lumière, avec la découverte dans un appartement à Munich de tableaux pillés par les nazis.
La dispersion organisée des collections du Louvre (mais aussi de nombreux trésors du patrimoine européen) est le versant opposé de cette histoire sinistre, un vaste mouvement de résistance contre la spoliation.

l'article du Figaro

c'est le thème de Radeau