Borodine et le prince Igor

Son conflit intérieur déclenche une guerre générale, exutoire absolu d'un quotidien lassant et inopportun. Igor perd la bataille contre le khan Kontchak mais gagne un paradis, fût-il artificiel. Blessé au combat et fait prisonnier par son ennemi, il découvre en songe une cité radieuse baignée d'un immense champ de pavots rouges.

Le génie visionnaire de Tcherniakov est d'avoir réveillé par cette mer carmine et sensuelle tous les sacres de tous les printemps de la Russie païenne. Effarement jouissif, les Danses polovtsiennes d'où jaillissent des nuées de jeunes filles sauterelles, de jeunes gens papillons, dans une chorégraphie ailée à la Pina Bausch, loin des amours légitimes corsetées de sa femme, des murs roides de sa ville citadelle de Putvil.

L'article du Monde donne une image fidèle du spectacle splendide donnée au Met, et que j'ai vu retransmis au cinéma. 

La bataille contre les Polovtsiens reprend un procédé fréquent dans le cinéma russe : des plans de cinéma en noir et blanc, montrant Igor blessé et comateux, puis, comme dans un délire, l'épisode du champ de coquelicots, tout en couleurs, séquence quise termine par une époustouflante chorégraphie.