"Seamus Heaney est là..." Il y a quelques jours à peine, en août, dans les rues d'Enniskillen, en Ulster, on murmurait que le grand poète irlandais honorait de sa présence le festival Beckett. Comme si le Prix Nobel de littérature (1995) avait tenu à venir saluer une dernière fois un autre Prix Nobel irlandais (Samuel Beckett, en 1969) avant de tirer sa révérence. Ce fut sa dernière apparition en public.
Seamus Heaney est mort vendredi 30 août dans un hôpital de Dublin "après une courte maladie", a indiqué sa famille dans un communiqué. Agé de 74 ans et vénéré dans son île natale, il était l'un des poètes anglophones les plus lus et appréciés dans le monde.
D'inspiration élégiaque, la poésie de Seamus Heaney joue sur les chocs des contrastes : la violence de la situation politique en Irlande, d'une part, la douce sensualité de la nature et de ses paysages, de l'autre. Il faut dire que Heaney aura très tôt été marqué par la vie rurale traditionnelle. Aîné de neuf enfants, il naît le 13 avril 1939 à Castledown, dans le comté de Derry, en Irlande du nord, au sein de la minorité catholique.
ENFANCE À LA FERME
Son père est éleveur et vendeur de bétail. Heaney passe son enfance à la ferme, fasciné par "cette famille qui n'en finit pas de s'étendre", c'est-à-dire par les nombreuses naissances de ses frères et sœurs. Fasciné aussi par les beautés et les mystères de la nature environnante. Dans son discours de Stockholm, il évoque avec tendresse la façon dont cette enfance dans "une petite ferme de trois pièces et sous un toit de chaume" l'aura finalement protégé des duretés du monde extérieur. Comme si l'essentiel – la nature, l'humilité, la fraternité et la force intérieure qui en émanent – s' étaient profondément inscrites en lui dès ces années-là.
Seamus Heaney avait été distingué par le comité Nobel en 1995 "pour ses œuvres d'une beauté lyrique et d'une profondeur éthique".
A l'école, où il est boursier et apprend le gaélique, Heaney passe avec autant de bonheur, "de la terre de la ferme au ciel de la connaissance". Il commence à écrire a Belfast, à l'université, où il étudie la langue et la littérature anglaise à l'université de Queen's et se lie avec d'autres poètes d'Irlande du nord. A 27 ans, il publie son premier recueil, Death of a naturalist ("Mort d'un naturaliste") chez son prestigieux éditeur de toujours, Faber and Faber (1966).
IDENTITÉ COMPLEXE ET DÉCHIRÉE
La même année, il est nommé maître de conférences à Queen's University, où il restera jusqu'en 1972. Plus tard, il sera enseignant à Dublin puis à Harvard, et enfin à Oxford, où il occupera la chaire de poésie jusqu'en 1994, continuant de partager sa vie entre enseignement, lectures publiques et création poétique.
Dès Mort d'un naturaliste et Door into the Dark ("Porte vers le noir", 1966), Heaney affirme un sens profond de son identité irlandaise. Une identité complexe et déchirée, faite de strates historiques et linguistiques et marquée de façon indélébile par le conflit entre les deux Irlande. En 1975, il publie North, un recueil d'impressions d'Irlande du Nord, souvent considéré comme l'une de ses plus grandes œuvres.
S'il n'a aucune affinité avec les activistes républicains irlandais, il avoue comprendre leur "passion de la revanche tribale". "La poésie existe à l'intérieur de contrées culturelles ; elle peut les transcender, se diffuser au-delà de celles-ci, mais sa vie première se situe à l'intérieur d'un certain domaine de langage", déclarait-il en 1991. Les grands livres de la maturité, Wintering Out ("La Traversée de l'hiver", 1972), North, et Field Work ("Fouille", 1979), tendent toutefois à élargir la vision profondément tragique et à donner à cette identité irlandaise une valeur universelle et symbolique.
UNE PUISSANCE PEU COMMUNE
L'Irlande, la tourbe, la boue, les "sels de la terre"... Mais aussi l'histoire, les légendes celtiques, les racines paysannes : telle est donc la matière première de Seamus Heaney. Chez lui, cependant, la référence au sol natal n'est jamais enfermante. Elle se double d'une vaste culture européenne, où Dante occupe une place centrale. L'écriture est toujours simple et limpide.
"Heaney, toute sa vie, est resté fidèle à sa conviction première selon laquelle la poésie se doit d'être à la fois mystérieuse et accessible", remarque le poète britannique Patrick McGuinness. "Il savait que ce qui est universel en poésie n'est jamais abstrait, mais concret." Ce qui n'empêche que l'intensité lyrique de sa langue, sa profondeur éthique et la multiplicité des échos qui s'y manifestent donnent à la poésie de Heaney une puissance peu commune : "Dans un sens, l'efficacité de la poésie est nulle, s'amusait le barde irlandais. Aucun poète lyrique n'a jamais arrêté un tank. Mais dans un autre sens elle est illimitée."
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PAR SEAMUS HEANEY 1939-2013
Entre mes doigts et mon pouce
Le stylo squat repose, agréable comme une arme.
Sous ma fenêtre, un son âpre et grinçant propre
Lorsque les puits bêche dans le sol graveleux:
Mon père, en creusant. Je regarde en bas
Jusqu'à sa croupe tendu entre les plates-bandes
Bends faibles, revient vingt années loin
Penché en rythme grâce à des exercices de pommes de terre
Où qu'il creusait.
La botte grossier niché sur la patte, l'arbre
Contre le genou intérieur était fermement effet de levier.
Il a extirpé grands tops, enterré au bord brillant profond
Pour disperser pommes de terre nouvelles que nous avons choisi,
Aimer leur dureté frais dans nos mains.
Par Dieu, le vieil homme ne pouvait gérer un chat.
Tout comme son vieil homme.
Mon grand-père couper le gazon plus en un jour
Que n'importe quel autre homme sur la tourbière de toner.
Une fois que je l'ai porté lait dans une bouteille
Corked nonchalamment avec le papier. Il se redressa
Pour boire, puis a chuté à tout de suite
Entailler et découper soigneusement, en poussant mottes
Dessus son épaule, descendre et vers le bas
Pour le bien du gazon. Creuser.
L'odeur froide de moule de pommes de terre, le silencieux et slap
De tourbe détrempée, la brusque coupe d'un bord
Grâce racines vivantes réveiller dans ma tête.
Mais je n'ai pas de pelle pour suivre les hommes comme eux.
Entre mes doigts et mon pouce
Le stylo squat repose.
Je vais creuser avec elle.