Vladislav Otrochenko (russie)

120 p chez Verdier.

Mes treize oncles : Légendes pour un album de photographies.

Vladislav Olegovitch Otrochenko. Un nom qui ne vient pas des grandes villes littéraires du Nord mais d'une capitale du Sud, réelle et mythique à la fois, celle des Cosaques du Don - chevauchées à travers les hautes herbes de la steppe, charges militaires furieuses, chants, danses et festins sous le ciel étoile...

Se jouant des clichés, il nous livre une prose fastueuse, éperdument généreuse, solaire, mêlant la fable et le réel, peuplée de petites gens qui échappent à l'absurdité de leur siècle par la grâce d'une déraison magistrale, claquant comme bannière au vent.

Citation :

par la grâce d'une déraison magistrale

j'aime la déraison de l'âme slave !

je lirai ce livre, et j'espère pouvoir le faire avant de rencontrer l'auteur

Mes treize oncles : Légendes pour un album de photographies.
  
Vladislav Otrochenko nous livre un récit «　débridé　», avec la même fougue que les Cosaques sur leurs chevaux, sauf qu’ici l’épopée parodique repose sur la parole, notamment de l’oncle Semion, un bonimenteur de première, acteur incommensurable dans le mime et la harangue. 
 
- Mon petit Sémion, pourquoi traites-tu Iossa si mal ? Le pauvre chou ? [dit la mère]. 
 
- le p-pauvre chou s’exclamait oncle Semion; Et agitant le portrait, frappant des pieds et sautillant, il tournoyait sous le lustre comme s’il avait été piqué par une tarentule.
 
Le pauvre chou ! Répétait-il dans un chuchotement frénétique et, penché en avant il s’approchait lentement d’Annouchka [ la mère], jouant furieusement des mâchoires le long desquelles se balançaient flamboyants de reflets bleus, ses admirables favoris qui ressemblaient à des deux grappes de raison noir, fermes et aux grains serrés.  
 
«　Votre Iossa, je le boufferai　» sifflait-il entre ses dents... 
 
Entre ce personnage et le romancier, la parenté est évidente ! La verve jaillit, épique et drôle, mensongère avec des retouches dans son flux oratoire, avec des personnages extraordinaires dans des cadres gigantesques, et une luxuriance verbale qui donne le tournis.
 
C’est un spectacle de cirque permanent, où sur treize personnages vous comptez treize acteurs qui s'agitent et s’injurient, pendant que leur mère succombe aux tirades d’un Grec, hâbleur aussi celui-là ! 
 
Dire qu’il y a de l’entrain et du comique serait ralentir l’action !

Certaines femmes savent aussi bien mener leur barque, pour se faire épouser par exemple
 
Un petit passage, pour le plaisir du sexe du texte : 
 
«　Oncle Sémion, savait de source sûre que le monsieur au gros derrière, en casque de cuir,, grosses vestes et jambières, qui se montrait souvent par des nuits sans lune,, provoquant la curiosité des concierges, aux postes du marché aux Équipages, ce monsieur qui avait toujours sur le bras un bidon, soi-disant pour de l’essence, était la gérante.
  
Elle enfilait une panoplie de chauffeur, se collait même sous le nez une énorme moustache comme de la poix, et c’est sous cet aspect qu’elle venait retrouver Oncle Iossia dans son petit bureau qui puait l’essence, où dans une pièce sans fenêtre, meublée de bidons d’huile de moteur, elle restait des heures à flirter avec lui, et par la même occasion à étudier son livre de comptes. 
 
Elle le réclamait malignement à la minute troublante où leur flirt prenait tout naturellement un tour grivois…　»

Les textes d'Otrochenko passent très bien à l'oral,  que ce soit en russe ou dans la traduction d' Anne-Marie Tatsis-Botton, avec leur débit torrentiel, leur verve et leur drôlerie.

 L'auteur a déjà publié 8 livres, traduits en 10 langues, et cet ancien journaliste verra bientôt traduit chez Verdier un recueil d'essais sur la création littéraire qui projette un regarde nouveau  sur de grands écrivains, de l'antiquité à nos jours.
 
Au tableau, Borges notamment, mais une partie essentielle est consacrée à Gogol. On y parle de "l écriture de l'espace ", notamment chez Gogol et Pouchkine.
 

Citation :

Si je n'avais pas une plume à la main, ce serait un sabre

 
a dit Otrochenko, qui rend ainsi hommage à ses ancêtres cosaques. Quelle vitalité !
 
finalement, sauf les moustaches traditionnelles, très présentes dans le récit, il tient d'eux une phrase endiablée... - et une agitation verbale qui ferait penser à Rabelais (pour le comique et les  combat épiques).

les Russes apprécient : Otrochenko figure parmi les dix auteurs contemporains en tête des ventes.

tu donnes envie de le lire !!!

Otrochenko emmène son lecteur, il ne faut pas se montrer desarçonné, mais comme chez Rabelais, se laisser porter par la verve de l'auteur-conteur aux personnages bonimenteurs.

J'ai noté "Mes treize oncles" m’intéresse également ! mais avec ce que j'ai noté, cela commence  à faire une petite (longue) liste ! Il va falloir trouver le temps ! sans compter les coups de coeur de la médiathèque !