Sefi Atta (Nigeria-Usa)

je me permets une escapade à Lagos entre deux parties de l'Espoir. Je crois y trouver une insolence qui n'est pas pour me déplaire

Née à Lagos en 1964, Sefi Atta a étudié au Nigeria, en Angleterre et aux Etats-Unis. Elle vit depuis une quinzaine d'années dans le Mississippi. De cette romancière, nouvelliste et dramaturge, Actes Sud a publié Le meilleur reste à venir (2009, prix Wole-Soyinka 2006) et Avale (2011). La traduction de son recueil de nouvelles News from home, qui a reçu le Noma Award 2009, est en cours.

Avale

1/2

Tolani vit et travaille à lagos, dans une banque un peu douteuse, mais rien n'est sûr dans son pays. Ni sa colocataire, licenciée de son emploi pour "insubordination", ni son propre chef de service, un petit sournois aux mains baladeuses.

L'histoire fait vivre tout l'environnement, les dragueurs impénitents, les escrocs au mariage, les évangélistes compatissants et prosélytes. De temps en temps le journal de la mère de Latofi, racontant par exemple, comment elle a acheté une Vespa, peu commode à conduire en pagne !

le ton est souvent revendicatif !

Citation :

Nos chefs d'Etat sont des voleurs, les membres de notre conseil d'administration sont des voleurs. Qui leur demande d'où vient leur argent ? les gens changent leurs louanges. Ils leur courent après et les supplient de distribuer leur fortune.

Je suis fatiguée d'être pauvre. Chaque jour est une véritable lutte, avec cette Guerre contre l'Indiscipline et des mesures d'austérité. Tu habites un immeuble qui pue la merde. Tu marches dans des rues qui puent les égoûts. Tu marches dans des bus pleins de gens qui puent. Tu arrives au boulot et un type puant...

le père de Tolzani, la narratrice de ce récit, est tambourinaire, donc adepte d'une musique originale qui séduit des ethno-musicologues, ce qui vaut cette flèche aux théoriciens de l'art indigène :

Les Oyinbos [Blancs] écrivent des théories sur des choses qu'ils ne comprennent pas, et à la fin, même si c'est sur toi [le tambourinaire] qu'ils écrivent, tu ne comprends rien à leurs théories.

2/2

Avec Avale, on pourrait parler de roman d’apprentissage : le lecteur non familier du Nigeria y voit la vie quotidienne de deux jeunes filles qui se débattent, comme le pays, dans de multiples difficultés : harcèlement au travail, ragots divers, arnaques multiples, et à tous les étages. Avec au sommet un pouvoir corrompu, qui donne l’exemple de la vénalité.

Ces deux jeunes filles, d’ethnies différentes - malentendus constants entre Yorouba et Haoussa (200 ethnies au total !) veulent s’en sortir par tous les moyens.

On s’attache au x personnages, on aimerait partager leurs illusions, mais comme la génération précédente, que peuvent-elles faire ? Écouter les prédicateurs baptistes ? Leurs bonnes paroles ne servent qu’à vider les porte-monnaies. Les religions ne valent pas mieux que les superstitions.

Le roman d’apprentissage, pour Tolani et Rose, ne sert qu’à leur montrer la vanité de leurs efforts.

Mais on goûte à leur contact les petites joies de l’ironie et de l’insolence. C’est en quoi, sur fond de désespérance, cette lecture est plaisante et tonique.