Idéologie et médias des partis politiques

Je vous propose un tour d'horizon de l'origine de nos partis politiques en leur idéologie ainsi que des supports médiatiques qui leur permettent de véhiculer cette idéologie.


I. Le parti radical (ancêtre des centristes)


A. Origines

Premier parti de France par son importance sous la 3ème République et sa création (1901). Il est en fait l'héritier d'un mouvement des années 1870 dont le chef de fil est Georges Clemenceau (Père La Victoire, le Tigre).

D'ailleurs Georges Clemenceau, homme aux maximes mondialement connues, artisan de la Victoire en 1917 en tant que Président du Conseil et candidat malheureux à l'élection présidentielle de 1919 (oui, l'élection du Président de la République au suffrage universel direct ne date que de 1962, avant c'était les 2 chambres qui élisaient comme cela se fait encore aujourd'hui en Allemagne... et là en 1919, les Chambres avaient peur que le héros de la Grande Guerre ne détienne un pouvoir trop personnel).

Donc ce parti radical qui a participé à tous les gouvernements de la 3ème République (1870-1940), quand il ne gouvernait pas lui-même, a une idéologie claire:
- Adhésion aux idées de la révolution française (liberté, justice sociale, laïcité).
- Economie semi-libérale, l'Etat ne doit intervenir que pour un minimum social (chômage, maladie) mais ne doit pas intervenir dans l'économie.
- Importance de l'école et de la méritocratie.
- Proche de la franc-maçonnerie, en son idéal humaniste, héritier des Lumières.

La figure la plus importante de ce parti est Edouard Herriot (1872-1957), chef du parti, président de l'Assemblée Nationale et maire de Lyon pendant... 47 ans ! (juste une coupure pendant la 2nde Guerre).
Il est l'archétype de la méritocratie puisque fils d'un lieutenant d'infanterie, il va se hisser petit à petit dans l’ascenseur social, élève très doué, instituteur, agrégé, diplômé de l'ENS, professeur d'université...


B. Ses médias

Assez peu et provinciaux:
- La Dépêche du Toulouse pour Toulouse (aujourd'hui Dépêche du Midi)
- Le Progrès pour Lyon

II. La SFIO (ancêtre du Parti Socialiste)


A. Origines

Il y a beaucoup de mouvements socialistes utopiques qui naissent au 19ème siècle dont 1 réaliste, le marxisme... D'où la diffusion d'internationales ouvrières dans les années 1860.
Tout cela reste trop révolutionnaire pour une République et ces mouvements n'ont que peu d'adhérents jusqu'à la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière) de Jean Jaurès (1905).
Jean Jaurès est le grand homme de la SFIO, il réunit tous les mouvements et les structure en parti, leur fait comprendre que la révolution se fera dans les urnes et non dans la rue. De fait, la SFIO ne fait plus peur et les adhésions se multiplient.

En 1920, elle compte plus d’adhérents que la parti radical mais... voilà qu'elle se divise à l'occasion du congrès de Tours (entre temps, révolution bolchevique, une autre forme du socialisme et une prise de pouvoir par les ouvriers qui a fonctionné).
La SFIO se scinde alors entre SFIO (1/3 des adhérents) et SFIC (2/3 des adhérents)... La SFIC (Section Française de l'Internationale Communiste) emporte même avec elle le journal national, l'Humanité.

Toutefois, Léon Blum qui dirige la SFIO (ancien secrétaire de Jean Jaurès) sait que la situation n'est pas si grave car:
- Les 2/3 partis n'ont pour la plupart pas de mandats politiques, les cadres restent à la SFIO
- Les 2/3 partis rêvent de révolution mais ils vont être inféodés à Moscou et pour des patriotes, ça ne va pas leur plaire

Léon Blum avait vu juste et 15 ans plus tard, la SFIO a de nouveau tous ses adhérents et le PCF (anciennement SFIC) a perdu les 4/5 des siens.

Au niveau idéologique, la ligne est la même que pour le parti radical sauf:
- Ne veulent pas du libéralisme économique, l'Etat doit intervenir dans l’économie par des nationalisations.
- Avantagent les ouvriers par rapport aux petits patrons et encore plus par rapport aux grands patrons.
- Veulent l'égalité politique pour tous mais aussi pour TOUTES alors que les autres partis ne veulent pas entendre parler du vote des femmes.


B. Ses médias

Après la perte de l'Humanité, ne lui reste que des journaux provinciaux comme La Montagne (pour l'Auvergne).

III. Les courants de droite


I. Ses Origines

En effet, à l'origine, il n'y a pas de parti de droite mais des courants qui se retrouvent dans la catholicisme, le patriotisme et la vision pessimiste de l'homme qu'il faut cadrer pour qu'il ne se laisse pas dépasser par ses travers.

Toutefois, on note à la fin du XIXème siècle et jusqu'à aujourd'hui trois grands courants de droite:

- Les Légitimistes: ceux qui sont pour la monarchie, contre la parlementarisme, contre la démocratie, pour un exécutif fort et un dirigisme de l'économie. Aujourd'hui, c'est l'extrême droite qui en est l'héritière.

- Les Bonapartistes: ceux qui sont pour un exécutif fort, la démocratie mais avec un parlementarisme moindre, où le chef de l'Etat aurait un rapport privilégier avec le la Nation, où les grandes impulsions économiques seraient données par l'Etat. Le Général de Gaulle fut un enfant du bonapartisme.

- Les Orléanistes: ceux qui sont pour le libéralisme économique (s'entendent bien avec les radicaux), pour la démocratie et le parlementarisme. On y retrouve des hommes comme Valéry Giscard d'Estaing ou encore Raymond Barre.

Nicolas Sarkozy est plus compliqué à saisir car il a voulu rassembler tous les courants de droite donc même si l'homme semble bonapartiste dans sa conception de la République, il a beaucoup écouté les orléanistes au niveau de l'économie et lors de sa seconde campagne, il a accordé sa confiance aux légitimistes.
Sinon, comme figure des légitimistes du début du XXème mais converti en partie au bonapartisme du fait de son époque, il y a Philippe de Villiers.

Il est de fait intéressant de voir que tout homme politique de droite actuel appartient en tout ou en partie à un de ces courants.

A côté de ces courants, il y en a un 4ème qui émerge, entre la droite et la gauche... qui va en fait être le remplaçant du parti radical... Ce sont les Démocrates Chrétiens, aujourd'hui François Bayrou et hier Robert Schuman...
Ils ont des idées de gauche tout en restant très attachés à la chrétienté et de fait s'allient plus facilement avec la droite, plus conservatrice au niveau des moeurs.
François Bayrou fut un des premiers à rompre cette alliance... peut-être aussi parce que la droite est elle aussi gagnée par la laïcité.


Ses médias:

La majorité des titres et des tirages mais qui vont disparaître après le Seconde Guerre. Notamment des titres marqués par le catholicisme.

PCF (SFIC en 1920, PCF en 1921)


Ses origines:

Après la révolution bolchevique, la SFIC née au coeur de la SFIO suite au Congrès de Tours en 1920. En 1921, elle devient le PCF (parti communiste français).
Ils perdent près de 100 000 adhérents jusqu'en 1934 soit 80%, car:
- Moscou ne veut que des ouvriers
- Moscou demande le suivi stricte, aucune initiative locale
- Il interdit de participer aux gouvernements

A partir de 1934, cela s'inverse et les effectifs sont cette fois multipliés par 10 en 3 ans car:
- Prise du pouvoir d'Hitler en Allemagne au détriment des communistes trop isolés, de fait, Staline demande à ses partis de rentrer dans le jeu politique pour contrer les partis fascistes.
- Le discours est moins révolutionnaire, plus compatible avec la République.
- Les communistes participent au gouvernement.


Ses médias:

L'Humanité

Passionnant !

La Seconde guerre mondiale va plus ou moins décider de l'avenir des partis pour la décennie d'après-guerre selon qu'ils furent collaborationnistes ou résistants, opposés à Pétain ou non...

On trouve des résistants dans tous les partis et des collaborationnistes aussi mais celui qui a fait le plus grand écart est le PCF.

1939: Pacte germano-soviétique, Hitler et Staline décident de ne pas s'attaquer et de se partager la Pologne. Le PCF est dissout, son secrétaire général fuit à Moscou (Maurice Thorez ), son journal est interdit et ses militants entre dans la clandestinité.
1941: Hitler attaque l'Union soviétique (opération Barbarossa)... Nouvelle consigne de Staline, résister aux nazis ! Or, le parti communiste clandestin était habitué à se cacher, savait se servir des armes (ils étaient censés prendre le pouvoir comme en URSS dans les années 20/30) et ils sont des dizaines de milliers, organisés et disciplinés... Vous l'aurez compris, de traîtres à la Patrie en 1939, ils deviennent de farouches résistants dès 1941 et double le nombre total de la résistance armée intérieure.

Pour les autres partis:
- Les courants de droite sont discrédités car sauf quelques hommes comme Paul Reynaud ou le Colonel de Gaulle (à l'époque), ils ne se sont pas opposés à Pétain.
- La SFIO, même si majoritairement avec Pétain, compte le plus de députés a avoir voté contre les plein pouvoirs avec notamment Léon Blum, farouchement opposé aux plein pouvoirs.
- Le parti radical, a aussi voté majoritairement les plein pouvoirs, des hommes comme Mendès France y sont toutefois opposés. (Herriot s'est abstenu de voter)

Pour la petite histoire, les 85% de oui à Pétain se comprennent aussi parce que le rang des députés a été épuré... Les opposants en partie gardés à distance, les indécis menacés sur leur vie ou celle de leur famille.

Vous l'aurez compris, au sortir de la guerre... Vous avez les partis de gauche, notamment PCF qui sont considérés comme résistants... Le parti radical discrédité car n'a pas su gérer la guerre et les droites entachées de collaborationnisme.
Sachant que le Général de Gaulle qui va former le gouvernement provisoire est de mouvance bonapartiste, le mélange risque d'être détonnant.

Fabuleusement intéressant.

oui, Merwyn, magnifiquement présenté, avec simplicité et clarté. Je n'avais jamais aussi bien compris.

Comme nous venons de le voir, les partis de droite sont discrédités mais il reste les courants...

Alors que vont donc devenir ces électeurs attachés au christianisme qui ne peuvent plus se dire de droite...?

Ils vont adhérer au nouveau parti Démocrate Chrétien (MRP) qui devient la seconde force politique en France (par défaut) au lendemain de la guerre, après le PCF.


Pour le reste, comme on pouvait s'y attendre, avec un de Gaulle qui veut un exécutif fort et tous les députés et membres du gouvernement qui veulent un législatif fort; de Gaulle quitte le gouvernement provisoire et entre dans l'opposition, créant le parti gaulliste (qui n'est pas vraiment à droite mais s'adresse à tous pour un mouvement d'union national).


Et la 4ème République qui compte le PCF (qui très rapidement va à nouveau se retirer de la politique pour cause de Guerre Froide), les démocrates chrétiens, les socialistes, des groupes de droites et le parti gaulliste va avoir du mal à trouver une majorité.
En effet, les législatives sous la 4ème République sont à la proportionnel...
Exemple simplifié: Il y a 500 sièges à pourvoir, le parti fait 4%, il a 20 sièges (c'est le système qu'utilise encore aujourd'hui Israël)

On a donc une multitude de petits partis avec lesquels socialistes et démocrates chrétiens doivent chercher des alliances, donc des compromis fragiles, d'où des gouvernements qui tiennent en moyenne 6 mois...

Merwyn a écrit:

On a donc une multitude de petits partis avec lesquels socialistes et démocrates chrétiens doivent chercher des alliances, donc des compromis fragiles, d'où des gouvernements qui tiennent en moyenne 6 mois...

Avec des Présidents du Conseil...

Nous reste plus qu'à voir le parti gaulliste: avec la personnalité du Général qui éclipse tout le reste.

En 1946, quand le Général quitte le gouvernement provisoire, il pense qu'on va vite venir le rechercher et accepter ses conditions mais cela n'aura pas lieu.
En 1947, son parti, le RPF, qu'il veut ouvert, s'oriente trop à droite et des députés veulent participer au gouvernement et certains y participent; il laisse alors, après quelques années, son parti, devenu 1er en nombre de députés, sans véritable tête.

En 1958, le Président de la République René Coty appelle enfin le Général (il aura attendu 12 ans) pour rédiger une nouvelle Constitution, celle de la IVème ayant montré ses limites. Il ne sera pas seul à la rédiger puisque Michel Debré le secondera, notamment sur la partie du pouvoir parlementaire que le Général aurait peut-être volontiers oublié...

Avec l'avènement du Général et de la Vème République le Poujadisme disparaît (mouvement d'extrême droite qui prenait de l'ampleur, rassemblant les mécontents de la IVème République) et le dauphin de Pierre Poujade, Jean Marie le Pen, doit prendre son mal en patience.

Concernant l'UNR (Union pour la Nouvelle République), le nouveau parti gaulliste de 1958, 1er parti, est ouvert aux modérés, de gauche comme de droite mais son électorat reste très conservateur (armée, petits patrons, personnes d'un certain âge) et peu de jeunes, peu de sympathisants de gauche vont y adhérer. Par contre, un parti de droite, orléaniste, celui de Valery Giscard d'Estaing, va constamment le soutenir sauf... en 1969.

Au final, et pour clore cette vision générale (je reviendrai sur les médias un autre jour comme le journal "Le Temps" qui est devenu "Le Monde"), le gaullisme est un mouvement au-delà des partis, c'est l'union nationale. Malgré ce qu'on pu dire bien des hommes politiques qui s'en revendiquaient, il n'a été réel que lorsqu'il était incarné par Charles de Gaulle.

Bill Camajan a écrit:

Merwyn a écrit:

On a donc une multitude de petits partis avec lesquels socialistes et démocrates chrétiens doivent chercher des alliances, donc des compromis fragiles, d'où des gouvernements qui tiennent en moyenne 6 mois...

Avec des Présidents du Conseil...

Oui, l'appellation antérieure de notre Premier ministre, qui d'ailleurs était l'exécutif, le président n'ayant que peu de pouvoir dans les faits.

Et le Centre national des independants et paysans...?

Je te laisse en parler et te lirai avec intérêt

Bin c'est toi qui sait....Non..?

Seul souvenir que j'ai, c'est celui de Mendès France, considéré comme le Président du Conseil qui s'illustra le plus sous la IVème République.
Centriste sans réel parti derrière lui mais qui arriva au pouvoir car personne ne voulait régler la question de l'Indochine en 1954.
Il régla la question et en profita pour essayer de moderniser le pays... ce qui ne plu pas à la France rurale et encore moins à la France viticole puisque Mendès France était connu pour ne boire que du lait, jamais de vin.
Et le lobby paysan, entre autres, a eu raison de lui.

De fait, je vois le CNIP a travers ce prisme traditionaliste et paysan.

J'ai un souvenir de René Coty, comme celui d'un Président qui était aimé par les français, avec son épouse c'était un couple un peu comme celui du Grand Charles et de Yvonne. Je me souviens des discussions des parents qui en parlaient comme quelqu'un de dépassé par les évenements de la guerre d'algerie et qui a vu en De Gaule un sauveur à qui il a fait appel...

Encore, encore !

L'Express et le Nouvel Observateurs ont été créés pour le premier afin de soutenir le centre gauche (gouvernement de Pierre Mendès France en 1954), pour le second afin de soutenir les nouveaux socialistes opposés à la guerre d'Algérie emmenés par Michel Rocard (PSU en 1960).

La personne de François Mitterrand en quelques traits:
- Homme du centre, plutôt centre droit avant l'arrivée de de Gaulle au pouvoir, plutôt centre gauche après.
- Réussit le tour de force de devenir 1er Secrétaire du PS en 1970 tout en étant toujours centriste, n'ayant jamais adhéré au PS (par la suite, bien entendu, il va se fondre dans le PS ou plutôt le PS va se fondre en lui).

Les réformes marquantes que l'on doit à la gauche:
- Election de M. Mitterrand en 1981: journée de 39h, 5 semaines de congés payés, abolition de la peine de mort (M. Badinter), retraite à 60 ans.
- Réélection de M. Mitterrand en 1988: RMI et la CSG
- Retour de la gauche au pouvoir en 1997 après le coup d'Etat à lui-même de M. Chirac: PACS, CMU, journée de 35h

David Pujadas dans le JT de 20h sur France 2 avait choisi d'ouvrir son journal avec l'abdication du roi des belges, Albert II, avant de continuer sur les événements en Egypte, où Mohamed Morsi à été suspendu par l'armée
 

Bruno Masure a écrit:

"Je suppose que c'est un choix de Pujadas qui adore le spectaculaire, le fait-divers et un peu le crapoteux",

beau portrait, très juste, de Pujadas ! 

N'ayant plus trop le temps de traiter ce genre de questions, je vais simplement vous poser quelques éléments anecdotiques mais intéressants... à mon sens.





Et oui, le Front National a eu un grand journal, je dirai même plus, un grand journal résistant (de 1941 à 1949) mais c'était un journal... communiste !  


Certes, le parti créé en 1972 se réfère plus en la terminologie des mouvements nationalistes d'avant 1939 mais je trouve tout de même intéressant que le nom fut celui d'un des plus grands journaux de la résistance d'extrême gauche.

Citation :

je trouve tout de même intéressant que le nom fut celui d'un des plus grands journaux de la résistance d'extrême gauche.

ce n'est qu'un mensonge de plus, car la collaboration et la convergence de vue avec le nazisme, c'est bien le patrimoine de l'extrême droite.

Je ne parle pas du FN que nous connaissons, il n'a pas le monopole du nom Rotko.

Si tu lis bien ce que j'ai écrit (après, j'ai peut-être mal formulé et m'en excuse alors), je parle du Front National de 1941 = mouvement communiste avant le Front National de 1972 = mouvement d'extrême droite. Un même nom, deux mouvements, deux idées radicalement différentes... si ce n'est extrêmes toutes deux.

Là, c'est ton pathos qui a réagi... ^^

je ne savais pas qu'il y avait eu un journal de ce nom et qui n'était pas d'extrême droite ! alors c'est le nouveau parti de le pen qui a récupéré le nom !
comme il a tenté de récupérer Jeanne d'Arc ! ? manque d'imagination et de créativité !