Jean-Christophe Valtat

Jean-Christophe Valtat est un écrivain, cinéaste et traducteur. Son premier roman, publié chez Gallimard, s'intitule Exes. Comme son titre l'indique, un homme se remémore les femmes qu'il a connues, il en garde des souvenirs très particuliers.


4ème de couverture:

«Il se les rappelle, ses "exes", toutes les douze ; il s'efforce de les revoir les unes après les autres, clouées au mur comme des trophées, leurs sourires empaillés en relief sur les écus, la petite plaque de bronze rappelant la date et le lieu de la prise. Certaines ont de grands bois, comme des cerfs, d'autres de toutes petites cornes, celles qui n'ont rien ne sont pas forcément celles qu'il a le plus aimées. Puis il se voit à son tour accroché dans des chambres d'étudiantes, des studios plus kitchenette, au milieu d'autres têtes qui sourient bêtement. Là, sur son mur, il revient à la vie : il voit ces filles recevoir en pyjama des garçons qui tôt ou tard le rejoindront là-haut. La place s'y fait rare. En bougeant légèrement ses bois, il pourrait leur crever un œil.»

Il y en a 12, comme les 12 coups de minuit, les 12 mois de l'année, ou encore comme les 12 divinités olympiennes.

Il y a notamment Nadine, celle qu'il n'a pas le plus aimée mais à laquelle il songe souvent. Le souvenir ne connaît pas la logique apparemment.

Force est d'avouer que pour une lectrice, Exes est un roman très intéressant puisqu'on se demande toutes, sûrement par orgueil féminin, s'il va longtemps se souvenir de nous et sous quel angle ? Quelles sortes d'images se cristalliseront dans son esprit ? Gardera-t-il bien en tête ce moment-ci et pas celui-là... ? Serons-nous à ses yeux la dame de cœur ou la femme de chair ?

On n'est pas toujours rassuré, en particulier lorsque ces femmes ressurgissent dans des moments d'intimité.

« Instables, insubstantielles, passives, impassibles, elles passent et se remplacent, sans palpiter pour autant, sans la remplacer, elle, sa femme, non pas sa femme, pas le soir de ses noces, ma femme, mes noces, mais qu'est-ce que je suis en train de faire, pense-t-il, lui qui a mal partout, qui ne sait plus comment se mettre, et qui fonce pourtant, soudain filmé en accéléré, oui, allant allègrement s'écraser contre le mur de son plaisir, s'y enfermant, ça y est, il y est, emmuré vif dans un instant de folie, condamné à petite mort d'un éden pulmonaire, d'une brève embellie cérébrale »

Bien entendu, le sexe est omniprésent dans le texte. D'ailleurs le titre est anagrammique, Exes étant le ''verlan'' de sexe. L'amour avec une femme, et pas n'importe laquelle en plus, est le point de départ de tous ces flashbacks.

« Dans la chambre feutrée, ils font l'amour brutalement. La fille a le nez dans les coussins, sa robe de mariée renversée sur sa tête l'enveloppe tout entière, se répand en plis flous sur le grand lit défait. Elle frissonne, elle a froid aux cuisses peur de filer ses bas sur le parquet qui grince. Débraillé derrière elle, il la besogne. L'alcool plante dans ses articulations des fils invisibles, le transforme en marionnette. Il se sent dur mais creux, la tête pleine d'un ressac sale, l'envie d'en finir vite, la peur de ne pas y arriver. Il se demande comment tout cela a commencé […]. »

Comme on peut le voir aussi à travers ces citations, il y a très souvent amalgame entre le héros et le narrateur, le ''il'' se transformant en ''je'' et les ''elles'' en dans des ''tu'' ou des ''vous''. Tout s'emmêle, les corps, les exes, les réminiscences, les mots, dans un style parfois presque staccato.

Il y a un monde entre l'homme, très discret, sobre et pondéré, et l'écrivain, au style et aux thèmes rudes et sans concession.

J'aurais dû en parler depuis longtemps, c'est une journée d'étude pour Mars prochain qui m'y a fait penser.

Stendhal faisait de temps en temps son petit classement : il leur donnait des notes !

il y a les souvenirs conscients, et les rêves...

rotko a écrit:

il y a les souvenirs conscients, et les rêves...

Quand une femme est en jeu, le rêve doit être concrétisé ; il faut simplement le vouloir.

Citation :

Stendhal faisait de temps en temps son petit classement : il leur donnait des notes !

Je ne savais pas, ça doit être amusant, bien que peu galant.

JC Valtat, du moins son personnage, ne va pas jusque là. Il se contente de les transformer en bêtes curieuses et les faire réapparaître à des moments inopportuns.

Son dernier roman écrit en français est 03, je ne l'ai pas lu.

Il en parle longuement dans une interview pour la Matricule des Anges

excellente revue que le matricule des anges même si sa presentation n'est pas terrible.

Citation :

il y a les souvenirs conscients, et les rêves...

Citation :

Quand une femme est en jeu, le rêve doit être concrétisé ; il faut simplement le vouloir.

oui, mais on parle des exes ! trop tard mon lapin ! reste le souvenir ou une présence virtuelle.

Citation :

Stendhal faisait de temps en temps son petit classement : il leur donnait des notes !

Citation :

Je ne savais pas, ça doit être amusant, bien que peu galant.

c'était dans ses papiers personnels, il n'envoyait pas un bulletin trimestriel

JCV aborde, il me semble, le concept de ''trop tardise'' dans ce 1er roman. Il faudrait que je le refeuillette.

Pour en revenir aux exes, l'auteur en fait aussi un beau régime démocratique, je cite :

"En tout cas, en raison de ces réévaluations perpétuelles, les exes forment moins une hiérarchie qu'une démocratie magique, où chacune à tour de rôle a sa chance de pouvoir revenir le torturer ou l'exciter, indépendamment de son pouvoir."

Conclusion: il faudrait pouvoir trouver le moyen de les oublier définitivement ! Pour ce qui est de ''Joséphine'', ''Sophie'', ou ''Héloïse'', le héros n'aura sans doute pas trop de difficultés, par contre en ce qui concerne ''la Princesse Klitoria de Wenuz'', ''l'entité psychospatiale Z'Brzff'', ou encore ''le gynandroïde d'occasion XX69-666'', ça devrait être plus compliqué