Jean-Yves Cendrey

Modiano a écrit:

j'ai appris récemment que Marie N'Diaye était la compagne de Jean-Yves Cendrey. J'avais lu de lui Le Corps ensaignant, qui au-delà du jeu de mots fastoche, était un livre réussi sur la pédophilie.

Citation :

C'est un petit livre que j'avais acheté dans un vide-grenier pour le jeu de mots dans le titre, et pour son genre : le tombeau. N'avais jamais vu ça.

On y voit une jeune policière qui s'est tuée avec son arme de service, des années après avoir subi les approches d'un professeur des écoles assez tactile. L'auteur fait une belle plongée dans le passé.

Un épisode me revient : celui de la projection des photos de la classe de neige, où ledit professeur, au mépris de toute prudence, montre des photos des enfants nus au sortir de la douche. Les parents dans la salle rient jaune (bonne ambiance).

Aucune puce dans aucune oreille.

On dirait que le thème travaille Jean-Yves Cendrey


Au fil d'une virtuose et rageuse Lettre au père, Jean-Yves Cendrey évoque les violences qui ont dévasté sa jeunesse. Il puisera dans cette douleur, bien des années plus tard, la force de confondre un instituteur pédophile. Le jour des obsèques de son père, Jean-Yves ira dans un autre cimetière. Là, parmi les tombes, il choisira un nom, et il lui confiera la chronique du " village de la honte ". Celle de drames coulés dans l'oubli par ceux qui auraient pu intervenir.

Jean-Yves Cendrey, les jouets vivants, chez L’Olivier.

Je cale devant le début, qui se joue à deux temps

1 une nouvelle sérieuse

2 une phrase en contrepoint

Exemple au tout début p. 11

Ils vont enterrer mon père et la journée est magnifique
L’encourageant soleil d’hiver fissure les bourgeons d’hortensias, et les poules mystifiées s’essayent à soulever de la poussière.

Mais ça continue ainsi p.14, mêlant l’essentiel et l’accessoire, en un ensemble disparate ;

On sait que mon père paraissait d’autant plus énorme qu’il était de taille moyenne, ne méconnaissons pas qu’un cèdre du Liban peut tutoyer les quarante mètres.
J’augure que ceux qui auront la faveur de voir notre cèdre aussi grand, pourvu qu’il soit du Liban, considéreront qu’il a ét planté beaucoup trop près de la maison.

Ce pourrait être un effet, je le trouve prolongé.

Le texte est aussi violent, pour préciser les intentions d’écriture de l’auteur :

Cracher d’une manière ou d’une autre. Cracher de l’encre sur le papier. Écrire, qui est une façon d’empoigner, de secouer, de malmener un adversaire puissant, de vaincre la peur et d’ignorer les coups […]

Écrire pour faire pièce à la crasse, en souvenir du front, quand je dansais sous ton martinet, encaissais des claques à la tonne, prenais du brodequin dans le cul et des injures plein le cornet, jusqu’au jour où jetai sauté dessus, et frappé, le jour où où tu as compris à quoi je passais mes insomnies : la mise à mort du père.

C’est donc une "lettre au père", inspirée de Kafka,(1) une lettre pour faire mal, et le lecteur prend les insultes et les coups en pleine poire sans savoir ce dont il s’agit, ce qui me met mal à l’aise.

(1) Cendrey a été invité à un colloque Kafka, avec Marie N’Diaye, et cette dernière intervient aussi dans le livre.

J’ai l’impression d’être un intrus à la table du couple, dont la conversation paraît violente à mes petites oreilles. Devrais-je continuer à écouter ou quitter la table ?

Schproum, par Jean-Yves Cendrey,
Actes Sud, 202 p.,

Dans « les Jouets vivants » et « Corps ensaignant », Jean-Yves Cendrey dénonçait l'inaction de l'Education nationale, de la justice et de la police, autant d'institutions défaillantes qui l'avaient poussé à livrer lui-même aux gendarmes l'instituteur pédophile qui sévissait à Cormeilles dans l'indifférence générale.

Dans « Schproum », l'anar poétique est son propre cobaye. Avec son style truculent, le pourfendeur de la monstruosité ordinaire interroge les pouvoirs publics sur leur manque de réactivité et ses contemporains sur le monde qu'ils ont bâti. Chacun veut avoir accès à la technologie, sans en mesurer les conséquences.

article et citations.