Zinnie Harris [Angleterre]

Brève biographie de présentation:

Zinnie Harris est une jeune auteur britannique, installée à Édimbourg. Après avoir étudié la zoologie à l’université d’Oxford, elle fait une maîtrise de mise en scène - dramaturgie à l’université de Hull. C'est par le biais de la mise en scène qu'elle arrive à l'écriture. Elle écrit pour le théâtre By Many Wounds, Hamsptead Theatre, en avril 1999 ; Further than the Furthest Thing (Plus loin que loin), une coproduction Royal National Theatre/Tron Theatre en 2000, lauréate du Peggy Ramsay Playwrighting Award en 1999, du John Whiting Award et du Festival Fringe d’Édimbourg en 2001; Nightingale and Chase, Royal Court, Londres octobre 2001. Elle travaille actuellement à l’écriture de pièces qui lui ont été commandées par le Royal Court, le Royal Lyceum Theatre d’Édimbourg, le Royal National Theatre et le Tron Theatre de Glasgow.

Plus loin que loin nous projette dans un univers à mi-chemin entre le passé et la modernité. C'est un drame en deux actes. Le premier se déroule sur l'île de Tristan da Cunha - archipel tristement célèbre pour l'éruption volcanique de 1961 qui contraignit sa population, la plus isolée au monde selon le Guiness book, à s'exiler an Angleterre. Le second se déroule dans la ville industrielle de Southampton.

Francis, le personnage principal, de retour du continent, retrouve les siens, son oncle Bill, sa tante Mill et Rebecca, une femme qu'il a aimée autrefois, elle est enceinte. Le jeune homme est accompagné d'un certain M.Hansen, industriel spécialisé dans la mise en bocal de langouste qui souhaite y construire une usine. L'éruption volcanique contrarie ses projets.

Nous retrouvons dans l'acte 2 nos personnages un an plus tard en Angleterre. Personne, sauf Francis, n'arrive à se faire à leur nouvelle vie. Bill, qui a perdu la boule, finit par se suicider au travail (très symbolique!). On pourrait alors penser que la pièce s'articule autour d'une opposition binaire entre l'Angleterre et l'île qui incarnerait le mythe du jardin d'Eden. Il n'en est rien, et c'est ce qui m'a plu. Il n'y a ni victime, ni bourreau, juste des hommes qui ne maîtrisent pas leur destin. On ne parvient à prendre en pitié personne, pas même Bill, qui a montré sa part d'ombre en tuant le fils de Rebecca avant que le magma ne vienne recouvrir les ignominies. Mill d'ailleurs n'hésite pas à réveler , à la presse, le terrible secret de sa communauté afin de réunir l'argent nécesaire pour rejoindre l'île. (les exilés n'ont bénéficié d'aucune aide, livrés à eux-mêmes dans la nature comme au contact de la ''civilisation'').

Pas de binarisme simpliste donc et Harris parvient à traiter brillamment des thèmes graves: l'impérialisme -à travers le viol dont Rebecca a été la victime, l'insularité - à travers la description de comportements ''marginaux'' et l'emploi d'une langue informelle, l'industrialisation -à travers la figure de M.Hanser, la mémoire - à travers le secret, le retour aux origines- à travers le tiraillement de Francis, partagé entre désir de mener sa vie et un sentiment d'appartenance identitaire.

L'amour aussi complique les choses. La dernière scène entre Rebecca, décidée à partir, et Francis, décidé à rien montre la fragilité de la vie qui tient à des choix souvent trop durs à prendre:


La réplique ne semble pas être adressée qu'à Francis.
Elle montre aussi la langue mise à l'oeuvre, à la fois singulière (à l'image des personnages) et poétique. Elle sait aussi se faire très violente avec des dialogues très courts composés de mots qui claquent.

C'est une oeuvre étrange et paradoxale, comme j'en ai peu rencontré qui sait raconter le sort de l'homme moderne grâce à l'étrangeté d'un monde archaïque qui frôle aussi quelques fois avec le fantastique.

La pièce s'inscrit bien, je trouve, dans le registre du théâtre de l'absurde et nous rappelle d'ailleurs beaucoup l'univers d'un Samuel Beckett.

tu l'as lue, cette pièce, et non vue ? le livre a l'air d'être indisponible actuellement...

Oui, je l'ai lue, j'ai la version originale - facilement accessible.

Mais j'aimerais beaucoup me procurer la version française aussi car cette pièce m'a fait penser à un thème intéressant à explorer: comment traduire une langue inventée ?