Victor Segalen

pilier Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005

Pourquoi ne pas commencer ce fil par peintures ?

non point des peintures réelles, mais imaginaires, au sens où par l'effet du texte le regardeur les verra.

ces "peintures parlées" doivent être vues, au lecteur/ecouteur/regardeur d'être attentif, d'accueillir les spectacles déclenchés ou provoqués en lui.

Ségalen use notamment de deux moyens :

- l'adresse au public, faite par "un bonimenteur" (le terme est de Segalen) qui requiert l'attention et fait voir le tableau (comme dans la peinture chinoise, ce peut être un tableau enroulé/ déroulé, vetrticalement), ou une peinture magique à étendre progressivement, comme sur un éventail, et alors c'est un cortège.

- le titre du tableau apparaît soit au milieu du texte, soit à la fin, en lettres capitales.

Maintenant, le peintre livre ici l’image d’une seule jeune fille. Elle est belle par la beauté, les mains longues, le cou gras, l’enroulé de ses cheveux et la retombée de ses yeux. Une autre, ailleurs et loin de nous, existe vraiment, qui lui ressemble. Car ceci est un portrait.

Le Peintre la donne ici plus douce que l’autre n’est douce dans l’existence humaine ; car il l’a peinte ici comme il l’aime. Et comme l’autre ne l’aime pas, chaque jour suppliant l’image avec des mots et des larmes, il prend un dur poinçon et perce le cœur de la soie.

Au même instant, dans sa maison, l’autre pousse un cri et porte la main à son cœur. La Mère s’effraie dans la maison, car la fille maigrit et l’on ne sait quel médecin convoquer. Avant peu, son vrai cœur lui dira qui la blesse. Avant peu, elle se rendra. C’est la Peinture qui mourra ; non pas l’autre ; non pas l’autre. Mais le Peintre, alors plus n’aimera : ceci est un PORTRAIT FIDELE.

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un autre exemple sur ce lien

voici le début :

Un Empereur, vêtu de rouge, couché longuement sur un lit tout vermillon.

La face et les yeux rougeoient ; les prunelles se piquent d’étincelles ; et il regarde avec le sourire que l’on a pour la Seule que l’on attende et qui est proche ; et il jette devant lui ses deux mains de couleur chaude avec ce geste que l’on tend vers l’unique objet qu’on aime et qui est là ; et son cou renversé, brûlé de lueurs rousses, et ses lèvres éclairées de fièvre, toute la Personne, richement peinte, s’illumine et se donne comme au désir de quelque chose que pourtant nous ne voyons pas : sauf, - à les bien fixer, - en plein milieu des yeux luisants : une flamme.

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je donne maintenant un détail, comme si on s'approchait, à toucher un cadre.

Dans tout l'espace quadrangulaire, vous ne voyez qu'une seule volée, innombrable, de ces magiques oiseaux blancs. Ce sont des flèches bien empennées, au bec acéré, avec des pattes rouges et fines : ce sont des flèches bien chevauchées : chacune emporte un de ces vieillards au front bossu, aux joues roses, sur une barbe de craie, aux robes onduleuses déferlant dans le sillage...

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jean-claude Forez a fait un bois gravé pour Ségalen

Pour avoir le texte d' Equipée, il faut cliquer sur ce lien

J’AI TOUJOURS TENU POUR SUSPECTS ou illusoires des récits de ce genre : récits d'aventures, feuilles de route, racontars — joufflus de mots sincères — d'actes qu'on affirmait avoir commis dans des lieux bien précisés, au long de jours catalogués.

C'est pourtant un récit de ce genre, récit de voyage et d'aventures, que ce livre propose dans ses pages mesurées, mises bout à bout comme des étapes.

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Conseils au bon voyageur

Ville au bout de la route et route prolongeant la ville : ne choisis donc pas l'une ou l'autre, mais l'une et l'autre bien alternées.

Montagne encerclant ton regard le rabat et le contient que la : plaine ronde libère. Aime à sauter roches et marches ; mais caresse les dalles où le pied pose bien à plat.

Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son. Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu'à la foule.

Garde bien d'élire un asile. Ne crois pas à la, vertu d’une vertu durable : romps-la de quelque forte épice qui brûle et morde et donne un goût même à la fadeur.

Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans mérites ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais des joies immortelles,

Mais aux remous pleins d'ivresses du grand fleuve Diversité.

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Voyez l'avant-propos et les ideogrammes qui jalonnent stèles

cliquer ici et sur les flèches en bas à gauche.

segalen - Victor Segalen St110

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Victor Segalen, né le 14 janvier 1878 à Brest et mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un médecin, romancier, poète, ethnographe et archéologue français.

la notice de wikipedia.

je reviendrai sur ses oeuvres. je note dès maintenant le titre de sa thèse de médecine :

L'observation médicale chez les écrivains naturalistes, Thèse, Bordeaux 1902.

en voici le lien.

et un article : le double de Rimbaud paru dans la revue Le Mercure de France, le 15 avril 1906, quinze ans après la mort de Rimbaud dont il est question ici. avec des liens intéressants.

Sujet: Re: Victor Segalen Lun 10 Sep 2012, 13:40

Édition : COOP BREIZH - SEIZAHVEL 140 p.

Équipée n’est pas un récit de voyage, avec anecdotes pittoresques, mais une réflexion sur le thème :

L’imaginaire déchoit-il ou se renforce-t-il quand on le confronte au réel ?

En 19 courts chapitres, Segalen confronte le rêve merveilleux aux cailloux du chemin, la rencontre entre « la danse ailée de l’idée et le rude piétinement de la route ».

Tout s’opère par des mots précis qui séparent le poète de l’alpiniste, le lecteur de cartes du parcoureur de chemins, le voyageur de l’esprit et celui de la chair. C’est une entreprise poétique qui veut définir l’essence du Voyage intérieur et extérieur, qui examine la différence entre « l’ascension » et « l’assomption ».

Citation :: « Le regard par-dessus le col n’est rien d’autre qu’un coup d’œil ;-mais si gonflé d e plénitude que l’on ne peut séparer le triomphe des mots pour le dire, du triomphe dans les muscles satisfaits, ni ce que l’on voit de ce que l’on ressent. »

Là se jouent l’identité de la Montagne, celle du Fleuve ou de la Mer

« La première discrétion à garder pour le Fleuve serait peut-être d ene pas l’affubler de sentiments humains, et ne pas lui prêter de souffrances inutiles : le fleuve ne « bat » pas une rive, mais allèche en bruissant de joie hydrodynamique ; le fleuve ne « tend » pas vers lamer, qu’il ignore, mais à tout instant jouit dans sa descente, qu’il peut croire éternelle. »

« La Montagne ne se campe jamais, unique à perte de vue, dans la Plaine. Elle doit lutter d’altitude avec les autres monts qui l’épaulent et qui se résolvent en pénéplaine. »

Segalen, au carrefour de Francis Ponge et de Gaston Bachelard.

Sujet: Re: Victor Segalen Mer 12 Sep 2012, 10:18

De Victor Segalen je n'ai lu que "les immémoriaux" qui n'est pas un roman mais plutôt un traité ethnologique des peuples de Polynésie.
Le livre est facile à lire et regorge de renseignements sur les premiers habitants de ces îles.

Sujet: Re: Victor Segalen Mer 12 Sep 2012, 15:27

j'y reviendrai, car les immemoriaux méritent plus d'une visite.

"Des poèmes en prose", m’a-t-on dit, propos des textes d’Equipée, j’en suis bien d’accord, et le "ton Ponge", je le retrouve dans l’éloge du Bâton.

Le Bâton doit être haut, léger et nerveuse non pas souple comme un arc,mais sec et rigide. Trop lourd, il encombre ; trop léger, il s’émiette comme une moelle, et l’appuiement n’a spas confiance Il doit se saisir de haut pour que le bras s’y accroche et se tende sans effort, pour que, précédant l’ascension di corps, le flanc vienne appuyer son hanché, son tour de rein. Il sert, étançonne et appuie beaucoup plus qu’on ne le croirait. C’est pourtant lui l’auteur de ces poses « bibliques » ou de ces octogénaires drapés dont les peintres ont coutume sur le foi de modèles peu accoutumés à la marche…

La touche d’humour était déjà dans le titre « Équipée est un titre, souligné d’ironie, sans préjuger du résultat. »

Mais revenons au Bâton Wink

Quand on monte, le Bâton vous précède d’un degré - il prépare, il devance, il tâte le terrain, il prend appui un peu plus haut que soi. Il fait conquête de la hauteur un peu plus vite que le corps qui le suit.

Tout est lié avec exactitude, car les majuscules visent l’essence même de l’objet, elles lui donnent une personnalité, ie une signification et une existence, qui fait de lui un ami sûr.

La Sandale est, pour la plante de pied et tout le poids du corps, l’auxiliaire que le Bâton fait à la paume et au balancé des reins. C’est la seule chaussure du marcheur en terrain libre. C’et le résumé de la chaussure : l’interposé de la terre et le corps pesant et vivant. - symbolique autant que le bâton, elle est plu sensuelle que lui…

Car face au monde, entre le pensé et le réel, le contact se fait par des intermédiaires dont on doit reconnaître la noblesse :

La Peau est un admirable organe étendu, mince et subtil ; le seul qui puisse, pour ainsi dire jouir de son organe jumeau : d’autre peaux, d’un grain égal ou différent, d’une tactilité, d’un dépoli sensible..

Le Bâton, la Sandale, la Peau, pour connaître et éprouver.

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