Urabe Kenko « Les heures oisives »
Les Tsurezure-gusa ou « heures oisives », recueil de notes du moine Urabe Kenko, ont été rédigées au crépuscule du Bakufu de Kamakura, à une époque de guerres et de rébellions contre le shogunat instauré après la défaite des Heike. Le lecteur occidental contemporain peut partager celles-ci en deux groupes: un premier qui reprend les notes relatives aux usages et à l'histoire de la cour impériale de Kyoto en cette moitié du XIV° et le second qui concerne la sagesse, les enseignement et les sentences du maître en offrant des réflexions empreinte d'ironie, parfois, de sévérité, souvent et soucieuses, toujours, du salut de l'âme du lecteur? Ces dernières sont d'une utilité et d'un intérêt directes, même si un esprit curieux de la civilisation japonaise classique peut aussi bien plonger avec délice dans les enseignements du premier groupe de notes et ses nombreuses références aux poètes du temps de Kenko ou de la florissante période Heian.
Même si l'âme est un concept judéo-chrétien, il n'est pas inutile d'utiliser ce terme, car, au fil des deux recueils (les notes ayant été rédigées à deux époques différentes), on découvre un Urabe Kenko tout aussi inquiet de la perte de valeurs ancestrales que de l'effritement des voies bouddhiques. Il n'a de cesse d'encourager le lecteur à s'inquiéter de son salut et le guide dans les choix de l'existence en soulignant les attitudes qui plaisent à son coeur. L'enseignement du moine est loin des préoccupations contemporaines et centre son travail, non pas sur le détachement du monde matériel, mais bien sur une remise en perspective de celui-ci au travers l'impermanence de ce qui nous entoure, de ce que nous croyons et de ce que nous sommes. Dans une même note, à la manière orientale, Kenko peut tancer la consommation d'alcool et en faire l'éloge plus loin. Rien d'anormal si l'on sait que tout est contenu en un.
Le sage, bien qu'ancré dans la tradition, ose aussi remettre en question les certitudes de son époque. Il faut se méfier du savant trop sûr de sa science, du vertueux qui se gargarise de ses qualités, du bonze trop attaché à sa voie. Maniant l'ironie, il aime souligner les travers de ces gens (petits comme grands de son époque) et clame son amour d'une où l'autre figure, soit un sage comme lui un poète où, parfois, un rebelle à l'ordre établi comme le général Suketomo, comploteur contre le shogunat à l'agonie et qui fut assassiné en 1332 mais qui aimait piégé ses invités et agir en dehors des normes avec humour et espièglerie.