Nicole Roland, Kosaburo, 1945

Kosaburo, 1945, 148 p. chez Actes sud.

J’ai beaucoup aimé ce récit et je crains avec les citations qui vont suivre de donner une fausse image de ce récit, qui dépasse la simple analyse d’un conditionnement.

C’est Mitsuko, la jeune fille qui raconte l’expérience des kamikaze. Le récit est sobre, dense, et intense, avec des chapitres courts - où figurent souvent de petits poèmes.

Les trois personnages sont Kosaburo, Mitsuko, et Akira son frère. On vit les épisodes de l’intérieur, l’exaltation mystique de l’épreuve, l’orgueil du kamikaze qui a poussé jusqu’à l’excellence son art militaire, suite à un entraînement et d’un conditionnement très rudes.

Il ne s’agit pas de porter un jugement, mais de saisir ce qu’éprouve le kamikaze, y compris dans ces essais de piqués vertigineux où la mort est frôlée, jusqu’à devenir une compagne quotidienne. Il doit se préparer à l’ultime épreuve, et il vit déjà hors du monde des vivants, par la concentration et la méditation nécessaires à son projet.

A la fin du livre un court billet de l’auteur renseigne sur ses intentions initiales, et à le lire, vous aurez sans doute les larmes aux yeux.

Ce que tu en dis m'attire, merci rotko

Sur ce thème de l'engagement total dans l'action, et du face-à-face avec la mort, Salim Bachi a écrit deux livres : tuez-les tous ! qui se réfère au 11 septembre, et moi, Khaled Kelkal qui décrit un itinéraire. Ce dernier titre, je lirai dès que possible.

Autre interêt de Kosaburo, 1945, l'histoire recoupe l'adolescence de : Yukio Mishimadans confessions d'un masque

p.115 : Avec le début de la guerre, une vague de stoïcisme hypocrite déferla sur le pays tout entier.

On voit comme dans certains pays les jeunes livrés aux militaires, les honneurs guerriers rendus pas les écoliers aux héros du pays, comme dans les livres de Firouz Nadji-Ghazvini pendant la guerre Iran-Irak.

pour en revenir au Japon, le conditionnement national est quotidien :

S’ils allaient au cinéma des films de propagande leur montraient inlassablement des aviateurs japonais jubilant de détruire la flotte ennemie. Quant aux actualités, elles soulignaient l’humiliation mortelle de ces Blancs si arrogants. A la radio, des chansons de guerre et de la musique militaire étaient diffusés à longueur de journée…

des exemples d'héroïsme sont proposés dès l'enfance, dans les premiers livres de lecture.

On rapportait par exemple qu’à l’âge de cinq ans, à la demande du seigneur, son père, un enfant qui venait de recevoir son premier sabre fut obligé de trancher la tête d’un chien pour éprouver son courage. Dix ans plus tard, il dut exécuter de la même façon le criminel qu’on lui présenta C’était la coutume de l’époque, depuis fort longtemps.

Dans ces conditions, les écrits traditionnels vantant un dévouement total à la cause proposent un idéal spirituel :

La voie du samouraï se trouve dans la mort il doit se livrer chaque jour à la méditation sur une mort inévitable…

Le jeune homme mûrit son dessein dans ce cadre culturel :

Je réfléchissais au nom que nous étions sur le point de porter : « kamikaze, « vent divin », surgi à la fin du XIIIe siècle […] le kamikaze qui dans la langue des habitants de l’Archipel, signifiait le vent des kami (1), censés protéger la terre sacrée de leur pays… »

(1) esprits célestes et esprits terrestres dispensant des bénédictions ou des sanctions aux gens sur la terre.

N° 3 au defi lecteurs

certains lui ont reproché une certaine froideur, et une documentation trop apparente. La confidence de l'auteur à la fin du livre a été jugée inutile, et même gênante : le lecteur n'aurait pas à savoir en quoi le livre renvoie à la vie privée de l'auteur.