Du rôle des historiens......

Dans les premières pages de son livre:"Napoléon Les Cent-Jours", l'auteur donne sa conception du rôle d'un historien:

Le sable qui s'écoule dans l'horloge du temps est fait de notre cendre. Ce que nous fûmes jadis, ce que nous sommes aujourd'hui, ce que nous serons un jour, cette succession de générations et de destinées qui émerge de la lointaine obscurité du passé, qui voyage dans les lueurs fugitives du présent et s'engage sur le chemin de l'impénétrable avenir, tout cela ne serait qu'une matière informe si l'esprit de l'histoire n'existait pas. Cet esprit auquel nous faisons volontiers appel pour montrer la route.
Constamment et sans bruit s'écoule la cendre dont est faite notre mortelle guenille. Elle accompagne de son flot silencieux la secrète inquiétude que le passé garde éveillé dans nos âmes. Être une créature terrestre, c'est avoir conscience de l'implacable course du temps. L'Histoire ne peut arrêter sa fuite, mais elle peut nous aider à comprendre que tout ce qui arrive doit se terminer un jour pour faire place à de nouveaux évènements sans qu'il puisse jamais y avoir de commencement ni de fin. Ainsi la vision du passé est-elle nécessaire à notre vie. Elle seule adoucit la tristesse des éternelles décompositions par la consolation des éternels retours.
source: "Napoléon... Les Cent-Jours" par Friedrich Sieburg édition R Laffont 1957
Personnellement, je trouve cette interprétation du rôle de l'historien en plein accord avec ma pensée.
Et vous ?...........

Citation :

Ainsi la vision du passé est-elle nécessaire à notre vie.(1) Elle seule adoucit la tristesse des éternelles décompositions par la consolation des éternels retours (2)

.

Bien sûr pour le (1); on aime bien savoir d'où on vient et se rappeler les moments/periodes vécu(e)s. Mais le (2) est surtout nostalgique, alors que le regard sur le passé permet à mon sens de fixer un cap.

On me signale un livre dont le titre est à lui seul un programme. Je m'empresse de vous le signaler
Le Ressentiment Dans L'Histoire ; Comprendre Notre Temps
de Marc Ferro chez Odile Jacob.

Voià un propos intéressant... Parfois j'ai l'impression que l'Histoire - en tant que "science" - est bien la seule, actuellement, qui puisse - au-delà de la philosophie au sens premier, peut-être discréditée au profit des sciences dites "dures" (astronomie, biologie, etc.) - apporter à la fois des réponses, et un discours rationnel et positif à beaucoup de questions ontologico-éthiques, y compris dans une appréhension future de l'homme. A creuser...

L'histoire est une belle matière, et il est regrettable qu'elle soit un peu mise en arrière par rapport, bien souvent, aux matières scientifiques.

En tout cas, je constate que le travail de l'historien demande beaucoup de rigueur et de lecture, lorsque je mets en parallèle deux textes qui traitent du même sujet : l'amour entre Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, dite "la Grande Mademoiselle" (1627-1693), fille de Gaston frère de Louis XIII, et Antonin-Nompar de Caumont, marquis de Puyguilhem, comte puis duc de Lauzun (1633-1723).

Le moraliste La Rochefoucauld, dans ses Réflexions diverses, donne une version des faits, que je place à gauche de l'écran, tandis que la principale intéressée, la Grande Mademoiselle, dans ses Mémoires nous donne la sienne, que je place à droite de l'écran.

On doit sans doute trouver extraordinaire que Anne-Marie-Louise d'Orléans,
petite-fille de France, la plus riche sujette de l'Europe,
destinée pour les plus grands rois, avare, rude et orgueilleuse,
ait pu former le dessein, à quarante-cinq ans,
d'épouser Puyguilhem, cadet de la maison de Lauzun,
assez mal fait de sa personne, d'un esprit médiocre,
et qui n'a, pour toute bonne qualité, que d'être hardi et insinuant.

C'est un petit homme ;
personne ne saurait dire qu'il n'ait pas la taille la plus droite, la plus jolie et la plus agréable.
Les jambes sont belles ; un bon air à tout ce qu'il fait ;
peu de cheveux blonds, mais fort mêlés de gris, mal peignés et souvent gras ;
de beaux yeux bleus, mais quasi toujours rouges ;
un air fin ; une jolie mine. Son sourire plaît.
Le bout du nez pointu, rouge ; quelque chose d'élevé dans la physionomie ;
fort négligé ; quand il lui plaît d'être ajusté, il est fort bien.

Mais on doit être encore plus surpris que Mademoiselle
ait pris cette chimérique résolution par un esprit de servitude
et parce que Puyguilhem était bien auprès du Roi ;
l'envie d'être femme d'un favori lui tint lieu de passion

Enfin, après m'être inquiétée quelques jours,
je m'aperçus que c'était M. de Lauzun que j'aimais,
qui s'était glissé dans mon coeur : je le regardais comme
le plus honnête homme du monde, le plus agréable,
et que rien ne manquait à mon bonheur que d'avoir un mari
fait comme lui, que j'aimerais fort et qui m'aimerait aussi ;

Elle lui dit un jour qu'il n'y avait qu'un seul homme qu'elle pût choisir pour épouser.
Il la pressa de lui apprendre son choix ; mais n'ayant pas la force de prononcer son nom,
elle voulut l'écrire avec un diamant sur les vitres d'une fenêtre.

c'était un jeudi, après souper. [...] Je l'appelai et lui dis :
"Je veux vous dire déterminément qui c'est."
Il disait : "Attendez à demain.
- Cela ne se peut ; car il serait vendredi.
- Ah ! Je ne puis vous dire en face ce que j'en penserai.
- Si j'avais une écritoire, je vous l'écrirais. Je m'en vais souffler sur le miroir et je l'écrirai."
Nous badinâmes une demi-heure de cette manière. Comme minuit sonna, je dis :
"Il n'y a plus moyen de le dire ; car il serait vendredi."

Puyguilhem jugea sans doute ce qu'elle allait faire, et espérant peut-être
qu'elle lui donnerait cette déclaration par écrit, dont il pourrait faire quelque usage,
il feignit une délicatesse de passion qui pût plaire à Mademoiselle,
et il lui fit un scrupule d'écrire sur du verre un sentiment qui devait durer éternellement.
Son dessein réussit comme il désirait,
et Mademoiselle écrivit le soir dans du papier : "C'est vous."
Elle le cacheta elle-même ; mais, comme cette aventure se passait un jeudi
et que minuit sonna avant que Mademoiselle pût donner son billet à Puyguilhem,
elle ne voulut pas paraître moins scrupuleuse que lui,
et craignant que le vendredi ne fût un jour malheureux,
elle lui fit promettre d'attendre au samedi à ouvrir le billet
qui lui devait apprendre cette grande nouvelle.

Le lendemain, j'écrivis sur une feuille de papier tout au haut : "C'est vous." [...]
Je la cachetai et la mis dans ma poche.
Ce jour-là, je ne le vis qu'en allant souper.
Je lui dis : "J'ai le nom dans ma poche ; mais je ne vous le veux pas donner le vendredi".
Il me dit : "[...] Je m'en vais demain à Paris, d'où je ne reviendrai que fort tard.
- Eh bien, j'attendrai à dimanche."

« Que signifie ce que nous sommes ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Comment y allons-nous ?… »
Jean Duché, un historien contemporain, fort controversé par certains, répond qu’il y a trois réponses plausibles :
La réponse cosmique , d’après Jean Rostand qui affirme que « L’espèce humaine passera comme sont passés les Dinosauriens et les Stégocéphales … »
La réponse religieuse, qui voit un Dieu bienveillant ou un Civa démoniaque mener la danse.
La réponse historique : « Qui ne veut connaître ni Dieu ni Civa, ni les dix mille milliards d’années de la vie planétaire ; qui voudrait bien connaître le million d’années de notre vie préhistorique, et qui ne connaît que les dix mille années de notre vie civilisée… »
Dans sa préface, J.Duché ajoute qu’il a «...entrepris d’écrire l’Histoire du Monde pour essayer de comprendre la prodigieuse aventure du monde où nous vivons ! »
Il pense aussi : « …avoir veillé à toujours garder quelque humilité devant le tumulte de l’histoire… ». Citant Marc Bloch qui écrivit : « Il y a longtemps que nos grands aînés, un Michelet, un Fustel de Coulanges, nous avaient appris à le reconnaître : l’objet de l’histoire est par nature l’homme. Le bon historien ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, là est son gibier. »
Pour mémoire, ajoutons que « L’Histoire du Monde », parait en 1958 chez Flammarion : « …quatre années de chasses à l’homme m’ont fourni huit ou neuf mille pages de venaison… »
Résultat : 1 L’animal vertical 2 Le feu de Dieu 3 L’Age de raison 4-5 Le grand tournant
A lire par petites doses ! Mais une vrai mine d’informations pour qui sait y puiser les « à cotés » parfois savoureux de l’ Histoire classique.