Clément Marot

Pour situer un peu Marot (1496/1497-1544), on pourrait dire qu'il est le seul très grand poète français du "Beau XVIe". Tout le monde connaît le "sonnet marotique" (rimes du sizain en CCD EED). Il fait la liaison entre l'époque des Grands Rhétoriqueurs, héritiers du Moyen-Age, et la Pléiade. Mais plus que d'être un lien, il construit une véritable œuvre renaissante.

L'Adolescence clémentine, recueil de pièces de jeunesse, montre un jeune auteur qui veut trouver sa place dans le monde des belles-lettres, notamment au moyen de divers patronages, comme celui par exemple du "Poete-Roy" François Ier. On trouve dans son œuvre divers genres poétiques : ballades, épîtres, contemplations, chansons, rondeaux, traductions de Virgile...

Marot, tout en adoptant une posture de poète officiel de cour, ne s'interdit pas la critique d'une société qui fait passer les sentiments au second plan par rapport à l'argent. Critique aussi d'adversaires (parfois avec une violence extrême), hommage détourné à un auteur de farce au "visage d'ivroigne"... Marot surprend par une liberté de ton qui étonne chez un poète de cour au XVIe.
Les œuvres additionnelles sont celles d'un homme qui voit son époque au bord de la rupture avec les conflits religieux, et notamment les "loups" qui à l'époque désigne les huguenots.

oui, oui, tout ce que tu veux sur Marot (1496-1544), mais le XVI e siecle ne manque pas de poètes, des très grands poètes de la Pléiade, citons les TRAGIQUES d'Agrippa D'Aubigné, qui faisait partie des "loups", en l'occurence les victimes !

Ah mais je parlais du "Beau XVIe", c'est-à-dire de la première moitié du siècle. La Pléiade, d'Aubigné... œuvrent tous dans la seconde moitié

je ne connaissais pas l'expression

Wikipedia n'est pas ni fortiche, ni précis :

Citation :

Le XVIe siècle commence le 1er janvier 1501 et finit le 31 décembre 1600. Historiquement, on considère souvent qu'il commence le 12 octobre 1492 avec la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb.
Pour la France, on considère qu'il commence avec l'avènement du roi François Ier en 1515 et qu'il se termine avec l'assassinat du roi Henri IV en 1610. Certains historiens le nomment le beau XVIe siècle.

Je ne saurais te dire de qui vient l'expression, mais ma prof de XVIe l'a utilisée plusieurs fois l'année dernière. D'après la définition qu'elle a donnée, le terme renvoie à la partie du siècle qui va de 1501 à 1562, c'est-à-dire avant le massacre des protestants par les Guise à Vassy.

Ah! Clément Marot... Il m'a ravie lorsque je l'ai étudié au lycée (il y a déjà quelques temps...). J'ai aimé sa malice, cette façon qu'il a de faire passer son message en l'enrobant de belles paroles, de flatteries et d'une naïveté toute de composition. Un bel exemple de cette science est l"Epître au Roi pour le délivrer de prison" où il joue les innocents et s'étonne du traitement qu'on lui a fait subir tout en dénonçant la cupidité et la corruption du juge. Tout ceci agrémenté de courbettes destinées au Roi.
Cette discussion m'a donné envie de me remettre à Marot...

Marot, marotte

marrant

C'est quand même un homme qui s'est sorti deux fois de prison grâce à des poèmes (un à une connaissance pour qu'il plaide sa cause, et une épitre au Roi si je ne m'abuse). C'est plus de nos jours qu'on verrait ça

Un des poèmes de lui que j'aime beaucoup :

Petite épître au Roi

En m’ébattant je fais rondeaux en rime,
Et en rimant bien souvent je m’enrime ;
Bref, c’est pitié d’entre nous rimailleurs,
Car vous trouvez assez de rime ailleurs,
Et quand vous plaît mieux que moi rimassez,
Des biens avez et de la rime assez :
Mais moi, à tout ma rime et ma rimaille,
Je ne soutiens (dont je suis marri) maille.
Or ce me dit (un jour), quelque rimart :
« Viens çà, Marot, trouves-tu en rime art
Qui serve aux gens, toi qui as rimassé ?
- Oui vraiment (réponds-je) Henri Macé ;
Car vois-tu bien la personne rimante
Qui au jardin de son sens la rime ente,
Si elle n’a des biens en rimoyant,
Elle prendra plaisir en rime oyant ;
Et m’est avis, qui si je ne rimois,
Mon pauvre corps ne seroit nourri mois
Ne demi-jour : car la moindre rimette
C’est le plaisir où fault que mon ris mette".
Si vous supplie qu’à ce jeune rimeur
Fassiez avoir un jour par sa rime heur,
Afin qu’on dise, en prose ou en rimant ;
« Ce rimailleur qui s’en ailloit enrimant,
Tant rimassa, rima et rimonna,
Qu’il a connu quel bien par rime on a.


Il a été mis en musique apparemment : https://www.youtube.com/watch?v=ebxI3kDb8KE

Prince d'Aquitaine a écrit:

Je ne saurais te dire de qui vient l'expression, mais ma prof de XVIe l'a utilisée plusieurs fois l'année dernière. D'après la définition qu'elle a donnée, le terme renvoie à la partie du siècle qui va de 1501 à 1562, c'est-à-dire avant le massacre des protestants par les Guise à Vassy.

C'est Le Roy Ladurie qui le premier a parlé du "beau XVIe siècle", dans les années 90 je crois...

nicyrle a écrit:

C'est Le Roy Ladurie qui le premier a parlé du "beau XVIe siècle", dans les années 90 je crois...

Merci pour cette précision, nicyrle

Quant au poème cité plus haut, je trouve personnellement que la rime héritée des Grands Rhétoriqueurs est assez artificielle.

Citation :

que la rime héritée des Grands Rhétoriqueurs est assez artificielle.

Yep ! tout le problème est là.

Je crois que ce côté artificiel est indéniable (mais la poésie n'est-elle justement pas un artifice ?).

Si cette contrainte est sur-jouée elle est parfaitement surmontée, et la poésie, même si ce n'est pas sa forme la plus haute, c'est aussi montrer qu'on est bon technicien, qu'on est bon "rimailleur'. Ici, la contrainte excessive de la rime donne un ton un rieur au poème, ton qui est cultivé dans le fond. J'ajouterai qu'il me semble pas qu'elle étouffe le sens du poème, comme c'est souvent le cas des contraintes excessive (comme par exemple les holorimes).

Donc je dirais que cet artifice n'est pas un problème - au contrainte - s'il se limite à un ou deux poèmes. Et je crois que Marot n'en a pas abusé à ce point dans ses autres poèmes ...

Dydime a écrit:

Donc je dirais que cet artifice n'est pas un problème - au contrainte - s'il se limite à un ou deux poèmes. Et je crois que Marot n'en a pas abusé à ce point dans ses autres poèmes ...

Bien sûr L'œuvre de Marot est restée dans l'histoire car il n'a pas fait que seriner un refrain déjà rebattu. Elle est très profonde, tant et si bien qu'elle échappe à toute critique fixe. Marot va de la traduction de Dante et Virgile à la poésie religieuse, en passant par la gaillardise, le paillard. D'ailleurs, ce dernier aspect, ainsi que la portée évangéliste de son œuvre, a fait que l'Église a tout fait pour que l'on laisse Marot aux oubliettes.