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| | andré Laude | |
| | Auteur | Message |
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rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: andré Laude Mar 29 Sep 2009, 11:02 | |
| “Fin 2008, les éditions de la Différence ont publié l’œuvre poétique d’André Laude. Retour sur l’itinéraire algérien d’un rebelle « Pied-Rouge ».”
André Laude, Œuvre poétique (avant-dire de Abdellatif Laâbi, préface de Yann Orveillon, cahier photo), éditions de la Différence,
un petit poème pour aiguiser les appétits :
”En traversant le pays des morts”.
En traversant le pays des morts
en route vers Aden les terres d’Arthur Rimbaud.
Je suce mes doigts à cause de la soif
de la malaria, du cancer des os.
Je songe à la Bretagne,
aux femmes aux hautes coiffes.
Je songe aux piroguiers du fleuve Zaïre.
Je songe aux oiseaux bariolés d’Amazonie.
Je songe au sexe chaud de l’indienne
à la tombée de la nuit.
Je songe à une espèce de poème
déclamé par un fou de génie
qui ferait taire les perroquets verts. | |
| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: andré Laude Mar 29 Sep 2009, 23:31 | |
| né en 1936, décédé en 1995, Un poète remarquable, je ne le connaissais pas, ses poèmes sont sombres et touchants j'ai choisi deux, mais tout son recueil est admirable
Je m’appelle personne Je me hais et je veux mourir. Je me hais et je veux mourir. Fermer les yeux. Songer une dernière fois à mon profil de poète grec, dans la plus pouilleuse île. Je serai, à partir de ce jour, ciel, ciel et ciel. Ciel au-delà de vos folies meurtrières. Je serai ciel. Je serai éternel.
* Encre et sang Je fais de ma vie de nuit en nuit un tas d’ordures. Je fais de ma vie une brumeuse chronique. Je fais de ma nuit le carrefour des fantômes. Je fais de mon sang un long fleuve qui tape à mes tempes. Je fais de ma peur un oiseau noir et blanc Je fais d’un oiseau mort, pourri, l’enfant que j’aurais pu être. Je fais d’un enfant un feu fou, un bloc de cendres. Je fais de ma mort à venir un festin de serpents. Je fais d’un serpent la corde pour me pendre. Je fais d’un long, acharné silence le testament de tout ce qui fut désastres, horreurs, ennuis, ruptures et interminables hurlements. Je pisse de l’encre et du sang. Je pisse de l’encre et du sang. Je chante sur le bûcher des châtiments. * | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: andré Laude Mer 30 Sep 2009, 05:23 | |
| Il est peu connu en France, et je suis étonné Amadak que tu aies trouvé ces poemes - Citation :
- Qui était André Laude ?
Poète, écrivain, voyageur, militant, journaliste, il a eu plusieurs vie en une. Comme Blaise Cendrars, il s’était inventé un curriculum vitae à géométrie variable.
Au dos de Rue des Merguez, il affirmait, bien que né en 1936, s’être lié à la bande à Bonnot et aux Travailleurs de la nuit d’Alexandre Jacob. Il disait avoir été amoureux d’une espionne balte avec qui il rencontra Rosa Luxembourg. Il prétendait avoir dirigé une armée rouge dadaïste, avant de créer une colonie communiste utopiste au Brésil en 1928, avant de fonder, à Cuba, en 1934, le parti surréaliste anarchiste dont il aurait été exclu pour libertinage sexuel.
Sa vie se terminait dans le triangle des Bermudes le jour du putsch de Franco en Espagne. Pour conclure, il annonçait que ses œuvres complètes seraient publiées en Australie par les éditions Kangourou… in le mague | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: andré Laude Sam 03 Oct 2009, 14:59 | |
| Cercle rouge
Combien de taureaux cruels dans les faubourgs de l’amour.
Combien de taureaux dans les ruelles de l’errance
où je cherche Marie-Juana au visage d’enfance abîmé
par les matelots de Sydney, Vancouver et Brest-Recouvrance.
Combien de taureaux fous derrière mon front de rêveur.
Combien de vers dans la sombre tombe où repose mon ami.
Combien de clous enfoncés dans ce cercle rouge mon coeur.
Combien de prophètes et de sourciers au bout des déserts.
Je cherche Marie-Juana une femme sans âge,
elle est sorcière du monde des légendes des pays verts.
Elle est l’hostie sur mes lèvres
et la lampe à huile au fond de mes yeux.
Combien de taureaux aveugles et combien de feux
et combien de morts dans des guerres pour d’obscures îles. | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: andré Laude Sam 03 Oct 2009, 16:46 | |
| Dans son ouvrage "Les désemparés"(Le Castor Astral) son ami Patrice Delbourg en a fait un émouvant portrait, intitulé "piéton couleur d'homme", dont voici un extrait : "Le charme, l'inspiration, le verbe, les femmes, les amis, un brillant itinéraire journalistique, il posséda tout. Et tout s'évanouit dans les brumes dormantes du Marais. Sacoche en bandoulière, lunettes rafistolées, la mèche insurgée, le journal "Le Monde" toujours fiché dans une poche de sa veste d'hiver, sa silhouette inquiète, fébrile, était devenue indissociable du triangle magique formé par Le Volcan de Sicile, Le P'tit Gravoche et son cher Rendez-vous des amis tenu par madame David. Aux terrasses de la place Bourg-Tibourg, il ne touchait plus guère à ce qu'il y avait dans son assiette. Certains soirs de fatigue, c'était encore l'âme de Paname qui le tenait debout." Je ne bâtis pas Je creuse Des tunnels de frayeur Je ne nomme pas J'appartiens à des peuples d'ombres
Je dure Je suis fragile J'ouvre la bouche et je rêve Je me tais et me confonds au silence des pierres levées
Je ne t'attends pas
Je ne t'attends pas je t'atteins d'un seul coup d'aile je te baigne d'eau douce je dénoue tes frondaisons chaque secousse du désir me rapproche du centre de la flamme on parlera bientôt de noces de feux qui se sont croisés dans les campagnes abordés avec cette fraîcheur de source aux lèvres et puis apprivoisés à petits coups de silences on parlera bientôt d'un pays habitable vérifié par le vol des abeilles nous n'aurons pas assez de mains ardentes pour cueillir le coton blanc des légendes nous n'aurons pas assez de nuits transfigurées pour faire cet enfant de jasmin et de jour qui posera son front sur la mer jusqu'à ce que la blessure se taise dans chaque homme saccagé par les songes.
André Laude ( Riverains de la douleur) | |
| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: andré Laude Mar 06 Oct 2009, 14:42 | |
| Riverains
Riverains de la douleur Qu’un écume parfois frange Têtes nues sous un duvet d’anges Un ciel sans tache que seule dérange La respiration des fleurs
Front contre front nous sommes forts Ni plus ni moins que la bête Enfonçant ses ongles dans les prairies blettes Aux soirs de gelée cassante, aux aurores Qui bleuissent la peau de la planète
Front contre front nous faisons gémir le bois roux des portails d’été la main posée sur l’encolure du désir debout là où hier les compagnons périrent nous faisons un vague début d’humanité
Riverains de la douleur qu’une ondée parfois recouvre le ventre semé de dents de louve nous habitons l’étage supérieur O mort qui baille au fond des douves
Riverains de la douleur est le titre du recueil illustré par Corneille chez Verdier | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: andré Laude Mer 07 Oct 2009, 09:41 | |
| Poème inédit, écrit sur le mur de poèmes, lors d'une biennale d’art contemporain en 1993. D’après un film retrouvé de Luis Buñuel
Vieux cow-boy dans canyon délabré
En dessous des aigles livides le squelette des chercheurs d’or
Vieux cow-boy rescapé de toutes les guerres indiennes
Marié jadis à Chihuahua fille de Pancho Villa
De la poussière aux yeux et ongles des mendiants chicanos
Du bleu du ciel d’Aoxaca dans le sommeil des soldats
qu’attendent des munitions pour attaquer le train du Président gringo
Vieux cow-boy aux cent cicatrices qui hier encore tuait au nom du Père et du Fils
Vieux cow-boy mort à l’est du Rio qui rêve comme Fenimore Cooper d’une carabine sans crosse ni canon
André Laude, 22 mai 1993
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| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: andré Laude Sam 24 Oct 2009, 15:29 | |
| Nora Nord qu'on n'attendait plus
Nora Nord enfin dégagée des miroirs
hier fiancée du singe velu
aujourd'hui tombeau d'une pure mémoire
esclave j'escorte le tambour de ses doigts
guerrier je connais le soleil de son front
rebelle je plante un drapeau dans sa voix
poète avec des tonnes de neige j'élève son nom
pays promis je pénètre ses foudres ses silences
je bois ses colères enfantines
amant fou je sème sur sa poitrine l'églantine
je signe un pacte avec l'ombre portée de sa hanche
là où Nora Nord
avec une paille d'Egypte
fait des bulles bleues
la vrai vie est.
(Dans ces ruines campe un homme blanc , Prix Pont de L' Epée 1968, éd. Guy Chambelland) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: andré Laude Lun 09 Nov 2009, 11:43 | |
| Ultime poème D'André Laude ... poème encadré par deux oiseaux tracés à l’encre rouge, qui fut trouvé sur sa table de travail ... Ne comptez pas sur moi je ne reviendrai jamais Je siège déjà là-haut parmi les Elus près des astres froids Ce que je quitte n’a pas de nom Ce qui m’attend n’en a pas non plus Du sombre au sombre j’ai fait un chemin de pèlerin Je m’éloigne totalement sans voix le vécu mille et mille fois m’a brisé, vaincu. Moi le fils des rois . | |
| | | Amadak pilier
Nombre de messages : 3859 Localisation : Buenos-Aires Date d'inscription : 08/12/2007
| Sujet: andré Laude Lun 09 Nov 2009, 15:49 | |
| ce fil sur André Laude me touche, me donne des frissons ,il deviendra l'un de mes préférés. merci à Rotko et à Constance, grâce à vous je l'ai connu. | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: andré Laude Lun 09 Nov 2009, 17:37 | |
| Cadeau du soir , Amadak ... Les fleuves qui remontent à la source pour mourir
souffrent dans le ventre des poissons
-
les saumons ramènent avec eux
tous les fleuves
-
Et les fleuves vaillants rament contre le courant
-
Les fleuves qui ont tant voyagé
de tropique en tropique
de pôle en pôle
sont exténués, éclats bleus et froids
-
Les fleuves qui remontent à la source pour mourir
ramènent avec eux le poème du désir
et du renoncement
-
et les poissons calment les fleuves
comme on calme dans la nuit noire les petits enfants
-
("Rituel des fleuves et des saumons", éd. La Table Rase) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: andré Laude Ven 04 Déc 2009, 19:12 | |
| Avec ma gueule de métèque je marche le long des grands boulevards de l'Europe de l'Ouest sclérosée à la peau du ventre fripée Je suis juif de Lodz j'ai quitté il y a à peu près un siècle le Shettl natal pour devenir raccommodeur de vieux vêtements rue des Ecouffes fidèle client de la synagogue et du bistrot de Goldenberg Je m'appelle Moshé Isaac Lewinshon
Je suis kabyle du Ravin de la femme sauvage je balaie les feuilles mortes d'octobre en récitant du Prévert L'été je vide les poubelles c'est beau Paris à cinq heures du matin dans l'Ile-Saint-Louis Là-bas m'attendent femmes et enfants je reviendrai un jour au douar riche et tuberculeux Je m'appelle Mohamed Larbi Fils de la Kahena Enfant du grand désordre
Je suis nègre du pays des grands fétiches et des lacs profonds, brûlants aux poissons lourds chez Renault Billancourt je travaille à la chaîne A la pause de midi je tape sur les vieux bidons cabossés et ça fait rire les copains français qui entre eux à voix basse prétendent que j'ai bouffé mes grands-parents Je suis nègre syndiqué il y a des femmes blanches que je désire en silence Je m'appelle Abou Diouf et il paraît que j'ai vingt-trois ans je ne bois jamais car je suis bon musulman et les autres se mettent en colère parce que je refuse de me saoûler en leur compagnie quand tombe la nuit sur Pantin Saint-Ouen Bagneux Ivry rue Saint-Denis
Avec ma gueule de métèque je marche le long des grands boulevards de la civilisation occidentale j'ai toujours peur des flics qui cognent tâtent sournoisement sous mon imperméable j'ai toujours peur des regards haineux des sourires des mères qui promènent leur progéniture j'ai toujours peur des néons de la foule des bagnoles qui me frôlent des feux rouges des fins de journées des patrons de cafés et de leurs chiens-loups J'ai toujours peur dans le métro au BHV dans la rue dans ma chambre propre et triste nue J'ai toujours peur de mon visage dans le regard de l'autre J'ai toujours peur parce qu'obscurément je sais que je suis coupable coupable de tout
Pensez : Je viens d'ailleurs Ma voix est rauque je suis différent Mon sang a coulé d'un feuillage inconnu ici J'ai toujours peur Et pourtant j'aimerais avec chacun parler de la pluie et du beau temps leur montrer à tous les vieilles photos jaunies de là-bas du pays Mais je ne peux pas faire le premier geste car j'ai toujours peur Mais je vous demande Pardon
(Le Fou parle) | |
| | | Constance pilier
Nombre de messages : 1650 Date d'inscription : 01/10/2009
| Sujet: Re: andré Laude Jeu 10 Déc 2009, 19:24 | |
| Nous n'habitons nulle part nous ne brisons de nos mains
rouges de ressentiment que des squelettes de vent nous tournoyons dans un désert d'images diffusées par les invisibles ingénieurs du monde de la séparation permanente retranchés dans les organismes planétaires planificateurs infatigables du spectacle nous ne sommes rien nous ne sommes qu'absence une brûlure qui ne cesse pas nous n'embrassons nulle bouche vraie nous parlons une langue de cendres nous touchons une réalité d'opérette nous n'avons jamais rendez-vous avec nous-mêmes nous nous tâtons encore et toujours nous errons dans un magma de signes froids nous traversons notre propre peau de fantôme le soleil du mensonge ne se couche jamais sur l'empire de notre néant vécu atrocement au carrefour des nerfs nous n'avons ni visage ni nom nous n'avons ni le temps ni l'espace des yeux pour pleurer trente-deux dents totalement neuves pour mordre mais mordre où mais mordre quoi de fond en comble toutes les chaînes autour desquelles s'articulent nos chairs nos pensées d'aujourd'hui jusqu'à ce qu'elles cassent dans un hourrah de lumières de naissances multiples décrétons le refus global les jardins des délices tremblent et éclairent au-delà la révolte met le feu aux poudres taillez enfants aux yeux d'air et d'eau les belles allumettes dans la forêt des légitimes soifs taillez les belles allumettes pour que flambe le théâtre d'ombres universel.
(In Testament de Ravachol) - Spoiler:
Oeuvre indispensable, à lire de toute urgence ...
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| | | rotko pilier
Nombre de messages : 69282 Date d'inscription : 26/12/2005
| Sujet: Re: andré Laude Sam 13 Mar 2010, 06:39 | |
| le numéro 2 du Cahier André Laude vient de paraître.
On y trouve La Confession d’un Français de gauche en Algérie (publiée dans Combat des 8, 9 et 10 juin 1965), sur des textes comme La République des maîtres et des esclaves n’est pas la nôtre ou Ci-gît André Laude. source, la Mague. | |
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